L'étrange histoire de Jean-François Harrisson
Angle mort

L’étrange histoire de Jean-François Harrisson

La théorie du complot sur les attentats du 11 septembre orchestrés par Washington, je connaissais.

Celle à propos du groupe Bilderberg qui manigance en secret l'instauration d'un Nouvel Ordre Mondial, je connaissais aussi.

Tout comme je connaissais la rumeur voulant que le SIDA, le SRAS et la grippe H1N1 soient des maladies créées en laboratoire pour mieux contrôler l'explosion démographique.

Or, alors que je n'espérais plus être étonné par l'inventivité des amateurs de conspirations, voilà que j'en apprends une bonne.

Saviez-vous que chaque citoyen canadien détiendrait une somme d'environ un million de dollars?

Le mouvement Redemption affirme en effet qu'au moment de l'émission de notre acte de naissance, le gouvernement aurait ouvert un compte bancaire secret au nom d'une entité fantôme nous représentant.

Le plus beau dans l'affaire, c'est qu'une simple manouvre administrative vous permettrait de devenir le représentant autorisé de votre entité, et ainsi de récupérer ce fric pour rembourser, mettons, vos dettes. Ou vos frais juridiques.

C'est-y pas merveilleux?

La théorie attire plusieurs adeptes aux États-Unis. Dans un pays qui émerge difficilement de sa pire crise économique depuis 1929, on comprend que ces thèses farfelues puissent séduire.

Chez nous, on la connaît moins.

Les choses pourraient changer grâce à Jean-François Harrisson.

Depuis l'automne, ce comédien de 36 ans qui fait face à des accusations de possession et distribution de pornographie infantile exécute une curieuse parade devant la magistrature.

En novembre, devant la juge qui lui demandait de décliner son identité, Harrisson a répondu: "Je suis le représentant autorisé de Jean-François Harrisson. Je suis l'entité qui le représente." De que c'est?

Il aura fallu qu'un sergent-détective témoigne pour confirmer l'identité de l'ex-vedette de VRAK.TV.

Pour la journaliste judiciaire de Radio-Canada, Isabelle Richer, c'est à partir de ce jour qu'il est devenu clair que quelque chose "ne tournait pas rond" avec "l'entité" Harrisson.

On a d'abord pensé qu'il était dépressif. La poursuite a même songé un moment à lui faire subir une évaluation psychiatrique.

Or, Harrisson ne serait pas fou. Il aurait plutôt l'intention de fourrer le système judiciaire en appliquant de douteux principes liés au mouvement Redemption.

C'est du moins ce que m'a confié son ami, le comédien Clermont Jolicour.

Je précise au passage que Jolicour s'est fait escorter à l'extérieur de la salle où comparaissait Harrisson, le 28 janvier dernier. C'est qu'à la fin de l'audience, il s'est levé en brandissant une liasse de billets (1000 $) qu'il voulait donner à son ami pour qu'il puisse assurer sa défense.

J'en conviens, il aurait pu garder sa crédibilité intacte, ce jour-là, en évitant ce ridicule coup d'éclat. Mais tâchons d'oublier cette bizarrerie.

Clermont Jolicour prétend que Jean-François Harrisson s'est fait enfirouaper par un curieux personnage qui lui aurait mis de curieuses idées dans la tête.

Ce personnage, Isabelle Richer l'a déjà repéré au Palais de justice. "Je le connais de vue, a-t-elle dit au téléphone. On le voit parfois assister à certaines causes."

Toujours est-il que Clermont Jolicour aurait eu une conversation avec cet individu, quelques minutes après son coup d'éclat.

Celui-ci lui aurait conseillé de ne pas s'ingérer dans la cause de son ami. "L'affaire est déjà réglée hors cour par une opération impliquant des centaines de milliers de dollars, aurait-il dit à Clermont Jolicour. Jean-François utilise son statut d'entité commerciale et utilise des droits internationaux qui supplantent les lois courantes."

Prenons tout ceci avec des pincettes, mais ce que Clermont Jolicour affirme s'être fait dire par ce type ressemble étrangement aux thèses que défend le mouvement Redemption. Jean-François Harrisson aurait puisé dans son compte en banque secret en vue de régler sa cause hors cour.

Rue Frontenac rapporte d'ailleurs que le comédien aurait fait parvenir au gouvernement des documents et une somme "dans les millions de dollars sous forme de bons du Trésor".

Jusqu'ici, cette "entente" ne lui aura cependant pas permis d'éviter la prison. Jean-François Harrisson restera détenu jusqu'à la fin de son procès.

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Évidemment, Harrisson risque d'aggraver son cas s'il ne se réveille pas bientôt.

Plusieurs personnes qui ont suivi les théories fumeuses du mouvement Redemption (et autres groupuscules apparentés) ont été accusées, aux États-Unis comme au Canada.

On serait tenté de voir, dans l'étrange histoire de Jean-François Harrisson, celle d'un homme naïf, crédule. J'y vois surtout celle d'un homme désespéré.

Les religions, comme les grandes théories du complot, apportent des réponses là où règnent l'incompréhension, la confusion, le doute. Ce sont des bouées.

En regardant aller Jean-François Harrisson, je vois un gars dépassé par ce qu'il vit depuis deux ans. Dans la merde jusqu'au cou, il a vraisemblablement trouvé sa bouée…

Pas sûr que ce soit la meilleure, par contre.