Écrire est une job de jour
D'emblée, je félicite Gil Courtemanche pour son geste. Fidèle à ses paroles, il a refusé d'être finaliste à des prix commandités par une filiale de Quebecor, et ce, afin de soutenir la cause des employés en lock-out d'une autre filiale de Quebecor. Bravo.
C'est tout ce que j'aurais eu à dire si l'auteur de Je ne veux pas mourir seul s'était contenté d'un simple coup d'éclat n'impliquant que lui-même. Or, il a décidé d'inviter les autres finalistes aux Grands Prix littéraires Archambault à imiter son doigt d'honneur envers l'empire Quebecor.
Il aura ainsi forcé ses collègues écrivains à prendre position sur un sujet qui ne les concerne pas. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas apprécié, et Nathalie Petrowski s'est empressée de conclure que le donquichottisme au sein de la faune littéraire était en déroute.
Une semaine plus tard, l'auteur de La Canicule des pauvres, Jean-Simon Desrochers, après avoir déploré "les dommages collatéraux de la vertu" de Courtemanche, s'engageait (s'il gagnait) à verser sa bourse de 10 000 $ aux lock-outés du Journal de Montréal.
J'aimerais ne pas y voir de l'opportunisme; je n'y arrive pas. On l'invitera probablement à Christiane Charette, et peut-être à Tout le monde en parle (qui sait?). Son geste lui vaudra une deuxième tournée médiatique pour un roman paru il y a un an. Tant mieux pour lui.
D'autant plus que s'il advenait qu'il gagne, je n'imagine pas un puissant syndicat en lock-out accepter son don. Ce serait comme un fumeur qui accepterait du feu de la petite fille aux allumettes.
Mais revenons à Gil Courtemanche.
Dans le communiqué annonçant son refus d'être associé aux prix Archambault, il nous faisait grâce d'une de ces vertueuses phrases dont les écrivains ont le secret. Une phrase à ajouter immédiatement au répertoire déjà vaste des citations sur la noblesse de l'écriture.
Oui, car les auteurs aiment mettre l'écriture sur un piédestal. L'écriture est à l'origine de l'Histoire, de la justice, de la solidarité. L'écriture est sacrée. Écrire. "C'est hurler sans bruit", disait Marguerite Duras. "Écrire, ce n'est pas vivre. C'est peut-être survivre", pensait de son côté Cendrars. À la question "Pourquoi écrivez-vous?", le poète répond "Pour mieux vivre". "Il faut vivre pour écrire et non pas écrire pour vivre", soutenait d'ailleurs Jules Renard.
Or, pour Gil Courtemanche, "écrire est essentiellement un geste de liberté". "Je ne peux accepter que mon nom ou un de mes livres soient associés à des gens qui foulent cette liberté au pied", écrivait-il pour justifier son auto-flushage des prix Archambault.
C'est beau, n'est-ce pas?
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J'aimerais ajouter un peu de mon cru à cette collection de grandes citations sur l'écriture. La mienne, j'en conviens humblement, n'est porteuse d'aucun grand projet de société. Elle est moins angélique et certainement moins inspirante que celle de Courtemanche et consorts.
Ma citation a cependant le mérite de s'appliquer au quotidien d'un paquet d'écrivains. La voici: "Pour certains, écrire est une job de jour."
Et j'ajouterais qu'il n'y a aucune honte à ce que c'en soit ainsi.
La majorité des écrivains n'ont pas l'ambition de changer le monde une page à la fois. Ils écrivent parce que c'est le métier qu'ils ont choisi. Ils inventent des histoires, des personnages, peaufinent un style. Ils publient tout ceci dans des livres et espèrent en vendre deux ou trois. Écrire est aussi un métier.
Or, chez les écrivains de métier, le fait de remporter une bourse de 10 000 $ signifie parfois, comme l'ont fait remarquer certains la semaine dernière, le coup de pouce nécessaire pour vivre de leurs mots. Pour un roman de plus.
Que ce prix soit remis par une filiale de Quebecor ou par ce restant de l'ère coloniale qu'est le gouverneur général du Canada, cela leur importe peu.
Ces préoccupations prosaïques ne concernent pas Gil Courtemanche. Il a publié son premier roman vers la fin de la cinquantaine. Avant cela, il a été journaliste, animateur de télé, chroniqueur, documentariste. Pendant la majeure partie de sa carrière, romancier n'a pas été sa job de jour.
Écrire, pour lui, est peut-être aujourd'hui un geste de liberté. J'y vois surtout la liberté d'un homme qui en est à sa deuxième carrière, qui n'a rien à perdre, ni rien à gagner. Prix ou pas, il publiera son prochain roman. Tant mieux pour lui.
Or, qu'il laisse aux autres écrivains la liberté de choisir leurs combats. Avoir l'écriture comme job de jour, au Québec, en est déjà un de taille.
Tant qu’il assume leurs valeurs, je n’ai contre les écrivains de jour. Je suis pourtant contre une société qui avalise vers le bas ces valeurs. Ainsi, lorsqu’un d’entre eux se lève, je ne peux qu’être en accord.
Être citoyen, c’est avoir des opinions, avoir des valeurs. Se respecter et viser plus haut, en attendre toujours plus de nos concitoyens et de nous à chaque jour, c’est ce qui rend l’aventure humaine intéressante. Sinon, à quoi bon?
Manger c’est bien, manger à genoux et à terre, ça sert à quoi?
Quel être ignoble que ce Gil Courtemanche avec ses « principes » archaïques! C’est déjà dégueulasse de refuser de figurer sur la liste des finalistes d’un prix littéraire, mais si en plus on insiste pour expliquer pourquoi… Quand on découvre les joies de l’escalade, il est normal que notre enthousiasme nous porte à le dire aux membres de notre entourage et à partager cette découverte sur Facebook, mais quand on pose un geste à caractère politico-social, on devrait savoir se fermer la gueule et refuser de s’exhiber l’opinion. Cela relève de la décence la plus élémentaire! Autrefois, les gentlemans réglaient leurs conflits à coup de poison, de poignard, de revolver. Je n’aurais jamais cru voir, de mon vivant, ma société sombrer si bas, dans la suggestion et la prise de parole. Est-ce que nos Écrivains, ces pauvres victimes de l’affreux Courtemanche, vont pouvoir s’en remettre? J’en doute.
Je n’ai entendu Gil Courtemanche ne dire qu’une fois : « J’ai fait ceci pour cela et si d’autres croient comme moi que ceci mène à cela, faites comme moi » et je tiens à lui répliquer, avec toute la force de mon indignation : « Plus jamais! », « No pasaras! » et « Que viva la consommation! » On est au Québec ici, on n’est pas là pour débattre, avoir des idées ou des discussions, mais bien pour préparer le Boxing day. Je souhaite à ce vieux scélérat de mourir seul, c’est tout ce qu’il mérite.
Je ne suis pas certaine de bien suivre le raisonnement de Monsieur Lavoie. Je préfère les principes archaïques de Gil Courtemanche plutôt que d’une société qui se conduit comme un béhémoth marin. À chacun ses valeurs. Enfin, à moins qu’il ne soit ironique. Enfin, passons.
Je comprends que la position des écrivains est difficile et inconfortable. Nous vivons une époque malsaine. Nous mangeons dans les mains de sociétés qui ne respectent plus rien. Est-ce cela la liberté ? Je ne crois pas et voilà pourquoi je félicite Monsieur Courtemanche. C’est un idéaliste au fond. Pourquoi le rabrouer pour une si belle qualité ?
Je félicite également Jean-Simon Desrochers pour son geste. Bien sûr, les plus cyniques d’entre nous n’y verront qu’opportunisme. Je ne vois rien de cela. Je flaire un autre genre d’homme. Son geste n’engage que lui, uniquement lui. Mais il fait par ailleurs appel aux lecteurs. J’espère que les lecteurs qui voteront, seront au rendez-vous. Ça ferait un doigt d’honneur collectif plutôt jolie, vous ne trouvez pas ?
Tout ça pour dire que j’en ai plus que marre que de grosses entreprises fixent les règles du jeu tout en écrasant des principes moraux.
@ Dame Robert,
Puisque vous vous posez la question, je me permets une réponse. Vous avez raison dans votre interrogation, bien que, techniquement, je ne faisais pas preuve d’ironie, mais de sarcasme (le sarcasme étant de l’ironie à la puissance mille). Pour faire court, disons que je crois que les propos que je tiens plus haut devraient me valoir la prison dans un pays qui pratiquerait une Juste justice, c’est vous dire si je suis en désaccord avec ce que j’y écris…
Sachez que le sarcasme est le dernier rempart contre le cynisme, dont vous faites usages quand vous présumez de l’opportunisme de monsieur Desrochers. Au Québec, le tirage d’un livre tourne en moyenne entre 400 et 1200 livres. À 10-15% du prix de vente empoché par l’auteur (sur un prix de vente de 20$ ou 22$), imaginez l’effet que fait dix mille dollars sur un auteur. Ce qu’on qualifie au Québec de best-seller (mais pas de « phénomène »), c’est un livre qui prend des mois à faire et qui fait au minimum 3000 ventes. Monsieur Desrochers figure ici comme romancier (tirage moyen : 700 à 1200 exemplaires), mais il a d’abord été poète (tirage moyen : 400 à 700 exemplaires). Je vous laisse faire les calculs, mais notez, sans cynisme, que dans six mois on aura oublié sa prise de parole et son engagement (qui n’aura plus d’impact, mais que l’Empire n’oubliera pas) et mesurez, s’il vous plait, que tout ce qu’il récoltera de son geste sera de se faire traiter ici d’opportuniste…
MOnsieur Lavoie, quand je parlais d’opportunisme, j’ai bien écrit ‘les plus cyniques d’entre nous. Je ne m’inclue pas là-dedans. ;) Je ne crois pas que Jean-Simon DesRochers est opportuniste. Je ne sens pas ça chez lui.
Il faudrait arrêter de voir de la malveillance ou de l’opportunisme à propos de la déclaration de l’un et le geste de l’autre. Je suis d’accord avec le point de vue exprimé dans le billet de Steve parce qu’il met aussi en lumière une réalité bien ordinaire, celles des créateurs, qu’ils soient écrivains, poètes, auteurs-compositeurs ou autres. Oui, les artistes, ça inclus les romanciers, vivent de peu mais ont très peu pour vivre. Gagner un prix peut faire toute la différence, notamment sortir de l’ombre, être reconnus pour leur talent et aimés du public qui s’intéresseront à eux justement par qu’ils auront obtenu une reconnaissance publique. Tant mieux que Gil Courtemanche se retire de la course et appuie les lockoutés. J’y vois un geste de solidarité. De plus, en se retirant, il donne la chance à d’autres, en lice pour le prix, qui ne sont pas comme lui, rendu à une 2e carrière avec un compte en banque bien garni. J’appuie aussi l’intention de DesRochers qui ferait carrément un pied de nez au système s’il gagnait. Cela met du piquant à la course et ça fait jaser. Parlons-en bien, parlons-en mal, mais parlons-en pour ne pas oublier ce conflit qui perdure.
Et pour répondre aux plus cyniques d’entre vous, dans l’article de Chantal Guy dans La Presse, DesRochers dit bien qu’il agit «tant par principe que pour des raisons d’ordre personnel». *
*Source : http://www.cyberpresse.ca/arts/livres/201011/29/01-4347267-nouveau-rebondissement-aux-grands-prix-litteraires-archambault.php
Le conflit des Lockoutés le touche de près.
Je suis assez déçu par cette chronique.
Déçu aussi du procès d’intentions que l’on fait à Gil Courtemanche sans trop s’en faire avec ce qu’il dénonce…
Mais s’il y a une chose de vraie et précieuse dans ce texte, c’est la fameuse résignation évoquée par le même Courtemanche, justement, dans le Devoir, récemment.
Une résignation qui ne se limite pas aux écrivains, bien entendu. C’est une plaie sociale, pas un phénomène culturel.
Ainsi, la seule impression que me laisse ce texte, c’est l’idée du confort et de l’indifférence comme mode de vie assumé, garanti, convenu.
Alors, abandonner son désir de VOIR changer les choses, non, pis encore, le goût de provoquer le changement lui-même, c’est incompatible avec… la job d’écrivain.
Par conséquent, écrire est réduit à l’artisanat.
Écrire des livres, au fond, c’est comme fabriquer des cravates en bois.
Tout juste bon pour faire bonne figure au Salon des Métiers d’Art, l’artisan ne sert à rien, ne sert rien, sinon au sens où une cravate sert le cou et la ceinture sert les hanches. Et, en plus, cela donne l’illusion que l’artisanat se porte bien et que les artisans sont encore une force reconnue au sein de la diversité culturelle québécoise, au lieu d’être perçu comme l’arrière-garde d’un combat folklorique post-moderne.
Loin de moi l’idée de blâmer l’auteur de ces lignes. Jamais je ferais un truc pareil!
Je comprends l’idée: il faut bien manger, payer ses factures et continuer à faire ce qu’on aime, Chose.
Rien de mal là-dedans. Rien de bien, non plus, par contre, mais c’est pas grave.
Et, encore une fois, je tiens à être clair: je comprends qu’il ne faut pas faire porter un idéal trop lourd ou trop exigeant sur les épaules de notre très fragile faune littéraire. Je n’ose même pas dire sur les épaules de notre génération. C’est pire.
L’écrivain, c’est entendu, est une espèce en voie de disparition. On le veut bien portant et docile. Les betes sauvages, c’est bon pour le National Geographic et les pays en voie de développement, bon. Alors, allons-y pour le zoo. De jour, le zoo, sinon cela fait peur aux enfants, la nuit.
Dans le meilleur des cas, choisissons l’option de la réserve faunique, la clique. Vous les parquez tous sur le même plateau, vos écrivains de jour, vos intellectuels de salon de thé, et le tour est joué.
Surtout, n’oublions pas l’écriteau! « Les enfants, ne donnez pas de nourriture aux écrivains. »
Ils ont des prix offerts par des mécènes sans arrière-pensée.
Ils ont des Gouverneur-Général qui ne cherchent qu’à redorer le blason de l’Art, sans faire de « nation building » au passage.
Les enfants, ne donnez pas de manger aux écrivains, ils ont les subventions et le salaire gracieux que de glorieux philantropes de La Semaine leur offre pour leurs bons et valeureux services.
Ils ont l’UNEQ, en plus!
J’ai compris le principe, que je vous dis.
Une semaine, on dit qu’il faut des intellectuels pour défendre certains principes et la semaine suivante, on dit que écrire, c’est comme être garagiste. Ton char va mal, vient ICI que je te répare ca! Notre société va mal… Attendez, l’écrivain doit finir de manger son lunch avant de s’exprimer…
S’il y a un seul reproche qu’on peut faire à Courtemanche, c’est d’avoir suggéré à d’autres futurs « champions de la littérature » de ne PAS se faire récupérer par une machine à écraser du monde qui travaille de jour pour faire plus de profits en les incitant en plus à faire la promotion d’autres produits issus de la même machine à faire de la saucisse. Rien que cela. Laissons la culture du Hygrade tranquille!!
Méchant Courtemanche. Essayez de réveiller les gens qui réveilleraient peut-être à leur tour tous ceux et celles qui, comme moi, avant le conflit, continuaient à lire le JdeM.
Malheureusement, je comprends toujours mal les arguments raisonnables de ce style et j’en suis maintenant rendu à me demander si boycotter un journal, c’est toujours suffisant.
Bref, quand une Nation a des écrivains qui crèvent de faim à ce point-là, pas étonnant que des grands patrons se comportent en dictateurs ou prennent la mouche quand un « gras dur » plus épais que lui dans la couenne de porc frais le traite de « voyou »…
Bon, faut que j’y aille, je vais aller m’emprunter « Le Québec me tue » une deuxième fois à la bibliothèque… Rien que pour me rappeler qu’on ne rate jamais sa vie quand on n’ose jamais rien essayer. Résister, cela doit être une job de nuit, faut croire…
Ah oui, j’oubliais. Surtout, que la remise des Prix Archambault soit un chef-d’oeuvre d’art social consensusuel. N’allons surtout pas ajouter une once de scandale à ce bon Séraphin PKP… Vive Québec inc. et ce qu’il en reste! Restons tranquilles. Nous avons choisies une « révolution tranquille », assumons notre « déclin tranquille » également.
Enfin, quand on est déçu de la politique, on dit « On a les politiciens qu’on mérite »; maintenant qu’on peut être déçu aussi des écrivains, on peut maintenant dire « On a les écrivains qu’on mérite ». C’est ce qu’on appelle le progrès, j’imagine… Mais je ne suis pas « écrivain de jour », qu’est-ce que j’en sais…
L’écrivain serait infaillible…surtout quand il parle en notre nom!
Autrefois, c’était le curé, et sa bénédiction comblait d’aise notre analphabétisme.
Nous n’avions que La Bolduc pour le chanter à notre place. Notre Haut Clergé la détestait.
Courtemanche, c’est le Frère André de notre littérature. Excellent portier de gauche à Radio-Canada, le frotteux de nos mots voudrait qu’on guérisse en le lisant.
La liberté ne pousse pas dans les mains de cet écrivain-là. Surtout pas dans sa main d’écriture.
Tout à fait d’accord avec votre point de vue M. Proulx. Je déteste les gens qui s’expriment au nom des autres qu’il laisse les autres écrivains « libres » de choisir et de mener leur propre combat. Déjà bien assez difficile pour eux de survivre avec les maigres compensations que l’écriture leur rapporte pourquoi les priver d’une reconnaissance et surtout d’un prix nonobstant la provenance de ceux-ci.
Je ne suis pas d’accord avec vous Madame Cyr. Courtemanche n’a formulé qu’une invitation. Il n’a pas tordu le bras de personne. C’est la même chose pour DesRochers.
Il n’y a pas que le fric dans la vie les amis.
@Mélanie Robert justement madame » il n’y pas que le fric dans la vie les amis » … c’est noble les beaux principes mais pour la plupart des gens ça aide à vivre et ça permet aux artistes de contribuer à enrichir la société culturelle.
Bien souvent on enrichit les pseudos artistes au Québec bien plus que les grands écrivains. On pourrait en parler longuement de l’enrichissement de la société culturelle québécoise.
De toute façon, lorsque l’on est artiste il faut faire oeuvre de pauvreté. C’est bien connu. De tout temps, cela en a été ainsi.
Je maintiens ce que je disais. ;)
Il faudrait questionner le rôle des artistes en société. Je ne crois pas que ce soit l’appât du gain dont il devrait tenir compte en tant qu’artiste.
Et je ne crois pas que l’on devrait faire des artistes des citoyens de seconde zone. Pourquoi les mettre en otage ? Ils ont droit à leurs opinions comme tout bon citoyen.
Permettez-moi, chers lecteurs et commentateurs, de paresser un peu et de proposer deux citations d’Hubert Aquin:
***«Dans ce pays désagrégé qui ressemble à un bordel en flammes, écrire équivaut à réciter son bréviaire, assis sur une bombe à la nitroglycérine qui attend que la grande aiguille avance de cinq minutes pour étonner.»***
***«Au Canada français (…) écrire autre chose qu’une ordonnance de suppositoires de beurre de cacao, ce n’est pas sérieux.»***
Et que penser de cette «remarque», éminemment discutable, de Jules Renard?
***«Il faut vivre pour écrire et non écrire pour vivre.»***
En fait Steve Proulx et de nombreux commentateurs et commentatrices, dans ce site, discutent de problèmes à haute teneur émotionnelle. Quant à moi, lancer un appel à d’autres écrivains, sans insister ou sans tordre des bras, c’est tout à fait acceptable. Cela fait partie de cette vaste entité appelée LA LIBERTÉ D’EXPRESSION.
JSB
Y a-t-il parmi vous, outre l’auteur de l’article, des gens dont le gagne-pain est d’écrire?
Non?
C’est ce que je croyais.
Monsieur Courtemanche a droit à son opinion, tout comme Monsieur Proulx, n’est-ce pas.
M. Courtemanche est d’abord journaliste et il a naturellement appuyé leur « cause ». Comme les policiers sont solidaires entre eux.
Maintenant, est-il nécessaire que tous les écrivains appuient des journalistes en lock out?
Peuvent-ils choisir leur cause? Ne dit-on pas chacun son combat.
Pour ma part, le sort des infirmières, des femmes qui travaillent en garderie, des enseignants, pour ne nommer que ceux-là, me semble plus important que celui de journalistes payés 850$ par semaine depuis 2 ans par leur syndicat pour résister à leur employeur. (Québécor a d’ailleurs retiré sa demande disant que ces employés ne pouvaient pas travailler ailleurs ou continuer leur journal sur le web. Pourtant, leur syndicat a bel et bien dit que sans cette demande, l’offre aurait été acceptée… Mais de ça, personne n’en parle, on dirait.)
Les journalistes de ce journal ne cessent d’ailleurs de décrier leurs patrons. C’est à se demander pourquoi ils veulent ravoir leur emploi. Ces journalistes oeuvrent au sein d’un journal que je ne lis pas, pas parce que je le boycotte, mais tout simplement parce qu’il ne m’intéresse pas ou si peu. Je veux dire, on parle du Journal de Montréal, le journal des « écrapous » en première page et des malheurs de Céline. Je ne comprends pas comment ils ont tout à coup acquis le statut de journalistes hors pair et nécessaires. Ne vous méprenez pas, il y en a sûrement d’excellents parmi eux, mais bon. De là à se priver de manger pour eux…
Des artistes se sont récemment regroupés pour demander un moratoire sur les gaz de schiste. On a tapé sur les doigts d’au moins l’un d’eux parce qu’il était allé parlé de sa cause des rivières au JdM. Ça commence à ressembler à une chasse aux sorcières tout ça… Et je trouve ça triste.
Personnellement, je donne de l’argent à Centraide, à Équiterre, je donne des denrées à la guignolée, à la fondation de l’école des mes enfants… Je pense que je vais aller acheter un livre pour soutenir les écrivains.
Qu’est-ce que vous en savez si je ne gagne pas ma vie en écrivant ? Et même si ce n’était pas le cas, on a le droit d’émettre une opinion.
Oups! le clavier m’a fourché dans la deuxième phrase…
Je précise que je n’écris pas que monsieur Proulx dispose d’un surplus de bras et de jambes, je dis qu’il accrédite la croyance voulant que monsieur Courtemanche a un bras ou une jambe en trop. Comme dame Robert a accrédité la thèse des cyniques [qu’on fasse semblant d’y croire ou non n’a pas d’importance, madame. L’importance tient à ce qu’on y fait écho ou non].
Monsieur Lavoie, je vais dire ce que je me retiens de dire depuis un bon bout. Le père de DesRochers est en lockout. Alors Monsieur Proulx ne sait pas de quoi il parle quand il dit que DesRochers est un opportuniste. Proulx a tort sur toute la ligne dans sa chronique.
La fin de la chronique est « un downer » Déprimante. C’est avouer que l’auteur de ces lignes-là n’a pas, lui, le courage de ses convictions. Que si il aurait à choisir entre un cri du coeur et un texte qui assurerait qu’il aurait un chèque en bout de ligne, il irait pour le chéque. Que si il serait chanteur, il aurait – sans hésitation – chanté pour les Hell’s.
Les écrivains québécois ne sont tous que cela? Des mercénaires, des… putes?
Je viens de me taper toutes ces suppositions, insinuations, défenses au sujet de Jean-Simon DesRochers quand il aurait été si simple, pour lui, de dire « mon père est en lockout ».
S’il a voulu en taisant cette primordiale info, et mentionnant seulement « raisons personnelles », s’éviter les insinuations, suppositions, accusations, eh bien, c’est raté. Mais il avait sûrement bonne volonté : éviter la complication. Pourtant, s’il en avait fait état, au lieu de compliquée, la situation aurait été complexe.
J’aurais probablement eu le même réflexe à un certain moment de ma vie. Aujourd’hui, c’est bien personnel mais j’opte pour la transparence. La complexité a bien meilleur goût que la complication.
M. Asselin, tout comme les sportifs n’ont pas à pratiquer un sport pour nous permettre de ne pas en faire et d’être en forme sans efforts, je suppose que pour les écrivains, c’est un peu la même chose. Ils n’ont pas à être nos représentants idéologiques s’ils ne le désirent pas, pas plus que votre plombier, même si celui-ci peut très bien signer des tas de pétitions sur internet pour se montrer solidaire.
Et pour le sujet principal de la chronique, « Écrire est une job de jour », monsieur Michel Asselin énonce tellement bien ce que j’en pense que je n’ai pas cru bon de répéter.
À ce compte-là, on n’est pas loin du « On est né pour un petit pain ». Un peu de grandeur que diable ! Oui, certainement, certains écrivains accomplissent leur travail avec méthode, rigueur, jour après jour, doivent payer leurs comptes et en cela ressemble à tous les travailleurs, mais le ressort émotif et créatif les fait vibrer, pour ensuite nous faire vibrer, penser, réfléchir, rêver. Enfin, je l’espère.
Je me permets d’en remettre. Le bobo, ici, c’est que si l’on se réserve de droit d’écrire n’importe quoi pour n’importe qui à n’importe quel compte pour un prix raisonnable, et que cela est bien correct… Car, dans ses temps libres, on est d’une idéologie irréprochable. Parfois. À temps partiel. Très partiel.
C’est quoi, écrire? Est-ce rêvasser, faire les cents pas du salon à la cuisine puis de la cuisine au salon, en attendant l’inspiration?
Pas particulièrement…
Ça, c’est la vision idyllique. La conception trop souvent répandue de ce qu’implique réellement le fait d’écrire – ou de créer quoi que ce soit. Un peu une légende urbaine. Un mythe populaire.
Parce que, écrire, cela demande d’abord et avant tout de la détermination. Beaucoup de détermination. D’ailleurs, l’inspiration vient en écrivant. Un peu comme l’appétit vient en mangeant. Avec comme conséquence que le moins l’écrivain écrira, le moins il ressentira l’envie d’écrire.
Au fond, écrire c’est en soi un cercle vicieux… On écrit et on écrit encore davantage, ou on n’écrit pas et on écrit encore moins. Tout ça pour en arriver à la conclusion que, effectivement, comme l’écrit Steve Proulx: « Écrire est une job de jour ».
De tous les jours.
Sinon, l’envie s’étiole. On remet alors à plus tard cette « tâche » d’écriture graduellement perçue comme une « corvée » qu’autre chose.
Et on finit alors par aller vendre des abonnements à ceci ou à cela par téléphone à l’heure du souper, ou encore à conduire un gros camion de livraison sur un shift de nuit, ou peut-être même à distribuer quotidiennement son quota obligatoire de contraventions aux automobilistes ayant malencontreusement oublié de déplacer leurs véhicules durant une période d’interdiction de stationnement.
Oui, écrire c’est vraiment une job de jour, de tous les jours. C’est un travail auquel il faut s’atteler avec assiduité. Il faut constamment se remettre dans le bain, ne pas céder à la tentation de reporter à plus tard. À l’après midi ou au lendemain. Ou pourquoi pas à la semaine prochaine…
Pour avoir personnellement abondamment écrit (plusieurs centaines d’articles dans des tas de publications, des discours, des chansons, des commentaires et même un livre – et j’en oublie probablement), je puis vous garantir qu’il faut continuellement mettre la main à la pâte. Absolument impératif.
Par contre, écrire n’a strictement rien à voir avec ce qui est écrit. Que l’on soit un poète idéaliste ou un vil mercenaire n’a aucune incidence sur la question. Parce que ni le poète ni le mercenaire n’arriveront à rien si l’écriture ne devient pas une job de jour. Une job de tous les jours.
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(Hummm… un peu long, tout ça… Mais, tel que je le notais ci-dessus, le goût d’enfiler les mots vient en écrivant… Ce qui est fort probablement une bonne chose parce qu’alors il n’y a vraiment que le premier mot qui « coûte »…)