Angle mort

Encore l’espoir

Le 31 juillet, ce sera le deuxième anniversaire de la disparition de la petite Cédrika.

Pour l'occasion, on aura certainement droit à un reportage, un article, au minimum un entrefilet.

On ne manquera pas de rappeler que malgré le battage médiatique, malgré le cri du cour de la mère devant les caméras, malgré le million d'affiches dispersées jusque dans le moindre greasy spoon de la Côte-Nord, malgré les récompenses promises pour toute information permettant de la retrouver, malgré le spectacle-bénéfice, malgré le malheureux gag de Mike Ward et malgré Claude Poirier, on ne l'a toujours pas retrouvée, la petite Cédrika.

Et c'est alors que le journaliste nous dira que la famille garde tout de même espoir de la retrouver vivante.

Puis, on passera à la météo.

On reparlera de Cédrika l'an prochain, à pareille date. Ou avant, si par miracle on la retrouvait. D'ici là, le feuilleton des nouvelles a d'autres drames à fournir à sa clientèle.

J'ai une amie du cégep, Nathalie, dont l'arrière-grand-mère de 101 ans a perdu un fils qui n'est reparu que trente ans plus tard. On l'imagine bien, des histoires du genre, ça nourrit l'espoir.

Et elle en a besoin, Nathalie.

Cela a fait dix-sept mois le 17 juillet dernier que sa petite sour, Marilyn Bergeron, n'a plus donné signe de vie.

La jeune femme de 24 ans est partie prendre une marche en fin d'avant-midi et n'est jamais revenue. À 16 h 03 ce jour-là, elle a acheté un café au Café Dépôt de Saint-Romuald, pas loin de Québec. La caissière se souvient de son "air déprimé".

Dix-sept mois plus tard, l'enquête policière n'a pas avancé d'un pouce.

"On est encore au Café Dépôt", me dit Nathalie, qui habite à Los Angeles depuis quelques années.

La volatilisation inexpliquée de Marilyn a complètement bouleversé son existence et celle de ses parents.

Il y a eu le sprint des jours suivant sa disparition. "On ne mangeait plus, on ne dormait plus, dit Nathalie. C'était le moment le plus critique: il fallait écrire tout ce qui se passait."

Puis, c'est le marathon.

Nathalie a créé un site Web pour retrouver Marilyn. Elle le met régulièrement à jour. Elle a écrit à tous les organismes imaginables qui s'occupent de gens dans le besoin. En ce moment, elle tente d'ajouter Marilyn aux sites d'avis de recherche américains.

Quand elle voyage pour son travail, la jeune trentenaire traîne toujours dans ses bagages une photo et le dossier de sa sour. "Que ce soit à Montréal, Londres, Vancouver ou Paris, je visite presque toujours le poste de police", dit-elle.

Au centre-ville de Montréal, elle a passé deux heures en pleine nuit à rencontrer des policiers. "Dans les premiers mois, à Montréal, les policiers ne savaient toujours pas qui était Marilyn, raconte Nathalie. Aujourd'hui, ils sont presque tous au courant."

C'est une petite victoire.

Depuis dix-sept mois, Nathalie consacre 50 heures par semaine aux recherches pour retrouver sa sour.

Elle n'a pas beaucoup de ressources, ni vraiment de moyens.

Tout ce qu'elle peut faire, en fait, c'est agiter la photo de Marilyn devant le visage du plus grand nombre de gens possible, dans l'espoir que les enquêteurs ne classent pas son dossier dans la filière 13, avec les autres. Dans l'espoir, aussi, que quelqu'un, quelque part, la reconnaisse et la retrouve.

C'est fort en titi, l'espoir.

Car après dix-sept mois d'enquête, on en est toujours au Café Dépôt de Saint-Romuald, à cette caissière qui a vu Marilyn pour la dernière fois. C'est le seul indice sur lequel on peut s'appuyer. La seule piste, si tant est qu'il s'agisse bien d'une piste…

On n'est pas plus avancé du côté de la petite Cédrika. Et c'est toujours le néant en ce qui concerne David Fortin, cet adolescent d'Alma disparu depuis le 10 février dernier.

La disparition, c'est pire que la mort. On finit par faire son deuil d'un proche décédé.

Mais quand quelqu'un s'évapore sans laisser d'adresse, il laisse derrière une parenthèse non refermée qu'on appelle l'espoir.

"On ne sait pas comment l'histoire va finir, dit Nathalie. On s'accroche à l'idée que Marilyn est encore en vie. Je me dis qu'elle a les pieds dans le sable au Mexique, ou que c'est Rock'n Nonne: que ma sour est cachée dans un couvent quelque part."

Pour Nathalie, tant qu'il y a l'espoir, Marilyn est en vie.

*

Trouver Marilyn

Retrouvons David Fortin

Site officiel de Cédrika Provencher