Les souffleurs de réponses
Comme vous, j'assiste, pantois, à cette effusion de transfuges libéraux qui jaillit de la jeune industrie québécoise du gaz de schiste.
Comme vous, je me dis que s'il y avait eu autant d'ex-amis du gouvernement dans la gang de ceux qui veulent protéger l'environnement, les événements récents auraient pris une autre tournure.
L'étrange mécanique qui engendre les décisions politiques m'a toujours intrigué.
La racaille que nous sommes ne voit que la portion accessoire de l'affaire: le ministre qui annonce ladite décision en bougeant les lèvres devant un micro.
Quelles sont les compétences de ces gens à qui l'on fait couper des rubans, qu'on envoie pelleter des premières pelletées de terre?
L'ancien patron de médias qui nous sert de ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs est-il ferré en matière d'enjeux environnementaux?
Cette ex-mairesse d'un village gaspésien qu'on a mise à la tête du ministère des Ressources naturelles et de la Faune a-t-elle des compétences particulières dans le domaine des ressources naturelles ou de la faune?
Et celle qui fut jadis directrice générale d'une radio communautaire a-t-elle dans son baluchon quelque connaissance secrète qui lui servira dans le cadre de ses fonctions de ministre de l'Éducation?
Ces questions sont naïves, je sais. Dans notre beau système politique, l'expérience professionnelle d'un ministre n'a pas obligatoirement de lien avec le champ d'action du ministère qu'il dirige.
Pas besoin d'être écolo pour être ministre de l'Environnement. On peut avoir été pharmacienne à Saint-Tite pendant presque 20 ans et quand même devenir ministre des Transports.
Des exceptions existent. Il semble payant de placer un ex-médecin à la tête du ministère de la Santé. Tout comme on préfère confier à une personne issue des "communautés culturelles" les rênes du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.
Ce qui m'amène à vous parler de cette lettre aux journaux publiée le 2 septembre dernier dans Le Devoir. Signée par le professeur à l'Université Laval Clermont Gauthier et son collègue Anthony Cerqua, elle posait la question suivante: "Sur quoi repose une décision politique?"
Sur quoi, en effet.
Puisqu'un ministre n'a souvent pas d'expertise liée au titre de son ministère, comment fait-il pour prendre des décisions éclairées?
Facile: il se fait souffler les réponses.
Chaque ministre a sa garde rapprochée composée de "personnes de confiance" capables de lui expliquer tel enjeu, de lui conseiller telle décision, de lui vulgariser tel épineux dilemme.
Or, quels que soient ces souffleurs de réponses, une chose semble assez peu sollicitée par l'étrange mécanique qui engendre les décisions politiques. C'est la recherche scientifique.
Dans leur lettre, Gauthier et Cerqua notent que la recherche empirique – celle censée représenter le summum des connaissances humaines sur un sujet donné – est rarement considérée par les décideurs lorsque vient le temps de prendre une décision.
Disons-le vulgairement: ce que les chercheurs trouvent avec nos fonds publics n'inspire pas ceux qui dépensent les fonds publics.
Les auteurs donnent l'exemple des ministres de l'Éducation des six dernières années qui ont été, selon eux, "mal avisés" en ce qui concerne la fameuse réforme.
"Il est stupéfiant de constater que nombre de résultats de recherches issus de travaux scientifiques rigoureux ne sont pas utilisés pour guider les décisions dans le domaine de l'éducation", écrivent-ils.
Au téléphone, M. Gauthier précise sa pensée: "Au début de la réforme, on a dit qu'il fallait changer le paradigme de l'enseignement, qu'on ne devait plus transmettre le savoir, mais le faire découvrir. Il existait pourtant un nombre important de travaux sérieux qui montraient qu'au lieu d'une approche basée sur la découverte, l'enseignement associé à la réussite utilise une approche où l'élève doit s'exercer, mais de façon guidée. Visiblement, ces recherches-là n'ont pas été considérées."
Le professeur aimerait que soit créée une sorte d'instance neutre qui présenterait aux décideurs un aperçu de la recherche empirique concernant telle ou telle mesure. "Cette instance publierait un rapport des résultats de la recherche de la façon la plus objective possible", explique-t-il.
L'idée serait que cette documentation "neutre" passe entre les mains de ceux qui doivent orienter l'avenir de notre société.
J'ajouterais que ces rapports devraient être rendus publics, histoire de ne plus laisser une poignée de souffleurs de réponses mettre leurs idées dans la tête de nos dirigeants.
«Dans tout gouvernement, vous avez besoin de gens qui sont capables de se servir de leurs habiletés politiques dans des situations particulières. Nous ne politiques dans des situations particulières. Nous ne voulons pas d’experts dans chacun des domaines voulons pas d’experts dans chacun des domaines. Nous voulons des hommes et des femmes capables de se servir de leur talent politique pour résoudre des problèmes, et Claude avait ça.»
– Jean Charest au sujet de Claude Bechard… qui repond indirectement a votre question sur la competence comme critere de selection politique au sein du PLQ.
Admirez l’utilisation du « nous » pour juger de la pertinence de la competence aux yeux de la population, en matiere politique.
Quand on voit ce que Bellemare, specialiste en droit, a reussi a faire en matiere de Justice, on ne peut qu’etre d’accord avec lui.
Meme chose pour Bolduc…
Difficile de trancher tellement la competence est flamboyante dans la resolution de problemes et la gestion de crise au PLQ…