Je vous dis que c'est beau à voir.
Fin septembre, un journaliste de RueFrontenac.com , Fabrice de Pierrebourg, révélait des rencontres douteuses entre Benoît Labonté, chef de l'opposition officielle à la Ville de Montréal, et le fameux entrepreneur Tony Accurso (celui qu'il vaut mieux ne pas avoir dans ses amis Facebook, par les temps qui courent, si l'on aspire à une carrière politique).
Quelques jours plus tard, une journaliste de Radio-Canada, Marie-Maude Denis, tirait les vers du nez de Labonté, fraîchement évincé du parti de Louise Harel. Celui qui venait à peine de mentir effrontément à la population, en réfutant les allégations de RueFrontenac.com , a finalement tout déballé.
Beau à voir.
Depuis quelques semaines, pas une journée ne s'écoule sans qu'un journaliste nous sorte de son sac à scoops une magouille puante liée au monde de la construction et de la politique municipale.
Ces révélations à la mitrailleuse ont complètement occulté les autres dossiers de la dernière campagne électorale municipale, et forcé les candidats à la mairie à promettre toute une cargaison de mesures pour ramener l'éthique à l'Hôtel de Ville.
Je vous dis que c'est beau à voir, les amis.
Et n'en doutez point, des exclusivités croustillantes qui font rouler des têtes corrompues, il y en a encore dans les fourneaux des journalistes.
Pour Fabrice de Pierrebourg, le cas Labonté était un hors-d'ouvre. Pour la suite, il entend démontrer qu'il existe au Québec une "petite clique de mercenaires électoraux". "Au fil des années, dit-il, on retrouve leurs noms associés à plusieurs partis, tant au municipal qu'au provincial, mais plus intéressant encore, au fédéral."
D'ailleurs, souligne-t-il, la grosse histoire risque de se passer au niveau fédéral. Stay tuned, comme on dit.
Il est réjouissant de constater, ces derniers jours, le triomphe du journalisme d'enquête. On serait même tenté de dire que la profession traverse en ce moment une sorte de lune de miel avec le public.
Tenez, il y a ce baromètre des médias de la Chaire de recherche en éthique du journalisme (CREJ) de l'Université d'Ottawa, publié la semaine dernière, qui nous annonce que le public québécois accorde une confiance élevée aux journalistes.
Ça nous change des précédentes études qui plaçaient la crédibilité des supposés chiens de garde de la démocratie quasiment nez à nez avec celle des agents immobiliers.
Pour établir la crédibilité des médias, le sondage de la CREJ a posé la question suivante à 1000 personnes: "Les choses se sont-elles passées vraiment, à peu près, pas mal différemment ou pas du tout comme le racontent les médias?"
Au Québec? Tenez-vous bien: 82 % des gens sondés pensent que les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme on l'a raconté à la télévision. 75 % pensent la même chose des journaux et 74 % de la radio. Les nouvelles lues sur Internet ferment la marche avec un taux de crédibilité de 56 %.
C'est élevé. Étonnamment élevé.
Le journal La Croix pose cette même question aux citoyens français depuis 1987, et les résultats n'ont jamais dépassé 66 %.
La firme de relations publiques Edelman a récemment mené un sondage semblable à travers le monde. Elle est parvenue à des résultats assez différents. Au Canada, 37 % des gens font confiance aux médias; aux États-Unis, un maigre 25 %.
Comment expliquer les résultats du baromètre de la CREJ?
Hypothèse: le sondage a été réalisé entre le 15 et le 25 octobre dernier, soit au plus fort des révélations au sujet de Benoît Labonté et de la corruption à l'Hôtel de Ville.
"Est-ce que ces événements ont aidé la réputation des journalistes? demande l'auteur de l'étude, Marc-François Bernier. Probablement. Et tant mieux pour eux."
D'autant plus qu'il est assez ironique de constater que ce regain momentané de confiance envers les journalistes survient au moment même où la profession traverse une de ses pires crises existentielles.
Au prochain congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, on débattra même de la question du financement public du journalisme.
Ça risque d'être beau à voir, ça aussi.
Pendant que le vieux modèle d'affaires de la presse écrite vole en éclats, que l'on exige des journalistes de bloguer, de twitter, d'informer le plus vite possible (et surtout, que ça coûte le moins cher possible), un sondage comme celui de la CREJ est un beau rappel à l'ordre.
Il rappelle aux médias que ce que le public attend vraiment d'eux, ce sont des scoops gros comme le yacht de Tony Accurso.
Si on a l'ambition de vendre de l'information à ce même public, il faudrait commencer par lui donner ce qu'il veut.
La popularité du journalisme passe par la qualité de l’information, la vraie, pas celle des téléromans ou des chats possiblement écrapoutis…
Ça demande un certain courage et une « droiture » d’esprit pour être un journaliste digne de ce nom. Bravo à ceux qui font leur boulot! ;)
La crédibilité dont les journalistes profitent aujourd’hui au Québec émane d’un travail acharné de certains. Elle ne devrait pas s’appliquer à tous. N’est-on pas tous en mesure de nommer quelques artistes dont la pertinence et la crédibilité frôlent le ridicule?
Acclamons le beau journalisme d’enquête qui fait un « come-back » et espérons que les rédacteurs en chef sauront continuer de l’encourager plutôt que de juste chercher le prochain gros titre.
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M. Proulx,
Pour une rare fois, je trouve que vous êtes dans les choux. Peut-être est-ce dû au manque de sommeil (félicitations, by the way)… Être cocky, je dirais que je trouve pathétique le fait que vous, les journalistes, devez reformuler la question saisonnière pour avoir le résultat que vous voulez obtenir… Ça vous démangeait, n’est-ce pas, d’être désavantageusement comparés aux vendeurs de chars usagés?
Le problème de votre classe, ce n’est pas que l’on ne croit pas les informations que vous véhiculez, c’est qu’on doute de leur pertinence intrinsèque. Vieux stock d’accords (bien que paroxystique eu égard à ce que j’essaie de décrire), mais je vous signale tout de même que sept ans après la première guerre du Golf, les journalistes québécois – sauf Pierre Foglia – n’avaient pas encore parlés des vieillards irakiens qui mourraient à la pelle faute des médicaments les plus basiques (embargo) ni des 3000 bébés irakiens qui mouraient de faim chaque mois (embargo… vous me direz que la nouvelle s’est révélée fausse, mais on ne l’a su qu’en 2003…) Or, pendant ce temps-là, on était abreuvé de détails sur la Monica…
Voyez, ce n’est pas de savoir si Monica était « vraiment, à peu près, pas mal différemment ou pas du tout » à genoux sous le bureau du Président quand elle le suçait qui nous interpelle. Vous croire là-dessus, c’est le minimum syndical. C’est plutôt tout le reste qui est en cause, à commencer par le choix des sujets traités et la façon de les aborder.
Merci.
@ Sébastien Lavoie
Vraiment, je n’aurais pa su mieux dire! Je vous appuis sur toute la ligne.
L’information poubelle prend malheureusement toute la place. Quand vient le temps de nous communiquer des informations qui auraient un réel impact sur nos vies, exeption faite des dernières semaines, on choisi de nous balancer des conneries.
Il est bien loin ce temps où je croyais que le métier de journaliste en est un des plus nobles.
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