Chaque Noël, c'en est presque devenu une tradition.
Les femmes déblaient la table et rangent la bûche au frigidaire. Les hommes se débouchent une bière et, dans le salon chez mon père, se mettent à jaser.
On tâtonne un peu, au début, avant de trouver un bon filon. On règle vite la question du prix de l'essence et celle du déneigement. On commente la télé, l'état de santé d'un parent, et mon père nous restitue dans ses mots ce qu'il a entendu la veille au canal Argent.
Chez les Proulx, rien de tel qu'une discussion autour de la hausse anticipée du taux directeur pour doper la magie des fêtes.
D'habitude, c'est après deux ou trois bières que quelqu'un se décide à se retourner vers moi pour me lancer: "Pis, vous autres, à Mouuuurial?" L'insistance sur le "Mouuuuu" ne fait rien pour atténuer le certain dégoût que sous-tend la question.
C'est alors qu'en moi résonnent les clochettes annonçant la suite prévisible de la causerie. Au sein de mon estrienne de famille, c'est l'heure du jeu "Montréal vs les régions".
Conformément à l'état d'esprit régnant hors de la métropole, ma famille entretient elle aussi ses petites et grandes rancours envers Montréal. Celles-ci sont déversées le soir de Noël, comme le veut la tradition. En ma qualité d'unique représentant montréalais de mon clan, je joue malgré moi le rôle de récipient.
Il faut quitter cette île de temps à autre pour constater à quel point le reste du Québec est toujours partant pour une partie de "Casse-Montréal".
Montréal et son trafic. Montréal et ses nids-de-poule. Montréal et son estie de Plateau. Montréal qu'on entend juste parler d'elle partout aux nouvelles. Montréal qu'on haguit donc…
Montréal: père Noël du Québec
Cette année, mon père s'était gardé du fiel pour le CHUM et l'échangeur Turcot. Comme d'autres, il en a contre cet argent que le gouvernement vient chercher dans ses poches, et qui sert à payer des routes et des hôpitaux à Montréal. Montréal qui lui coûte les yeux de la tête.
Vraiment, papa?
En 2007, le chroniqueur financier de La Presse, Claude Picher, publiait un texte sur le "cadeau" que Montréal fait chaque année aux régions.
"Les régions pourront brailler tant qu'elles veulent, écrivait M. Picher, une chance qu'elles ont Montréal… et l'argent de Montréal."
S'ensuivait une démonstration comptable révélant que, chaque année, les Montréalais versent aux régions "au moins 4 milliards de dollars" sous forme de recettes fiscales.
"De Gaspé à Rouyn-Noranda […] l'argent des Montréalais sert à financer la construction de routes, d'écoles, d'hôpitaux; il contribue à financer les prestations d'aide sociale et d'assurance-emploi, les pensions de vieillesse et autres programmes sociaux."
C'est que les Montréalais sont plus riches que la moyenne québécoise. Ils paient donc plus d'impôts. Ainsi, selon les statistiques de 2004, Montréal et sa couronne immédiate rassemblent 42 % de la population québécoise, mais ont contribué à 48 % (soit 9,4 milliards) de la somme perçue par le gouvernement québécois sous forme d'impôts sur le revenu des particuliers.
"Si les Montréalais devaient supporter un fardeau fiscal correspondant à leur poids démographique, écrivait le chroniqueur, ils paieraient 1,2 milliard de moins."
Mais il faut ajouter à ce montant l'impôt payé au fédéral, ainsi que celui perçu par les deux paliers gouvernementaux sur le revenu des entreprises. Celles-ci étant concentrées à Montréal, Claude Picher estime que 55 % de la cagnotte est fournie par des entreprises de la métropole. Enfin, des revenus plus élevés à Montréal engendrent plus de dépenses. Les Montréalais paient donc plus de TPS et de TVQ.
C'est ainsi qu'au terme de ses calculs, le chroniqueur en arrive à sa conclusion: "Au net, le transfert de Montréal vers les régions dépasse les 4 milliards, année après année."
Pssst, papa… Cette année, tu me dois deux CHUM.
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Je peux comprendre les régions de souhaiter un Québec moins montréalocentriste. Chacun milite pour son nombril.
Les régions devront pourtant se faire à l'idée: Montréal est (et restera) le moteur économique de cette province.
Non seulement les Montréalais versent-ils des milliards chaque année aux régions, mais c'est aussi sur cette île qu'atterrissent la majorité des immigrants. Oui, je parle de ceux qui assumeront une bonne part de la croissance démographique de notre population vieillissante.
On aime répéter que le Québec a besoin de ses régions. Sans doute. Or, il a aussi passablement besoin de Montréal. Ne l'oublions pas.
Je demeure a Québec (mais je parle en mon nom, bien entendu)
Le reproche fait a Montréal n’est pas vraiment d’être « montréalocentriste du nombril
Le reproche fait a Montréal n’est pas vraiment d’être grosse et forte…
Le reproche fait a Montréal est justement d’être faible, débraillé, de manque de dynamisme et a la limite d’être a la traine: c’est-a-dire d’être un wagon de queue au lieu d’être une locomotive!
Dire que les régions ont besoin de Montréal n’est pas une mauvaise chose (vous n’avez pas entierement gaspillé l’encre de votre plume) mais…
Mais si on veut désamorcer ce « Montréal-bashing » un peu absurde, il n’y a qu’une solution: Que Montréal redevienne dynamique!
Ps; « fesser sur Gérald Tremblay ne fait pas partie des solutions; (il y a déja trop de « fesseurs »sado-maso)
L’image projetée de Montréal dans les régions est celle d’une ville empétrée; c’est a changer!
Je parlerai en mon nom également : je viens des régions et, autour de moi, je n’ai jamais entendu parler de Montréal comme d’un «pompeur d’argent». Il est bien vrai pourtant que l’image de la ville est plutôt salie, faisant ainsi oublier la belle dynamique culturelle qui peut y régner.
Pour ce qui est de la distribution des impôts et des taxes : tous font porter le blâme aux autres…
j’ai quitté Monlial en 1969 , pour aller vivre à Matane, et me réjouir de bien des choses. Depuis 1976 je vis à Québec City. Je ne vais pas à Monlial souvent, j’aime la lumière à Monlial dans certaines rues à l’automne. À Monlial, l’hiver , se termine en février.
J’aimerais aller à Monlial voir Anne Dorval dans le rôle d’Hermione:
« Où suis-je ? Qu’ai-je fais ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit , quel chagrin me dévore … »
Intéressant. Est-il permis de se demander alors ce que Montréal gagne à faire partie du Québec? Socialement et culturellement, quels sont les points communs entre Parc Extension, Côte Sainte-Catherine et Côte-des-Neiges, les quartiers grecs et portugais d’un côté et de l’autre le Saguenay-Lac-St-Jean, la Beauce, l’Estrie? Sans parler évidemment des secteurs anglophones de l’Île.
Quels sont les avantages économiques pour Montréal d’allouer des milliards par an à la vie des régions et de garder pour l’Île son taux de pauvreté effarant, ses trous dans les rues, et la camisole de force mise en place par le Gouvernement du Québec? Concrètement, ça donne quoi pour Montréal de vivre un Katrina économique chaque année pour faire partie du Club Québec?
Et d’une manière toute pratique, supposons qu’on organise d’un bout à l’autre de l’Île de Montréal un référendum avec une question toute simple: »Voulez-vous que l’Île de Montréal devienne une province à part entière? » On commence le référendum à Pointe-Claire, Beaconsfield, Ville Mont-Royal, etc. et on finit par Pointe-aux-Trembles mettons. La réponse ce serait quoi? Je pose ces questions toutes bêtes parce que depuis 35 ans que le Québec mijote à la sauce souveraineté-poutine, que toute la dynamique de l’ensemble québécois est axé sur les régions et les relations fédérales-provinciales, on a peut-être oublié que pendant ce temps, Montréal évoluait toute seule. Et que s’il est possible que l’argent du Québec soit à Ottawa, il reste tout à certain que l’argent de Montréal est à Québec. Et que Montréal et le Québec n’ont peut-être plus grand-chose en commun.
Je dirais que le Québec et une bonne partie de Montréal ont en commun : leur langue française teintée de québécismes et d’accents, leur petite mais importante Histoire, leur culture unique, leur désir de partager cette culture avec les nouveaux arrivants, leur système d’éducation, la pensée capitaliste-socialiste, leurs maudits hivers, leurs printemps tant désirés, leurs étés trop courts, leurs automnes colorés, leurs routes mal-foutues, le sirop d’érable, le hockey (patins ou bottines! ), et même l’amour pour la bonne bière à la limite!
Farfelus ou sérieux, les points en commun sont bien présents. Alors, non, il n’est pas permis de demander ce que Montréal a de commun avec le reste du Québec. Et la mauvaise distribution de l’argent n’a rien à y voir.
Le point de vue de Catherine est exprimé avec une remarquable fraîcheur et une belle vivacité, mais je suis historien (un hasard).
Et grosso modo, Montréal et le reste du territoire (ie: Nouvelle-France, Bas-Canada, Québec, etc.) ont toujours présenté des différences majeures; autant sur le plan culturel que social. Entre autres. Non, il ne s’agit définitivement pas d’une culture unique.
Folklore mis à part, j’ai simplement l’impression que l’écart est peut-être devenu trop grand pour être comblé. Et il va de soi que le Québec tue lentement la Ville. Toutes les villes meurent. Mais Montréal peut avoir encore beaucoup à offrir. Et son statut de »région »; où un vote vaut deux fois moins qu’un vote en Gaspésie, où le poids politique de l’île est de zéro, où le bordel est constamment foutu par des bungalowistes de Québec, où le fractionnement en mode Lego de la Ville par le gouvernement Charest l’a rendu totalement ingouvernable; étouffe Montréal. De plus en plus rapidement en fait parce que s’additionnent les dégâts des décennies précédentes. Évidemment, vu de Rosemont, la question se pose mail. Mais pour l’ensemble des citoyens de l’île?
Il y aurait un référendum demain matin et je parierais 20$ sur Vive le Montréal Libre!
Et pour l’instant ça parait non seulement une expérience culturellement fascinante mais économiquement pleine de possibilités.
Et puis historiquement, pour des Papineau ou des Falardeau, la décence (je raccourcis évidemment) c’était de parler en français. Pour d’autres, comme pour moi, la décence c’est de pouvoir vivre dignement, de manger, et d’être traité avec respect. Que les régions aiment s’essuyer les pieds sur Montréal, c’est comme ça depuis Frontenac. Qu’un montréalais soit un citoyen de seconde zone parce qu’il faut faire partie du Grand Univers Québécois, no way Jose.
Alors il est non seulement permis mais totalement légitime pour Montréal de regarder les avantages (est-ce qu’il y en a???) et les inconvénients (la cour est pleine), de demeurer au Québec. Ou de considérer autre chose.
Montréal est une force tranquille qui ne va pas dissoudre sa vitalité dans la personnalité de son maire.
Le vrai maire de Montréal, c’est nous tous Montréalais qui habitons cette ville multiple. Gérald Tremblay n’est qu’un figurant.
Il le sait et c’est sans doute l’explication la plus simple de son impénétrable sourire, qui contraste heureusement avec les rictus agités de sa majesté Labeaume à Québec.
J’ai habité deux ans à Québec. Ce n’était pas ma ville et je n’oserais jamais en blâmer ses habitants.
Cela dit, l’économie c’est une chose mais il faut faire attention. Nos richesses naturelles sont dispersées partout sur le territoire, et ce n’est pas en se couchant devant les artistes du Plateau qui veulent en faire un décor vierge pour leurs vaudevilles grandiloquents que nous l’habiterons physiquement. Et politiquement.
Pour le reste, j’appuie Steve Proulx et tient à avertir respectueusement les braves gens de Québec qu’on commence à avoir sérieusement notre voyage à Montréal de toujours leur servir de bouc émissaire, quand ça patine sur la bottine chez Labeaume.
Nos vacances, il pourrait bien nous venir à l’idée de les passer ailleurs qu’à Québec, si ça continue. 40% des habitants du pays québécois qui décideraient tout d’un coup d’aller ailleurs qu’à Québec pour faire changement, me semble que c’est une bonne idée, quand j’y pense et faudrait pas trop insister davantage avec des conneries comme le nouveau Colisée et les Olympiques pour que l’été prochain, nous les Montréalais on aille se ressourcer en Gaspésie, au Lac, en Abitibi, dans le Bas-du Fleuve, sur la Côte-Nord, aux Îles-de-la-Madeleine, en Estrie, en Montérégie…capiche???
Ca me fait rire ce « Capiche » de monsieur Bourbonnais;
C’est clairement une belle invitation a « troller » en répondant outré:
Bla .bla . bla puis bla bla bla
Je vais résister au trollage et réaffirmer ma position: « Si Montréal se redynamise on n’en entendra plus parler de Montréal-Bashing!
Je suis né dans l’Outaouais. J’y ai vécu pendant une vingtaine d’années. Depuis, je suis devenu un Montréalais convaincu et il m’arrive souvent de me dire et de penser que Montréal devrait devenir une ville autonome.
Si référendum il y avait, comme le suggère Jean-Paul Thomin, je voterais probablement pour la souveraineté. Et certains «régionaleux» en resteraient ébaubis et démunis.
JSB, sociologue
Aucun argument chauvin ne peut contrer un raisonnement aussi chauvin…
J’ai vécu 20 ans à Rouyn-Noranda, 1 an à Montréal et ça fait maintenant 1 ans et demi que j’habite à Chicoutimi. Le Québec a besoin de Montréal et de l’ensemble des régions du Québec. Il me semble pourtant absurde de parler de Montréal vs les régions. Déjà, entre l’Abitibi et le Saguenay, je remarque des différences dans le langage, dans les habitudes. Parler des régions comme d’un tout, c’est oublier ces spécificités.
Je ne pense pas que la haine du reste du Québec envers Montréal vienne d’une question d’argent, mais plutôt de l’impression de ne pas être entendu. À la télé québécoise (produite à Montréal, mais écoutée à travers le Québec), on a l’impression qu’on ne parle que de Montréal, que ses artisans se sont pas allés voir ailleurs pour vivre le Québec, que tout ce qui est québécois sans être montréalais est exotique…
Est-ce qu’on peut tenir compte de nous dans la culture populaire du Québec?