Bords de scène

Qui sera le successeur de Marie-Hélène Falcon au FTA?

La nouvelle est tombée au début de la semaine dernière: Marie-Hélène Falcon a choisi de quitter la barre du Festival TransAmériques pour laisser la place à la relève. Un geste magnifique de transmission, que d’autres directeurs artistiques de cette ville n’ont pas l’élégance de poser. Pour faire honneur à cette élégance, il convenait de ne pas spéculer sur sa succession dès les premiers jours suivant l’annonce: le temps était plutôt aux bilans et aux éloges au sujet de son parcours sans failles. Ce qui fut fait, un peu partout, avec l’insistance méritée.

La tentation est maintenant trop grande de réfléchir à l’avenir de ce festival, lequel est absolument fondamental dans l’écologie du milieu théâtral et du monde de la danse au Québec. Le FTA est notre porte d’entrée sur le monde et c’est l’événement par excellence pour ouvrir le public à des démarches artistiques risquées, intelligentes, en phase avec les bouleversements du monde et avec les avancées des pratiques scéniques sur la planète. Choisir un successeur à Marie-Hélène Falcon ne sera pas une mince tâche.

Je ne résiste pas à l’envie de faire quelques suggestions.

 

1. Martin Faucher

C’est l’évidence. Martin Faucher est le candidat idéal. Depuis plusieurs années, il seconde Marie-Hélène Falcon à la direction artistique du FTA et l’accompagne dans ses séjours à l’étranger pour repérer les spectacles les plus inspirants. Il connaît la scène internationale, il entretient des rapports privilégiés avec certains artistes outre-mer, il se nourrit de théâtre contemporain de formes diverses et il connaît les contraintes du festival, son équipe, sa marge de manoeuvre, son public. Il serait un programmateur habile mais il est d’abord un artiste qui connaît tous les rouages et tous les acteurs de la scène théâtrale québécoise, ainsi que son histoire. Qui plus est, il est un observateur lucide de la société québécoise, ce dont témoigne parfois son travail de metteur en scène et plus souvent ses prises de parole publiques. Pour faire dialoguer des oeuvres étrangères avec des oeuvres d’ici, des artistes d’ailleurs et des artistes de chez nous, des enjeux internationaux et des enjeux locaux, il n’y a pas meilleur candidat. Sans doute que la tâche de directeur du FTA le forcerait à faire moins de mise en scène, ce qui risque d’être déchirant pour lui. Mais le jeu en vaut la chandelle.

 

2. Brigitte Haentjens

Parce qu’elle est l’une de nos créatrices émérites et parce qu’elle fréquente assidûment la scène internationale (je la croise depuis plusieurs années dans les festivals étrangers), Brigitte Haentjens est une candidate de choix. Connaissant la mécanique d’un festival international pour avoir co-dirigé le Carrefour interntational de théâtre de Québec, elle saurait allier exigence artistique et respect de contraintes budgétaires. C’est aussi une femme engagée, qui croit profondément au pouvoir politique de l’art et qui porte un regard inquiet mais informé sur le Québec contemporain. Il serait triste de ne plus pouvoir apprécier son travail de metteure en scène, mais certains aménagements d’horaire sont sans doute possibles. Femme de mots, elle aurait peut-être tendance à rapprocher le festival de certaines formes plus littéraires, mais elle est tout de même ouverte aux langages chorégraphiques. Ce qui est essentiel pour diriger un festival interdisciplinaire.

 

3. Frédéric Dubois

Il a le goût du risque, de la création libre; il connaît aussi un peu la scène européenne et il sait allier, dans son oeuvre comme dans sa réflexion sur le monde, la poésie, le sens de l’image et la réflexion sociopolitique. Depuis ses débuts, il cherche des manières d’encourager la création en dehors des cadres et à favoriser de nouvelles structures de production. Qui sait, le FTA, en tant que coproducteur de certaines oeuvres, pourrait lui permettre de faire des essais en ce sens. Serait-il prêt à quitter Québec? Là est la question.

 

4. Wajdi Mouawad

Son oeuvre ne plaît pas à tous, mais elle est incontestablement brillante et elle a eu une influence majeure sur le théâtre québécois ces dernières années. Parfois rongé par l’amerture, Mouawad a annoncé qu’il allait cesser de faire du théâtre après son projet Sophocle, mais le souvenir que je garde de son directorat artistique au Théâtre français du CNA me pousse à le considérer parmi les candidats potentiels. Il y a montré sa vision du théâtre: sans compromis, ouvert sur le monde et sur les langues étrangères, ancré dans une posture très critique, allergique aux diktats de l’industrie culturelle et abonné à la liberté de penser. Exactement ce dont le FTA est composé. Qui plus est, Mouawad connaît bien la scène européenne, où il se produit depuis des années et où il connaît tout le monde. Il lui faudrait sans doute un bras droit pour le volet danse de la programmation.

 

5. Katya Montaignac

Voici une proposition plus audacieuse. Moins connue du grand public, Katya Montaignac est une artiste de danse contemporaine qui évolue au sein du collectif La 2e porte à gauche et dans l’équipe de direction artistique du OFFTA. Elle croit profondément aux vertus de l’art lorsqu’il est mieux intégré au tissu urbain. C’est également une pédagogue hors pair, une érudite de la danse (qui a notamment écrit dans Jeu, revue de théâtre), ce qui ne l’empêche pas de garder un oeil avisé sur le théâtre. Le milieu de la danse se plaint à l’occasion de la programmation du FTA et regrette l’époque du FIND (Festival international de la nouvelle danse). Montaignac saurait freiner cette colère sourde et réconcilier les camps du théâtre et de la danse. Ses voyages fréquents à l’étranger font d’elle une grande connaisseuse de la scène internationale.

Et vous, qui aimeriez-vous voir à la tête du FTA ?