Samedi soir, vers minuit. Incapable de fermer l'oil. J'ai l'esprit chicoté.
Le dénombrement d'ovins n'ayant pas été concluant, je décide d'exporter l'objet de mes insomnies vers l'autre moitié du matelas.
– Chérie, tu te rappelles c'était quoi la note d'espoir à la fin du show de Guy Nantel?
– Mmmmgggrrrmmmbll…
Pour résumer, ma mie ne s'en souvenait pas non plus.
C'est fâcheux parce qu'on avait vu son spectacle seulement trois jours auparavant. Son dernier. Au Saint-Denis 2. Intitulé La Réforme Nantel.
Ma critique toute prête à copier-coller au dos de son futur DVD se lirait comme suit: "Deux heures d'humour noir qui fait rire jaune! – Steve Proulx, Voir"
Nantel malmène la société québécoise au grand complet ainsi que dans le détail en s'intéressant aux vieux bonshommes qui nous gouvernent, aux accommodements divers, au capitalisme, à l'éducation, etc.
L'efficacité avec laquelle il nourrit le cynisme ambiant est telle qu'à la fin de sa comédie on n'a tout simplement plus faim pour la "note d'espoir".
Oui, car un show d'humour qui se respecte se termine généralement par un petit moment sérieux. Un instant où l'amuseur public tente de tirer un sens plus ou moins profond des drôleries qu'il vient de débiter.
Toujours est-il que j'avais oublié le moment sérieux de Nantel.
Alors, tant qu'à ne pas dormir, je me suis levé et j'ai envoyé un courriel à ce dernier afin de lui demander s'il aurait l'amabilité de me re-briefer à propos de sa note d'espoir (en échange d'une belle critique à copier-coller pour son DVD).
Il m'a aimablement répondu le lendemain, signant par le fait même un point final à mes troubles du sommeil.
Sans dévoiler de "punch", l'issue du spectacle dont je vous parle depuis une demi-chronique est une sorte d'appel à l'abandon des vieux "débats niaiseux". "J'm'en fous pas mal, du pays ou de la province, dit-il. Des bleus ou des rouges, des de souche ou des immigrants. Me semble juste que ce qu'on devrait tous avoir en commun ici, c'est le gros bon sens."
Bien sûr, le "gros bon sens" n'est pas exactement ce qu'on pourrait appeler un projet de société. C'est surtout un terme qui peut vouloir dire n'importe quoi. Mais Guy Nantel n'est aussi qu'un humoriste.
Il a toutefois mis le doigt sur ZE BIG bobo de notre société distincte: la polarisation qui bloque tout.
Exemple récent: Lucien Bouchard déclare ne plus croire l'indépendance du Québec réalisable. Et c'est reparti pour une semaine de ping-pong.
Depuis plus d'une décennie, la question nationale me fait penser à Virginie. Beaucoup de personnages, beaucoup de dialogues, beaucoup de drames, et malgré tout un sentiment général de redondance.
Après quarante ans de ce débat stérile, on en est venu au Québec à ne plus avoir de véritable projet commun.
Car la souveraineté n'est pas un projet commun. C'est un rêve partagé par un certain nombre de personnes et pourfendu par un certain nombre d'autres. Et depuis quatre décennies, le premier camp cherche vainement à convaincre l'autre de la légitimité de son projet (et vice-versa).
Du coup, on n'a pas avancé d'un pouce. Le Québec est divisé en groupes qui boquent.
Assez Nostradamus merci, le penseur politique Alexis de Tocqueville écrivait voilà presque deux siècles qu'une société n'ayant pas de "finalité commune" se transformerait en une sorte de "despotisme doux où les citoyens se laisseraient gouverner tout en se repliant sur eux-mêmes".
La référence vient d'un petit bouquin paru récemment, Des jeunes et l'avenir du Québec (Éditions Les Malins), de Paul St-Pierre Plamondon. L'auteur, trentenaire, est un des membres fondateurs de l'organisme Génération d'idées, qui veut responsabiliser la génération Y vis-à-vis des enjeux qui attendent le Québec.
Au printemps dernier, il s'est payé un tour de la province pour prendre le pouls des jeunes de 20 à 35 ans. Son livre est la synthèse de cela.
J'en retiens cette idée: pour débloquer le cynisme actuel envers la chose politique, pour sortir de ce "despotisme doux", il est urgent de se doter d'un nouveau projet de société.
Et cela commence par la dépolarisation des débats. Au lieu de mettre l'accent sur ce qui divise la société québécoise, on devrait redémarrer le Québec à partir de nos "convictions partagées".
"Les gens dits de droite auraient intérêt à parler aux gens dits de gauche, écrit Paul St-Pierre Plamondon, parce qu'ils découvriraient que dans certains cas, ils disent la même chose." Même chose avec les fédéralistes et les souverainistes.
C'est ce que Guy Nantel nomme le "gros bon sens". C'est ce que Lucien Bouchard appelle "le tremplin de notre nouveau départ".
Et c'est ce qui reste à trouver.
Le problème avec la vague notion de GROS BON SENS, c’est que les tenants de toutes les idéologies ou écoles de pensée sont convaincus que leurs propos et analyses sont des manifestations du gros bon sens.
Cela étant dit, Nantel est l’un des meilleurs humoristes dans ce Québec caractérisé par un trop-plein d’humoristes médiocres, lesquels ne cessent de déverser sur la population leur trop-plein de vide.
JSB
J’aime beaucoup Guy Nantel. J’aime beaucoup votre chronique aussi. Mais là, vous êtes passé à côté de la track à cent mille à l’heure.
L’indépendance, pas un projet rassembleur? Pas un projet de société? Lindépendance, ce n’est pas un débat stérile, C’EST un projet rassembleur, LE projet de société. Parce que tant et aussi longtemps que le Québec sera sous domination néo-coloniale américaine et canadienne, il n’y aura jamais de place pour notre peuple. Pas un projet de société , pas un sujet de lutte l’anti-impérialisme et l’abandon du néo-colonialisme? Je vous invite à parler à tous les peuples conquis, en commençant par les Basques, les Écossais, les Kurdes, etc. Oui je sais, c’est pas pareil ici, sauf que… Sauf que tous les jours il faut se battre pour notre culture, notre langue, il faut se justifier auprès d’Ottawa pour avoir le contrôle de nos richesses, qu’on a pillé, volé, spolié. Parce que bâtir le Québec de demain sur les bases pourries de la conquête, c’est attelé la charrue devant les bœufs.
Parce que c’est pas du « despotisme doux » le contrôle de nos frontières, de notre diplomatie, de notre économie. La liberté des peuples, la survie du peuple québécois, sont des convictions partagées par 63% de la population d’ici, malgré ce qu’en pensent les blokers et les Chouayens.
Je n’ai pas vingt-cinq ans, monsieur Proulx et ce en quoi je crois, beaucoup de jeunes de ma génération le partage. Ne vous en déplaise ni à vous, ni aux imbéciles qui refusent de voir que la liberté et l’indépendance est la seule chose qui nous garantisse un Québec de demain juste et équitable.
« Vive la liberté, vive l’indépendance! »
Nantel, vous, et d’autres, pour avoir l’air neutre et sans parti pris, partez dans tout les directions et vous vous dirigez tout droit dans le champs de patates.
Je reviens sur LE GROS BON SENS.
Depuis longtemps je considère que le gros bon sens, c’est souvent «gros» et grossier. Le gros bon sens, ce n’est pas si bon que cela la plupart du temps. Et le gros bon sens est souvent INSENSÉ et dénué de tout sens.
Par exemple, certains souverainistes et de nombreux fédéralistes considèrent que leur projet est marqué au sceau du TRÈS GROS BON SENS. De telles attitudes et prétentions assassinent le débat et détruisent le minimum de démocratie dont nous jouissons. Si mon idée est fondée sur le gros bon sens, cela signifie que toutes les idées différentes sont insensées, voire stupides et irrecevables. Mêmes remarques en ce qui concerne les ultralibéraux et tous les Lucien Bouchard et «lucides» de ce monde. Il arrive que cela soit très vrai pour les «solidaires».
Mes remarques sont insensées, ce qui me réjouit!
JSB
Être considéré le meilleur humoriste au Québec , c’est comme être le dictateur qui considère le plus les droits de la personne, y’a pas grand mérite.
Le gros bon sens , c’est trop souvent cette approche populiste qui considère à parler à travers son chapeau , vous savez le genre qui se demande pourquoi lors d’un écrasement d’avion se questionne pourquoi on ne fait pas les avions avec le même matériel que celui de la boîte noire.
La souveraineté du Québec ce n’est pas seulement un projet de société, c’est aussi une question de survie et de respect de « sa » propre identité. Quand on ne croît plus à qui on est parce qu’on ne sait plus qui on est , il n’y a rien de bien étonnant à sombrer dans le cynisme que l’on ait 20 ou 70 ans.
On accuse les américains d’être protectionnistes et ultra-patriotiques, mais ce qu’on oublie c’est qu’ils ont vécu des guerres où l’affirmation de leur identité était la seule planche de salut.
La souveraineté du Québec n’est pas une fin en soi, c’est seulement le début d’un paquet de choses meilleures, la première étant le respect de ce nous sommes vraiment, pour nous et aussi pour les autres…
Bonjour M. Proulx,
visiblement vous en avez contre ce qui soulève les foules (ou, pour mieux dire: les peuples), à savoir leur liberté.
Je lis votre présent texte en parallèle avec celui du 30 juin dernier: « L’indépendance est en marche », et ce sont les mots de Jacques Brel qui me viennent en tête: « Vieux avant que d’être… ».
Vous avez écrit le 30-06 que bien des jeunes penseraient que l’indépendance est le projet de leurs baby-boomers de parents.
Je pense que ces jeunes vont un jour sortir de leur complexe d’Oedipe et arriver à maturité, ce qui signifie apprécier un projet, quel qu’il soit par ailleurs, non pas en fonction de savoir de qui il émane, mais plutôt en l’évaluant à son mérite. En tout cas c’est la grâce que je vous souhaite, M. Proulx.
Car vous ne m’en voudrez pas de penser que votre référence à ces jeunes anonymes, c’est en fait pour vous une façon de masquer votre propre subjectivité: bonne chance avec Oedipe!
Un dernier mot sur votre analyse à courte vue: projet de parents baby-boomers? L’affaire plutôt d’une démarche historique collective, dont les jeunes « égo.com » comme vous ne se sentent nullement partie, comme s’ils étaient nés « tout armés » de la cuisse de Jupiter, et comme s’ils ne devaient rien à personne ou peut-être seulement à leurs boomers de parents, justement!
Vous êtes en bonne compagnie avec Lucien « the boomer », un autre égo.com avant la lettre, très inspiré « indeed » quand il s’agit de mousser son succès personnel et d’empocher le fric qui va avec.
Guy Nantel, je l’avoue tout de go, je ne le connais pas du tout. Mais, à ce que j’ai lu et entendu, cet humoriste serait d’un meilleur cru que cette insipide piquette nous étant trop souvent servie…
Et puis, Monsieur Proulx, je suis tout à fait d’accord avec vous à l’effet qu’il nous faudrait un projet de société qui soit rassembleur. Que l’on se décide enfin à mettre l’accent sur ce qui nous rapproche plutôt que sur ce qui nous oppose.
Parce que l’idée de souveraineté n’est aucunement un projet rassembleur, quoi qu’en pensent certains ci-dessus…
Par contre, l’idée que sous-tend ce projet défendu bec et ongles par ses tenants rejoint ce que tous ici au Québec désirent: les meilleures conditions possibles pour nous, compte tenu du contexte géo-politique nord-américain.
À moins d’avoir une vue très primaire de la question, soit d’être irrémédiablement buté en faveur de la souveraineté ou en faveur du fédéralisme, il faut que chacun voit au delà de ce qui n’est qu’un moyen d’atteindre un objectif, soit de vivre dans les meilleures conditions, celles qui respectent le mieux qui nous sommes et voulons continuer à être.
Et à cet égard, tant les souverainistes que les fédéralistes partagent le même objectif.
Il serait grand temps que l’on cesse de s’entre-déchirer alors que nous pensons fondamentalement la même chose, dans un camp comme dans l’autre.
Une opinion…
Si le problème était situé dans le fait que l’on persiste et signe nos opinions justement. Un grand leader omnipotent et ultra-puissant qui nous donnerait juste asser pour planifier notre retraite et s’acheter des Iphones. J’oubliais, on est déjà la-dedans! Moi et mes folies, se dire que tout peut changer…. OUI c’est possible, simplement il faudrait peut-être arrêter de se plaindre de ceci de cela. Moi je suis souverainiste, moi j’aime les plantes vertes, moi j’aime les tomates de serre mais Je HAIS tout ce qui est rouge ou orange. Le vrai problème se situe sur le fait que l’opinion générale se sectarise de plus en plus, campée sur des positions pré-établies et condamnées à être en opposition. On divise pour mieux règner, mais en ce moment c’est beaucoup plus subtil, on individualise pour forcer une compétition malsaine entre ceux qui crient, ceux qui miaulent, ceux qui veulent un pays à gauche, ceux qui veulent un partenariat avec le Canada, ceux qui écrivent, ceux qui lisent, ceux qui ne vont pas voter….POINTLESS!! On peut changer les choses une fois au quatre et même pas foutu de se lever le c*** . Ça peut bien encore s’obstiner sur le réchauffement climatique et sur la possible souveraineté. On est mou! On vote pour aller annuler notre vote. 94% de votes annulés ca lance un message comme… ON VEUT UNE REPRÉSENTATION UNIVERSELLE et non un système monarchique anglais qui favorise des partis et des idées préconcues et aseptisées.
Désolé pour les fautes, je suis en heure de dîner et je n’en peux plus de voir des chocs d’idées qui n’en sont pas….