Angle mort

Vive la science

J'ai beau ouvrer au sein d'un hebdomadaire culturel, à vrai dire je m'intéresse d'abord à la science.

Je dévore régulièrement le Scientific American, The Scientist, Discover; des magazines qui prolongent mes séjours aux cabinets.

J'ai toujours eu un peu honte de parler de mon amour pour la science. Peur de passer pour un ringard, j'imagine.

Je suis également un gros fan de science-fiction. Une passion que je ne partage avec absolument personne de mon entourage, hormis mon beau-père. Lui est pire que moi: il a lu tous les bouquins de sci-fi imaginables. Un vorace.

La semaine dernière, lui et moi sommes allés voir au cinéma le dernier Bruce Willis, Surrogates. C'est loin d'être un grand film de science-fiction – les membres de Voir.ca ne lui ont d'ailleurs décerné que deux étoiles -, mais je trouvais la prémisse invitante.

Synopsis. Dans un futur proche, les gens vivent à travers des marionnettes-robots qui travaillent pour eux, vont à l'épicerie pour eux, baisent pour eux. Une société où plus personne (en chair et en os) ne met le nez dehors, mais où tout le monde se cache derrière un humanoïde correspondant à son idéal physique. Du coup, il n'y a plus de moches, plus de gros, plus de vieillards. Un monde parfait.

Il y avait beaucoup de potentiel derrière cette idée. Beaucoup de thèmes à explorer, sur l'identité, la virtualité, la quête de la perfection.

Malheureusement, Hollywood a tout gâché et nous a servi un autre film de flics, de bagarres et de cascades.

Parce qu'Hollywood ne s'intéresse pas à la science. Encore cette peur d'être ringard, j'imagine.

Mon beau-père avait d'ailleurs ce commentaire fort pertinent au sortir de la représentation: "Les seuls scientifiques qu'on a dû approcher pour ce film, ce sont les gars des effets spéciaux."

C'est classique. Dans le domaine du cinéma de science-fiction, la prémisse est souvent meilleure que l'action. Un autre excellent exemple, Waterworld, avec Kevin Costner (1995).

L'idée de départ avait du bon. À quoi ressemblerait le monde si les changements climatiques avaient fait fondre les glaciers, si le niveau des océans s'était élevé et si les continents étaient engloutis?

En partant de cette simple proposition, on aurait pu raconter un milliard d'histoires fascinantes. On a préféré faire un navet de 175 millions $.

Les artistes québécois non plus ne s'intéressent pas tellement à la science.

D'ailleurs, les ouvres de science-fiction bien de chez nous sont rarissimes.

Mais j'en ai trouvé une sur le Web. C'est une nouvelle série de webtélé intitulée Temps mort ( www.tempsmort.tv ). L'idée? En 2013, un cataclysme survient et l'hiver ne s'arrête plus jamais… Vous irez voir.

Tout ceci pour dire que j'aime la science.

J'aime la science parce qu'elle m'intrigue. Tellement, en fait, que bien souvent je n'y comprends rien. Prenez le Grand Collisionneur de hadrons, cet accélérateur de particules en forme de tunnel de presque 27 kilomètres de diamètre inauguré l'an dernier à la frontière franco-suisse. Combien d'articles ai-je lu sur le sujet? Pourtant, je ne peux toujours pas vous expliquer dans mes mots à quoi sert exactement cette machine démesurée (et exagérément coûteuse).

Avoir devant moi quelque chose d'aussi énorme que je n'arrive pas à comprendre: j'adore.

Cette semaine, la Fondation Nobel a annoncé le nom des récipiendaires des prix du même nom. Comme d'habitude, on ne retiendra que le gagnant du Nobel de la Paix, seule catégorie récompensant des gens connus tels qu'Al Gore, Jimmy Carter, Kofi Annan, etc.

Les autres, on en parlera peu, ou pas.

Sachez tout de même que le Nobel de médecine cette année sera remis à trois scientifiques américains qui ont découvert comment telle enzyme protège les chromosomes du vieillissement cellulaire. Ils ont étudié une enzyme qui pourrait nous guider vers la jeunesse éternelle. À quand le film?

Les scientifiques, justement… eux, ils m'impressionnent.

Ceux-là ne versent jamais dans le simplisme, le discours binaire ou le célèbre "gros bon sens". Ils ont toujours une nuance à apporter. Ils refusent de trop vite sauter aux conclusions et prennent tout avec des pincettes.

C'est probablement la raison pour laquelle il y a peu de scientifiques dans les shows de chaises à la télé. Quand on veut organiser un débat bien polarisé autour d'une question, on n'invite surtout pas un scientifique. On invite Liza Frulla, Jean Barbe ou un humoriste.

Et on part le kodak.

C'est parce que la télé, cette soi-disant fenêtre sur le monde, n'aime pas non plus la science.

Dommage. Les scientifiques sont pourtant parmi les rares personnes à considérer le monde tel qu'il est vraiment: c'est-à-dire d'une complexité inouïe.

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