Angle mort

Chronique inoffensive

Bien sûr que ça me fait quelque chose.

Vous avez peut-être vu passer l'actu. La semaine dernière, le réseau de télévision jadis connu sous le nom de TQS retirait ses pubs de Voir à cause, ai-je lu dans les journaux, d'une de mes récentes chroniques.

Les propos que j'ai tenus à l'égard de V auraient été, et je cite, "méprisants et de mauvaise foi".

Mon journal a perdu de l'argent par ma faute.

Bien sûr que ça me fait quelque chose.

Et tous ces gens qui m'ont dit, la semaine dernière (et même avant), que je manque d'honnêteté intellectuelle, que j'ai la pertinence d'un sous-tapis, que je suis un "no where" qui se sent "oubligé" (je cite toujours) de rire des gens pour se faire un nom.

Ça aussi, ça me fait quelque chose.

Or, tous ceux qui ont usé de leur liberté d'expression pour me signifier que j'utilise la mienne mal et trop souvent ont parfaitement raison.

Jusqu'à maintenant, j'ai pensé qu'en apportant mon insignifiant grain de sel à certaines questions d'intérêt plus ou moins public, j'allais attirer votre attention.

Ce faisant, j'espérais secrètement que vous m'aimeriez.

Quel naïf j'étais!

J'ai pourtant tous les jours, juste là, sous les yeux, des modèles que tout le monde aime et qui me montrent la direction à prendre.

Ils s'appellent Gino, Sébastien, Francis et Boucar, Véro, France…

Ils ne médisent jamais sur personne. Ils sont fins comme tout.

On ne les aime pas parce qu'ils disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas – quelle idée farfelue!

On les aime parce qu'ils disent tout haut ce que tout le monde pense déjà.

Un exemple qui parle de lui-même. Récemment, sur la couverture d'un magazine, Véro (enceinte jusqu'aux yeux) déclarait: "Je suis une bonne mère, mais je ne suis pas parfaite!"

Quelle trouvaille! Il fallait y penser, non?

Véro, c'est vous, c'est ma blonde, c'est ma mère, c'est toutes les mères du monde. Parce que toutes les mères du monde sont bonnes, mais pas parfaites.

En lisant cela, j'ai été frappé d'une épiphanie.

Voilà maintenant le genre de sujets que je souhaite aborder dans cette chronique.

Désormais, vous vous reconnaîtrez entre ces lignes, chers amis.

Vous vous verrez à travers mes mots, et parce que je pense exactement comme vous, et que vous vous aimez, alors vous m'aimerez par un brillant effet de miroir.

L'équation est si simple.

Comment ai-je pu ne pas y penser avant?

On sort d'une récession, qui veut d'un autre grognon?

Désormais, plus d'opinions corrosives pour moi. Exit le petit ton baveux.

La déférence sera ma femme et l'optimisme, ma maîtresse.

Passez le mot: le Steve mordant est mort, place au Steve doux!

Par où commencer? Les couleurs de l'automne? Le bonheur simple d'aller aux pommes en famille? Et si je vous faisais découvrir les épiceries fines de mon quartier? Hein?

Le boulimique de culture que je suis vous servira bien entendu des critiques évidées de toute malice. Exemple: De père en flic? Ce film mérite une contravention pour excès de rire!

Par ailleurs, je veux vous entendre!

Avez-vous un plaisir coupable? Confessez-le (rires)!

Quels sont vos plus beaux souvenirs de vacances?

Quels petits gestes faites-vous pour sauver la planète? Ça m'intéresse!

Partagez avec moi vos lectures d'été, surtout s'il s'agit de la série Millénium! Mais ne me vendez pas la mèche, je ne l'ai pas encore lue (rires)!

Aaaaah…

Ça m'a fait quelque chose, mais en fin de compte, je remercie V de m'avoir remis les yeux en face des trous.

En retirant ses annonces de ce journal, la direction de ce réseau a démontré combien elle respecte la libre parole, dans la mesure où elle n'en fait pas les frais, ce qui est PARFAITEMENT légitime.

V m'a aussi rappelé la place que j'occupe dans l'écosystème médiatique. Celle du simple scribe qui mange à sa faim grâce à la publicité, et à qui la pub ne demande qu'un tout petit peu de reconnaissance.

Cela aura pris du temps, mais après 245 chroniques, j'ai fini par comprendre.

J'en profite d'ailleurs pour inviter les autres annonceurs à investir chez nous!

Je dirais même plus: tenez-moi au courant de vos nouveaux produits et services. J'en glisserai un mot ou deux dans cette colonne avec plaisir.

C'est une pratique qui existe dans certaines publications et, en effet, elle devrait être généralisée.

Il en va de la pertinence de l'industrie des médias.

NOTE DE LA RÉDACTION – Après vérification auprès de l'auteur de ce texte, il semble que certains passages de cette chronique aient été rédigés avec une intention ironique. Nous nous excusons de l'inconvénient auprès de nos lecteurs. Steve Proulx reviendra la semaine prochaine avec son air bête habituel.