Le diplôme, ce mal-aimé
40 % des Canadiens anglophones de 18 à 24 ans croient qu'un diplôme universitaire est nécessaire pour mener "une vie fructueuse", selon un sondage de l'Association d'études canadiennes.
Chez les jeunes francophones, c'est deux fois moins.
Au Québec, on a du mal à faire l'équation entre "succès dans sa vie" et "succès dans ses études".
En 2005, le rapport Gervais sur le financement de l'éducation évoquait d'autres études confirmant ce fait.
Par exemple, un sondage mené en 2003 par Ipsos-Reid montrait que 83 % des Canadiens des autres provinces trouvent important "d'acquérir les habiletés permettant de fréquenter un collège ou une université". Au Québec, 53 % des gens partagent cet avis.
De façon générale, les jeunes Québécois sont moins attirés par les études universitaires que leurs semblables ailleurs au pays. Et les parents québécois sont ceux qui épargnent le moins en vue des études postsecondaires de leur progéniture.
Oui, le Québec est une société distincte. Notre différence est saisissante lorsqu'on compare l'importance que l'on accorde à l'éducation par rapport au reste du Canada.
Qu'on s'étonne maintenant qu'un jeune Québécois sur trois fête ses 20 ans sans posséder ne serait-ce qu'un diplôme d'études secondaires! C'est le cas actuellement.
Lorsqu'elle n'est pas en train d'accorder de la "flexibilité" aux écoles juives orthodoxes, la ministre de l'Éducation Michelle Courchesne cherche des moyens d'améliorer la persévérance scolaire. Elle s'est d'ailleurs engagée à atteindre l'objectif suggéré par le récent rapport Ménard: augmenter à 80 % d'ici 2020 le taux de diplomation des jeunes Québécois de moins de 20 ans.
L'objectif est louable. Or, pour l'atteindre, la ministre devra débarrasser la psyché québécoise de cette idée tenace, et j'ai nommé le mépris de l'éducation. Ou, si vous préférez, cette opinion – hélas répandue – voulant que la scolarité, le savoir, le diplôme soient autant de choses inutiles à "une vie fructueuse".
D'où vient ce mépris de l'éducation?
Peut-être un peu de la culture consumériste. Après toutes ces années à nous vendre l'idée du bonheur instantané grâce à la consommation, la société de consommation a peut-être affaibli nos aptitudes à se projeter en avant, à imaginer pour soi un avenir qui va au-delà de son prochain chèque de paie.
Pourquoi un jeune s'userait-il le cul sur les bancs d'école quand sa jobine chez McDo suffit à faire le plein d'essence et ainsi à satisfaire (temporairement) son besoin immédiat de liberté?
Ce mépris de l'éducation relève peut-être aussi d'une sorte de mythe commun voulant que la réussite soit une chose plus liée à l'alignement des astres qu'aux diplômes.
Ce ne sont pas les diplômes qui font gagner des millions aux joueurs de hockey. L'ex-échassier et patron du Cirque du Soleil n'a pas eu besoin d'études supérieures pour devenir astronaute. Céline Dion n'a pas appris à chanter à l'université. On lui a tout de même décerné un doctorat.
Pour tout dire, on trouve peu d'érudits parmi nos modèles populaires de réussite. On trouve par contre beaucoup de gens talentueux, plusieurs circonstances extraordinaires et même une pincée de magie.
La culture québécoise en général et celle des jeunes en particulier gagneraient à emprunter au reste du Canada son pragmatisme par rapport à l'éducation.
Parce qu'un diplôme, ça ne change pas le monde, sauf que…
D'abord, c'est payant. Et pas qu'un tout petit peu.
Au pays, selon Statistique Canada (2007), un travailleur sans diplôme gagne 18 862 $ par an en moyenne. En revanche, le détenteur d'un diplôme collégial gagne un salaire annuel de 31 264 $, alors que l'universitaire moyen s'en tire avec 53 664 $.
Résumons: cinq petites années de plus à l'école peuvent se traduire par plus de 34 000 $ de plus sur son chèque de paie à la fin de l'année. Peu de gratteux sont aussi généreux.
Ensuite, un diplôme, c'est la santé.
Selon Santé Canada, les personnes qui n'ont pas complété leurs études secondaires ont deux fois plus de risques d'avoir une mauvaise santé. Ils sont aussi une fois et demie plus susceptibles d'être obèses que les diplômés. La faible scolarité serait en outre liée à des taux plus élevés de démence et même, selon certaines études, à une plus courte longévité.
80 % des jeunes Québécois francophones pensent qu'un diplôme universitaire n'est pas garant d'une "vie fructueuse". Certains se contentent de leur "petit pain", d'autres croient faussement que le succès est une chose qui tombe du ciel.
La lutte au décrochage commence par la destruction du mépris de l'éducation. Ce qui me rappelle qu'il faudra bien un jour que je termine mon bac.
« cinq petites années de plus à l’école peuvent se traduire par plus de 34 000 $ de plus sur son chèque de paie à la fin de l’année. Peu de gratteux sont aussi généreux. »
Voilà un excellent slogan a utiliser.
Au Canada anglais, ils n’ont pas de cégep. Le diplôme universitaire prend donc un peu plus d’importance.
Mais cela dit, je suis en train de faire un doctorat et je ne crois pas qu’un diplôme universitaire soit NÉCESSAIRE pour mener une vie fructueuse. On m’aurait posé la question et j’aurais répondu négativement, même si j’accorde visiblement une certaine importance aux études.
Au Canada, 20% des personnes âgées de 15 ans et plus possèdent un diplôme unversitaire. Au Québec, c’est un peu moins, en Ontario, c’est un peu plus, mais peu importe la province, ça ne monte jamais en haut de 25%. Alors si cela signifie qu’au moins 80% des Canadiens n’ont pas une «vie fructueuse», on a un sérieux problème…
Il y a près de 30 ans, alors que j’arrivais sur le marché du travail, le taux de chômage officiel était de 12%. J’ai fait ce que de nombreux jeunes faisaient à cette époque pour réussir à travailler: je suis « monté » à la Baie James. C’était un des projets de création d’emplois de Robert Bourassa qui avait fait comme promesse électorale « la création de 100,000 emplois ». J’ai eu le loisir de constater que de nombreux diplômés travaillait pour des PME (petites et moyennes entreprises) à des salaires d’environ $8/heure alors que des foreurs de l’Hydro-Québec, souvent quasi illettrés en gagnaient $12/heure grâce à leur convention collective. Le diplôme peut être payant mais il faut aussi tenir compte du travail des syndicats au sein des grandes entreprises. Souvent des métiers sont plus payants que des professions qui n’attirent pas les employeurs. «S’instruite, c’est s’enrichir» n’est pas un proverbe économique.
J’aurais aussi répondu par la négative même si j’encourage énormément les études supérieures. Le problème c’est qu’il y a beaucoup de diplômés qui n’arrivent pas à trouver de l’emploi malgré une formation universitaire avancé. À moins d’achever un doctorat où la compétition est mince, il y a d’énorme chance que l’universitaire se retrouve à faire un boulot hors de son champs d’expertise. Il en va de soit pour la majorité des diplômés en arts, musique, lettre, cinéma, anthropologie, biologie, chimie, philosophie, communication, etc…
D’un autre côté, combien de détenteur de D.E.P. en plomberie gagne 40-50 000$ par an?!
De plus, nous vivons dans un monde où l’intellectualisme ennuie au point d’être marginalisé…
Effectivement, au delà du principe de l’éducation, nous vivons dans une période où l’intellectualisme ou simplement s’exprimer proprement est source de moquerie.
Si vous me permettez un pastiche de Deschamps mieux vaut être riche et cave qu’être brillant et pauvre.
J’ai été surpris par votre raisonnement quelque peu sous-vide. Tout d’abord je n’ai pas fait l’université et je fais de l’argent. Les métiers spécialisés sont en demande. Je crois que vous avez donné comme preuve ce que vous cherchez à prouver. Vous avez omis de mettre sous votre angle mort des métiers qui ne nécessitent qu’un professionnel long, tel que Plombier, électricien, menuisier, etc. On dit que c’est le point de vue qui détermine la vue, dans votre cas il demeure périphérique, un travail de recherche vous aurait permis de nuancer votre propos qui se réduit en une succession de clichés mal documentés. De plus, il n’y a pas de cégep en Ontario.
Loin de moi de vouloir élever l’ignorance au chapitre des vertus. Il faudrait éviter de nous saouler avec des formules creuses et illusoires car malgré leur surqualification plusieurs universitaires m’ont demandé un emploi. Dans une société aussi nivelée que la nôtre on rejette ces candidatures parce qu’on les trouve prétentieux, j’ai fini par perdre mon emploi en plus de me faire taxer d’encourager le snobisme dans l’entreprise. Oui, vous avez raison sur notre tempérament national (nivèlement). Non, car je crois que les métiers spécialisés auront toujours leur place et vous avez omis de les mentionner.
@ Sylvain.
Je me suis basé sur l’enquête sur les revenus de Statistique Canada qui dit qu’un diplôme universitaire gagne plus que quelqu’un qui n’a pas de diplôme d’études secondaires.
C’est une moyenne, c’est général. On peut bien gagner sa vie sans l’université, comme on peut mal gagner sa vie avec un doctorat.
S.v.p., ne me ramenez pas vos cas personnels. On parle ici de moyennes et de tendances générales.
Il n’y a pas de snobisme là-dedans. Vous avez raison, il y a les métiers spécialisés… qui demandent aussi un diplôme!
Ceux qui se mettent le plus dans la marde, dans la vie, ce sont les décrocheurs qui abandonnent avant l’obtention d’un diplômes d’études secondaires (et qui coûtent cher à l’état).
Moi-même, je n’ai pas fait l’université. J’ai, comme vous, un DEC spécialisé et je gagne assez bien ma vie, encore que je suis loin d’avoir un salaire d’avocat.
Cela dit, je pense finir mon bac un jour, parce que je trouve que le savoir apporte plus dans une vie que du cash. Ça aurait pu être un autre angle de cette chronique.
@ Steve
C’est noté ! Sache que je te lis chaque semaine, j’aime ton regard critique et intelligent… À Bientôt, Sylvain
«Au Québec, on a du mal à faire l’équation entre « succès dans sa vie » et « succès dans ses études ».»
Je trouve dommage qu’on associe «réussir sa vie» et «réussir dans la vie». Ce sont deux choses totalement différentes et pas toujours compatibles. Rare sont ceux que la consommation a rendus réellement heureux. Rare sont ceux qui travaillent des 50h/sem et plus qui peuvent se dire bien dans leur peau.
J’estime que la poursuite des études n’est pas un garant de vie heureuse ni de succès. Les études post-secondaires peuvent garantir ou non un emploi permettant de «réussir dans la vie», mais savoir choisir le champ d’étude qui nous intéresse réellement et y aller à fond, là est la clé du vrai succès, ou du moins un bon départ.
Je trouve que vous y allez un peu fort… D’après moi, ce qui est vraiment essentiel, c’est de s’assurer que tous les Québécois aient au moins un diplôme d’études secondaires. Ça, c’est la base.
Ensuite, s’ils décident de poursuivre leurs études, c’est bien, mais je ne crois pas que l’université soit la solution à tous les problèmes… Combien de jeunes (souvent pousssés par leurs parents) ont passé 5-6-7-8 ans à l’université, pour finalement se rendre compte que ce qu’ils voulaient vraiment faire, c’était une technique? Et l’équation « diplôme universitaire = gros salaire » ne fonctionne pas toujours! Il existe plusieurs diplômes très attrayants du point de vue intellectuel qui donnent lieu à un salaire très bas ou à un nombre de postes tellement restreint que la majorité des diplômés ne trouvent pas d’emploi dans leur domaine… Et l’autre équation « pas de diplôme = jobine chez McDo » n’est pas mieux! Que faites-vous des autodidactes? Je trouve que vous prenez des raccourcis qui faussent votre réflexion.
Vous dites qu’on devrait valoriser le diplôme et les études en général? Je suis tout à fait d’accord! Mais cessez de toujours revenir au diplôme universitaire. Ce n’est pas la panacée; tout le monde n’y trouve pas son compte!
P. S. Par contre, je suis bien d’accord avec le problème de nivellement vers le bas que vous soulevez… On ne peut même pas utiliser un mot qui sort un peu de l’ordinaire sans se faire traiter de snob ou de prétentieux!
L’argent ici, l’argent là… diplôme ou pas, gros salaire ou pas, l’important c’est d’être heureux et il me semble que moins on a d’argent, plus on a de temps et le temps ça vaut tout…