Le pouvoir de l’illisibilité
L'homme est prêt à tout pour ne pas passer pour le dernier des cons.
C'est pourquoi l'intello trouvera un texte jargonneux beaucoup plus crédible que le même texte rédigé avec un souci de simplicité.
C'est ce que l'ex-président des Sceptiques du Québec, Philippe Thiriart, nomme "le pouvoir de l'illisibilité".
Dans un article paru dans Québec sceptique (automne 2007), il rapportait les résultats d'une expérience instructive menée dans les années 70.
Un professeur de marketing, J. Scott Armstrong, avait alors demandé à 20 professeurs en administration d'évaluer le prestige de 10 revues académiques. Chacune de celles-ci possédait un degré de lisibilité basé sur le Flesch Reading Ease Test.
Élaboré en 1948 par Rudolf Flesch, cet indice est considéré, dans le genre, comme l'un des plus précis. Il analyse la longueur moyenne des phrases et le nombre moyen de syllabes par mot. Ainsi, un article bourré de grands mots et de phrases à huit volets sera classé "illisible".
Entendons-nous, cet indice ne mesure pas la qualité des idées exprimées. Il indique seulement que tel texte, dans sa forme, est susceptible de semer la confusion dans l'esprit du lecteur.
Toujours est-il que les professeurs recrutés par Armstrong ont déterminé que les revues les plus "prestigieuses" étaient, étrangement, celles qui étaient les plus difficiles à lire.
Puisqu'il demeurait probable que les revues compliquées soient plus brillantes que les "faciles", Armstrong a procédé à un second test.
Il a choisi certains extraits des revues compliquées et les a "simplifiés". Il a découpé les phrases longues en plusieurs phrases courtes. Il a remplacé les termes savants par des équivalents plus accessibles. Il a ensuite demandé à 32 professeurs d'évaluer la qualité de ces extraits vulgarisés.
Vous devinez la suite? "À nouveau, [les professeurs] valorisèrent les versions difficiles par rapport aux versions faciles", écrit Philippe Thiriart. "À leurs yeux, si un texte est facile à lire, il n'est pas vraiment de niveau universitaire."
Or, les idées étaient exactement les mêmes.
Pris au jeu de la mystification intellectuelle, ces professeurs ont jugé qu'un texte moins lisible était plus "intelligent" qu'un texte facile à lire.
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Si vous souhaitez gagner en crédibilité auprès d'un groupe d'experts, obscurcissez vos communications. Ne faites surtout pas l'effort de vulgariser, on ne vous prendra pas au sérieux.
Dans le domaine des idées, plusieurs "figures totémiques" sont ainsi parvenues à s'imposer auprès de leurs semblables grâce à des logorrhées textuelles. "Parmi ces figures totémiques, écrit Thiriart, on peut mentionner Karl Marx, Sigmund Freud ou Claude Lévi-Strauss, qui ont été suivis par bien des disciples même si leurs théories manquaient nettement d'efficacité pragmatique."
Il y aurait une explication psychosociale à tout ceci. Lorsque l'homme est en groupe, il préférerait faire semblant de comprendre au lieu de passer pour un imbécile.
"Des gens bien intelligents et bien éduqués peuvent se laisser mystifier ou se mystifier eux-mêmes, si cette mystification semble leur apporter un avantage psychosocial", écrit Philippe Thiriart.
Ma fille d'un an fait pareil.
À son âge, elle ne comprend pas grand-chose de ce qu'on se raconte, sa mère et moi, à l'heure du souper. Malgré tout, si elle nous voit éclater de rire pour une blague quelconque, c'est immanquable, elle rira elle aussi.
Elle ne rit manifestement pas parce qu'elle est parvenue à saisir la blague. Elle sait à peine prononcer trois mots.
Du haut de sa chaise haute, elle rit parce que ses parents rient. Elle rit pour faire partie du groupe. Elle rit pour rien, de peur d'être frappée d'ostracisme.
Elle rit pour ne pas passer pour la dernière des connes devant ceux qu'elle estime le plus au monde.
À un an, c'est mignon.
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Récemment, la firme Influence Communication a lancé Scolarius [www.scolarius.com], un outil en ligne qui analyse la lisibilité des textes. Inspiré des multiples recherches dans le domaine, Scolarius calcule la longueur des mots et des phrases pour attribuer aux textes un certain degré de lisibilité.
Les textes simples sont classés comme étant de niveau de scolarité "primaire" ou "secondaire". C'est le cas de cette chronique.
En revanche, les articles de Louis-Gilles Francour, dans Le Devoir, sont de niveau "initié". Il est d'ailleurs le seul chroniqueur québécois à atteindre ce degré d'illisibilité.
La semaine dernière, Pierre Foglia s'est moqué de ce genre de tests à la noix, basés sur des calculs mathématiques. Vrai que la lisibilité n'est qu'un indicateur (imparfait) parmi tant d'autres.
Mais il n'est certainement pas insignifiant. Surtout lorsqu'on sait qu'en "écrivant compliqué", on a plus de chances d'être pris au sérieux…
le journaliste Louis-Gilles Francoeur du « Devoir »est dans la section « initié » parce qu’il est le seul au Québec qui ne se trompe jamais dans ses affirmations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je le trouve parfaitement illisible….
Ma dernière chronique est de niveau collégial. Un bac en études littéraires françaises pour rien…
Exemple du générateur de thèses post-modernes.
Neotextual rationalism and postpatriarchial deappropriation
“Language is dead,” says Sartre; however, according to von Ludwig[1] , it is not so much language that is dead, but rather the meaninglessness, and some would say the genre, of language. The subject is interpolated into a realism that includes art as a whole. It could be said that Marx uses the term ‘Lyotardist narrative’ to denote the common ground between sexual identity and class.
La Fournier[2] states that we have to choose between postpatriarchial deappropriation and neocultural rationalism. But the stasis, and eventually the fatal flaw, of realism which is a central theme of Fellini’s Amarcord is also evident in 8 1/2, although in a more mythopoetical sense.
If neotextual rationalism holds, we have to choose between textual theory and Debordist image. It could be said that many discourses concerning realism exist.
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Si vous y comprenez quelques chose, c’est que vous n’avez rien compris.
Ceux qui écrivent des choses qui semblent compliquées au commun des mortels ne le font pas pour être obscurs. Transcrire une idée complexe n’ait pas chose aisée.
C’est pour cette raison que ceux qui parviennent à synthétiser, voire à vulgariser pour amener leurs idées vers le plus grand nombre sont les meilleurs en communication. Cela ne fait pas d’eux des gens moins intéressants, bien au contraire.
Mais l’effort reste quand même de mise pour appréhender la pensée d’autrui, pas pour se sentir moins con mais davantage pour confronter son esprit au grand livre du monde.
« Ceux qui écrivent des choses qui semblent compliquées au commun des mortels ne le font pas pour être obscurs. »
De son propre aveux, c’est exactement ce que Nietzsche faisait.
D’entrée de jeu, dire que l’étude d’Armstrong est simpliste (et non simplifiée), et si le Flesch Reading Ease Test ne s’en tient qu’à la longueur moyenne des phrases et au nombre moyen de syllabes par mot pour juger de la lisibilité, eh bien ça ne vaut pas cher la poche.
Il y a beaucoup d’éléments à distinguer et je ne suis pas spécialiste, mais voici ce que je pourrais en dire – qui n’exclut pas systématiquement bien des choses intéressantes déjà dites :
– certaines disciplines ont un lexique spécifique et qui n’en est pas familier ne saurait intégrer le savoir exprimé ;
– un esprit autonome aura une pensée spécifique et une expression tout aussi personnelle auprès desquelles on ne peut toujours faire l’économie d’une familiarisation ;
– les mots cumulent parfois plusieurs sens, et notre époque connaît, au surplus, un usage pervers de ce qu’ils expriment. Un exemple de connotations : le mot « primaire » qui, de nos jours, sous-entend un jugement méprisant : « qui fait montre d’un dogmatisme simpliste, d’idées toutes faites et d’une culture limitée », alors qu’en première acception il signifie « qui est en premier dans une série, un ordre, qui est au commencement », et en compte d’autres encore, selon le domaine concerné… ;
– qui saurait dire si les profs qui ont valorisé les versions difficiles ne les ont pas préférées parce qu’elles étaient plus courtes ? (si je ne m’abuse, quand on cherche à vulgariser, ça exige généralement plus de mots – faire court en employant un mot plutôt que plusieurs, ça sauve du temps, et qui n’aime pas sauver du temps ?) ;
– il n’est pas impossible que les figures totémiques évoquées manquaient de vocabulaire ; ou, autrement dit, un grand penseur n’est pas nécessairement un écrivain. Et puis vouloir exprimer des idées nouvelles pose le problème de trouver des mots nouveaux ou des manières nouvelles de dire…
Maintenant, si tu permets… ta fille ne rit pas nécessairement ou seulement avec sa mère et toi pour ne pas passer pour la dernière des connes : qui n’a jamais expérimenté le fait de voir ou entendre des gens rires (dans le métro, au travail, au boulot, au resto…) et a trouvé ça ravissant ou réjouissant et a ri de bon cœur du seul fait de ce bonheur entendu et/ou vu même s’il ne nous incluait pas ? Ça fait du bien comme le soleil qui nous réchauffe.
Autrement, il y a aussi la question du style : quelqu’un aurait beau écrire « lisiblement » (selon le test), si je trouve son style imbuvable, je ne le lirai pas, à moins qu’il ne traite d’un sujet pour lequel je suis dévorée par la curiosité, et encore…
Et puis il y aussi la justesse du propos dont prendre en compte. Qui écrit « lisiblement » des choses fausses et/ou illogiques l’est-il vraiment, lisible ?
C’est par ailleurs un bon moyen de fuite des politiciens. Souvent, ils font des discours compliqués, au point que quand vient le temps pour eux de nous les interpréter, ils ont tout le loisir de le faire à leur façon. Tout en précisant, pour le cas où nous ne serions pas d’accord, que nous les avons pas compris. Ou, pour le cas où nous nous expliquons trop simplement, que nous sommes tout simplement des démagogues populistes. Ça ne vous rappelle rien?
Étrange…les commentaires ci-haut qui sont plutôt positifs ont un indice de lisibilité acceptable (lire primaire ou secondaire) pour le commun des mortels alors que les commentaires moins positifs ont un indice relativement élevé….
Coïncidence ou l’art d’être piqué à vif?
Je suis assez fier de dire que les textes de mon blogue (http://www.aliterconcept.com/blog) sont de niveau secondaire, c’est-à-dire à la portée de tous.
Mais certainement pas au goût de tous!
Le très à propos billet de Seth Godin sur le sujet (http://bit.ly/fi4ZJi) me rassure d’ailleurs.
On ne peut plaire à tous! Mais au moins on doit s’assurer que les gens auxquels nous plaisons (ou non) comprennent pourquoi!
Merci pour ce super texte qui confirme les arguments que je propose à mes participants dans ma formation « Rédaction Technique Ludique ».
Vive la simplicité!
Indice Scolarius de ce texte : 66 Primaire
Eh bien, je me dépasse!
Ayant passé ma vie dans les milieux des sciences humaines et de l’effort de réflexion, je dois dire que j’ai lu de nombreux textes plutôt hermétiques. Très souvent les idées exprimées auraient pu être formulées de manière moins «snobinarde» et moins absconse.
Il y en a probablement qui se rappellent la fameuse affaire Sokal, ce physicien qui avait écrit un texte sans queue ni tête, lequel texte avait été salué comme génial.
JE PRÉSENTE ICI UN COURT TEXTE, TIRÉ D’INTERNET, PORTANT SUR L’AFFAIRE SOKAL:
***«2. Tout commence au printemps 1996 lorsque le physicien new-yorkais Alan Sokal envoie un article à la tonalité résolument postmoderne (prônant la transgression des frontières intellectuelles) à la revue Social Text1 qui le publie. Quelques mois plus tard, il fait paraître dans une autre revue, Lingua Franca2, un article-commentaire sur son premier texte qu’il présente comme parodique: son but était de piéger les éditeurs de Social Text afin de mettre en évidence leur manque de rigueur intellectuelle. Sur sa lancée, l’année suivante, Alan Sokal publie, en collaboration avec Jean Bricmont, un livre intitulé «Impostures intellectuelles» qui entend dénoncer l’obscurantisme de certains intellectuels français (Lacan, Baudrillard, Latour, Kristeva, etc.). Ces textes – en fait un « pré-texte », celui de « Pseudo-Sokal » (le prétendu postmoderne), et un « méta-texte », celui de « Super-Sokal » (le véritable réaliste justicier) – vont constituer l’événement fondateur de toute l’affaire. En démontrant qu’en se conformant à une idéologie (en l’occurrence le relativisme), il est possible de faire accepter un article absurde, « Super-Sokal » veut combattre le relativisme paresseux et l’arrogance des positions dites « postmodernes ». Son point de vue est double: 1) la réalité ne peut pas être remise en cause; 2) la science peut connaître la réalité. S’aventurant dans la philosophie par le biais de la physique, il accumule les griefs et passe – avec tous ceux qui se reconnaissent dans ses idées – de l’accusation à la leçon de morale. Démasqués: l’absence de rigueur des cultural studies, la « confusion mentale » de certains intellectuels pris en flagrant délit d’ignorance ou de malhonnêteté, etc. Contrairement aux scientifiques qui traiteraient du réel au moyen d’un langage approprié, les littéraires et les chercheurs en sciences sociales dits « postmodernes » tendraient à compliquer inutilement des questions simples en se livrant à des jeux de langage gratuits visant à masquer leur faiblesse, et en allant chercher du côté des sciences « dures » leur légitimation théorique pour impressionner les lecteurs. Parlant de ce qu’ils connaissent mal, ils ne feraient que produire un savoir stérile.»***
J’espère ne pas avoir défoncé une porte ouverte. L’Affaire Sokal a été très importante à une certaine époque et de nombreuses personnes sont déjà au courant de CE CANULAR INTELLECTUEL ET SCIENTIFIQUE.
JSB
Aujourd’hui Foglia disait:
» La communication est un grand fleuve boueux qui emporte tout. Le théâtre, l’humour, la littérature, l’art, la pensée, la culture, tout est communication parce que tout est consommation avant que d’être du théâtre, de l’humour, de la littérature, de l’art, de la culture. Retenez l’image d’un grand fleuve, son débit, ses bouillonnements: le plus dur est de résister. »
Je pense que ça dit tout.
Je pense aussi qu’être clair c’est une chose, mais exprimer des idée complexes et des relations complexes, ça exige un niveau de langue et une syntaxe complexe. L’expression de toutes les nuances et des relations de notre monde passe par une inévitable complexité, et probablement de la confusion. La simplicité du langage en math c’est des 0 et des 1, en couleurs c’est noir ou blanc, en musique c’est bruit ou silence, en discours c’est oui ou non, en idée ça s’appelle le manichéisme (tout le monde me suit?).
Il y a un temps pour que tout le monde suive, pour aller manger du mecdo, écouter du AML, regarder des films de Stalone et lire des Harlequins. Il y en a d’autres pour savourer l’infinie richesse de notre monde, la célébrer et tenter de la comprendre, et ça se pourrait que l’objectif de clarté doive prendre le bord de temps en temps.
@Jean-Serge Baribeau
Encore une fois un commentaire éclairant, M. Baribeau. J’ignorais complètement l’affaire Sokal. C’est fascinant. Réellement.
Au plaisir!
Une chronique que je découvre tardivement et qui me laisse perplexe…
Tout d’abord : Je ne crois pas que votre fille de un an ait ri pour faire partie du groupe : elle a ri parce qu’elle fait partie du groupe. Si elle s’en était sentie exclue, elle aurait hurlé.
Et, je ne crois pas non plus qu’elle conçoive déjà le risque de passer pour une conne. Quand elle se met à pleurer ou hurler alors que vous ne pleurez ni ne hurlez, pensez-vous que ce soit avec l’idée de passer pour une conne ?! et/ou de vous faire passer pour un bourreau d’enfant ?
Pour ce qui est du fond de votre chronique : Le raisonnement et les conclusions que vous élaborez à partir de deux études sans réel rapport l’une avec l’autre et éloignées dans le temps l’une de l’autre me laissent encore plus dubitatif car ils me semblent entachés de graves défauts qui les feraient rejeter par tout scientifique ou universitaire même pas très très sérieux.
Remarques :
1) Une étude ancienne dirigée par un professeur de marketing et ayant fait participer seulement des professeurs en administration comme cobayes :
– le marketing a la plupart du temps pour objet de produire un message dont tous les éléments constitutifs (et pas seulement l’élément textuel) doivent, par leur combinaison, déclencher une décision d’achat ou d’adhésion ;
– il n’y a pas à douter un instant de la compétence du directeur de recherche pour orienter son public avers l’adhésion et mon réflexe est de supposer un biais ;
– il a raccourci les phrases et remplacé les mots compliqués par des mots simples.
Bon.
Nous nageons en plein subjectivisme sinon qu’il semble acquis pour vous (du fait de votre rapprochement des 2 études) que les mots simples (courts) sont compris par un plus grand nombre de gens que les mots compliqués (longs).
Qui a évalué la similitude de sens entre les 2 versions ? Le directeur de recherche et son équipe ?
Certes, le vocabulaire de la gestion et de l’administration des années 70 pose moins de problèmes sémantiques que le vocabulaire de la philosophie ou celui de l’anthropologie et de quelques autres domaines d’études, y compris ceux des sciences dites dures soi disant moins baratineuses.
Cependant, tout le monde ne parle pas le même langage, y compris dans la même langue (et pas seulement en français).
Un chat est un chat, certes, mais il peut aussi bien être un félin, un matou, un greffier, un minou… une chatte ! Il faut parfois ajouter qu’il est domestique, sauvage, de ruelle, de gouttière, de concours etc. pour avoir une idée précise de celui dont on parle. (Et je vous épargne la liste des espèces et sous-espèces.)
Un langage commun est nécessairement à la base de tous les échanges scientifiques et une grande partie des rayons de bibliothèques (et des bases de données) est occupée par les efforts pour établir ces divers langages communs : ces efforts ne sont pas forcément abordable facilement pour un néophyte qui pense qu’un chat est un chat et qu’il n’y a rien là.
2) Supposons l’exactitude des conclusions de l’étude citée : mise à part la tendance très humaine (et souvent très utile, il faut bien le dire, pour se simplifier la vie) à la généralisation, quel est l’élément qui permet d’en étendre la validité à n’importe quel autre domaine étudié à l’université ?
Absolument aucun.
L’administration, (discipline dont la théorisation est en effet assez ridiculement pédante) est peut-être même un rare domaine pour lequel les conclusions de l’étude pourraient être valables, dans la mesure où il cherche à ne gérer que des éléments finalement comptabilisables…, c’est-à-dire à tout quantifier.
3) Qu’est ce qu’un texte facile à lire ?
Est-ce la même chose qu’un texte facile à comprendre ?
Non.
Des textes faciles à lire sont des succès millénaires : les réponses de Confucius à ses disciples, les paraboles des Évangiles, certains passages du Coran.
Si l’on se fie au nombre (inconnu mais élevé) de textes et de thèses plus ou moins compatibles entre elles auxquelles les études de ces textes ont donné lieu, il devient certain que la simplicité (apparente) d’un texte ne garantit en rien une limpidité de contenu identique pour chaque lecteur ou auditeur.
Si l’on se fie aux compréhensions diverses et variées qu’en ont les gens « simples » qui n’écrivent pas de thèses, on n’est guère plus avancé.
4) La simplicité serait la garantie de faire passer le message ?
Racontez à votre fille un conte de Grimm simplifié.
Exemple : – des parents n’ont plus rien à manger, ils décident de se débarrasser de leurs enfants dans la forêt, le plus malin des enfants trouve un truc pour retrouver le chemin de la maison –
Difficile de faire plus simplifié, non ? (Je vous autorise à simplifier encore) Pourtant, aucune chance d’intéresser un enfant en bas âge avec cela.
Mais si vous prenez le texte complet, que vous jouez quelques bouts en changeant de voix tout en montrant quelques images, vous augmenterez vos chances de succès, alors que votre fille ne comprendra pas un mot de plus et que c’est beaucoup plus compliqué (selon vos critères) que la version simplifiée.
Je ne crois malgré tout pas un instant que votre fille soit déjà une universitaire pédante voulant manifester sa compréhension de la complexité…
5) Le problème soulevé par l’évaluation de la lisibilité ne tient pas tant aux « calculs mathématiques » que vous évoquez qu’aux critères de cette lisibilité.
Ils semblent être ceux de la simplicité apparente : sujet + verbe + complément, le tout avec les mots les plus courts possibles.
Vous avez raison, les messages ci-dessous passent très bien :
Dieu est grand – La vie est belle – Le Québec est corrompu –
Votez pour moi – Nous sommes prêts – Le Canada est le (+) meilleur pays du monde –
Quelle simplicité ! Quelle lisibilité ! Quelle efficacité !
Au moins, sont pas pédants les auteurs de ces phrases !
6) Enfin, au sujet de L.-G. Francoeur du Devoir, il se trouve qu’au lieu de s’étendre en opinions, comme la plupart des chroniqueurs qui feignent de croire que tout le monde sait de quoi il est question, il apporte des informations techniques et juridiques et étoffe ses conclusions : de fait, il est rarement dans la généralité du gros bon sens qui autorise à parler de tout au feeling.
J’aurais pu essayer de synthétiser mes réactions à votre texte. J’ai préféré m’attacher, successivement, à plusieurs points. Pour plus de lisibilité.
Quand à l’idée qu’il est toujours possible de faire compliqué pour embrouiller les gens, elle est évidemment aussi exacte que celle qui consiste à penser que, pour leur passer un sapin, le mieux est de faire simple.
Une chronique que je découvre tardivement et qui me laisse perplexe…
Tout d’abord : Je ne crois pas que votre fille de un an ait ri pour faire partie du groupe : elle a ri parce qu’elle fait partie du groupe. Si elle s’en était sentie exclue, elle aurait hurlé.
Et, je ne crois pas non plus qu’elle conçoive déjà le risque de passer pour une conne. Quand elle se met à pleurer ou hurler alors que vous ne pleurez ni ne hurlez, pensez-vous que ce soit avec l’idée de passer pour une conne ?! et/ou de vous faire passer pour un bourreau d’enfant ?
Pour ce qui est du fond de votre chronique : Le raisonnement et les conclusions que vous élaborez à partir de deux études sans réel rapport l’une avec l’autre et éloignées dans le temps l’une de l’autre me laissent encore plus dubitatif car ils me semblent entachés de graves défauts qui les feraient rejeter par tout scientifique ou universitaire même pas très très sérieux.
Remarques :
1) Une étude ancienne dirigée par un professeur de marketing et ayant fait participer seulement des professeurs en administration comme cobayes :
– le marketing a la plupart du temps pour objet de produire un message dont tous les éléments constitutifs (et pas seulement l’élément textuel) doivent, par leur combinaison, déclencher une décision d’achat ou d’adhésion ;
– il n’y a pas à douter un instant de la compétence du directeur de recherche pour orienter son public avers l’adhésion et mon réflexe est de supposer un biais ;
– il a raccourci les phrases et remplacé les mots compliqués par des mots simples.
Bon.
Nous nageons en plein subjectivisme sinon qu’il semble acquis pour vous (du fait de votre rapprochement des 2 études) que les mots simples (courts) sont compris par un plus grand nombre de gens que les mots compliqués (longs).
Qui a évalué la similitude de sens entre les 2 versions ? Le directeur de recherche et son équipe ?
Certes, le vocabulaire de la gestion et de l’administration des années 70 pose moins de problèmes sémantiques que le vocabulaire de la philosophie ou celui de l’anthropologie et de quelques autres domaines d’études, y compris ceux des sciences dites dures soi disant moins baratineuses.
Cependant, tout le monde ne parle pas le même langage, y compris dans la même langue (et pas seulement en français).
Un chat est un chat, certes, mais il peut aussi bien être un félin, un matou, un greffier, un minou… une chatte ! Il faut parfois ajouter qu’il est domestique, sauvage, de ruelle, de gouttière, de concours etc. pour avoir une idée précise de celui dont on parle. (Et je vous épargne la liste des espèces et sous-espèces.)
Un langage commun est nécessairement à la base de tous les échanges scientifiques et une grande partie des rayons de bibliothèques (et des bases de données) est occupée par les efforts pour établir ces divers langages communs : ces efforts ne sont pas forcément abordable facilement pour un néophyte qui pense qu’un chat est un chat et qu’il n’y a rien là.
2) Supposons l’exactitude des conclusions de l’étude citée : mise à part la tendance très humaine (et souvent très utile, il faut bien le dire, pour se simplifier la vie) à la généralisation, quel est l’élément qui permet d’en étendre la validité à n’importe quel autre domaine étudié à l’université ?
Absolument aucun.
L’administration, domaine dont la théorisation est effectivement ridiculement pédante et souvent alambiquée, est peut-être aussi un rare domaine pour lequel les conclusions de l’étude pourraient être valables, dans la mesure où il cherche à ne gérer que des éléments finalement comptabilisables…, en clair : à tout quantifier.
3) Qu’est ce qu’un texte facile à lire ?
Est-ce la même chose qu’un texte facile à comprendre ?
Non.
Des textes faciles à lire sont des succès millénaires : les réponses de Confucius à ses disciples, les paraboles des Évangiles, certains passages du Coran.
Si l’on se fie au nombre (inconnu mais élevé) de textes et de thèses plus ou moins compatibles entre elles auxquelles les études de ces textes ont donné lieu, il devient certain que la simplicité (apparente) d’un texte ne garantit en rien une limpidité de contenu identique pour chaque lecteur ou auditeur.
Si l’on se fie aux compréhensions diverses et variées qu’en ont les gens « simples » qui n’écrivent pas de thèses, on n’est guère plus avancé.
4) La simplicité serait la garantie de faire passer le message ?
Racontez à votre fille un conte de Grimm simplifié.
Exemple : – des parents n’ont plus rien à manger, ils décident de se débarrasser de leurs enfants dans la forêt, le plus malin des enfants trouve un truc pour retrouver le chemin de la maison –
Difficile de faire plus simplifié, non ? (Je vous autorise à utiliser des mots encore plus simples.)
Pourtant, aucune chance d’intéresser un enfant en bas âge avec cela.
Mais si vous prenez le texte complet, que vous jouez quelques bouts en changeant de voix tout en montrant quelques images, vous augmenterez vos chances de succès, alors que votre fille ne comprendra pas un mot de plus et que c’est beaucoup plus compliqué (selon vos critères) que la version simplifiée.
Je ne crois malgré tout pas un instant que votre fille soit déjà une universitaire pédante voulant manifester sa compréhension de la complexité…
5) Le problème soulevé par l’évaluation de la lisibilité ne tient pas tant aux « calculs mathématiques » que vous évoquez qu’aux critères de cette lisibilité.
Ils semblent être ceux de la simplicité apparente : sujet + verbe + complément, le tout avec les mots les plus courts possibles.
Vous avez raison, les messages ci-dessous passent très bien :
Dieu est grand – La vie est belle – Le Québec est corrompu –
Votez pour moi – Nous sommes prêts – Le Canada est le (+) meilleur pays du monde –
Quelle simplicité ! Quelle lisibilité ! Quelle efficacité !
Au moins, sont pas pédants les auteurs de ces phrases !
6) Enfin, au sujet de L.-G. Francoeur du Devoir, il se trouve qu’au lieu de s’étendre en opinions, comme la plupart des chroniqueurs qui feignent de croire que tout le monde sait de quoi il est question, il apporte des informations et étoffe ses conclusions : de fait, il est rarement dans la généralité du gros bon sens qui autorise à parler de tout au feeling.
J’aurais pu essayer de synthétiser mes réactions à votre texte. J’ai préféré m’attacher, successivement, à plusieurs points. Pour plus de lisibilité.
Quand à l’idée qu’il est toujours possible de faire compliqué pour embrouiller les gens, elle est évidemment aussi exacte que celle qui consiste à penser que, pour leur passer un sapin, le mieux est de faire simple.