Bords de scène

À quoi va ressembler la culture sous le règne libéral?

Les Libéraux vont-ils tout sabrer dans la culture? On peut le craindre si on considère strictement l’idéologie qui anime ce parti. Mais dans l’épreuve du réel, on constate aisément que ces craintes sont déraisonnables.

Certes, la culture a été le dernier des soucis des Libéraux en campagne électorale et son programme tapissé mur à mur de promesses de création d’emplois et de hausses des frais de scolarité n’implique évidemment pas de hausse des budgets du Conseil des arts et des lettres du Québec. Mais à quoi pouvons-nous vraiment nous attendre de la part des Libéraux?

Le sous-financement chronique de la culture n’est pas prêt de se résorber. Mais j’ai envie de dire qu’il est heureux que la CAQ n’ait pas davantage performé lors de cette élection. Avec le Parti libéral, on est au moins assurés d’un certain statu quo – du moins si on se fie au règne libéral de 2003 à 2012, où les enveloppes culturelles ont été légèrement augmentées une fois mais généralement intouchées.

Autrement dit, les Libéraux ne se soucient pas assez de culture pour augmenter les subsides mais ils ne considèrent pas non plus nécessaire de mettre de l’énergie dans des coupures qui seraient mal accueillies par le gratin médiatique et culturel et qui ne rapporteraient pas grand-chose à l’État. En campagne électorale, Philippe Couillard a précisé qu’en culture, il y aurait un gel des fonds actuels. Ce sera donc le statu quo. C’est une mauvaise nouvelle, mais on peut quand même se consoler de voir que le PLQ ne profite pas de la montée actuelle de la droite et de la popularité des médias populistes pour sabrer dans les budgets des organismes subventionnaires de la culture. La base électorale du parti lui serait assurée même si Couillard décidait d’envoyer paître les artistes en leur coupant tous les vivres. Il ne le fera pas. C’est déjà ça de pris.

Je ne veux pas avoir l’air de me réjouir de cet immobilisme en matière culturelle. Mais dans notre système électoral qui favorise les vieux partis, aucun autre scénario n’aurait changé la donne. Le Parti Québécois n’est plus le parti soucieux de financement culturel qu’il a jadis été, et sa promesse de hausser le budget du CALQ est assujetti à la création d’un nouveau programme de financement d’une stratégie numérique. Je suis partisan de cette stratégie numérique mais elle n’assure en rien un meilleur soutien des activités régulières des organismes subventionnaires, pourtant absolument nécessaires. Le gouvernement Marois n’a pas su tenir la promesse faite en 2012 d’augmenter de 13 millions le budget du Conseil des arts et des lettres. Il n’y serait pas arrivé davantage au cours d’un mandat futur.

Et la CAQ, n’en parlons pas! La seule déclaration culturelle de François Legault en campagne électorale est cette désormais célèbre promesse de saboter le projet Diamant de Robert Lepage à Québec. Bravo chef.

Il y a pourtant d’autres inquiétudes. Un parti libéral majoritaire à Québec et un Parti conservateur tout aussi majoritaire à Ottawa, ce n’est jamais bon signe pour la culture. Mais encore là, il faut se rappeler que la ministre Christine St-Pierre et sa collègue Monique Jérôme-Forget aux Finances avaient été bonnes joueuses en 2009 en fournissant une aide de 3 millions de dollars pour contrer d’imposantes coupures fédérales de soutien aux tournées internationales. C’était une simple réparation des dégâts du fédéral, pas une réelle volonté provinciale de soutenir davantage les tournées, mais c’était un geste franchement appréciable dans les circonstances.

D’ailleurs, Christine St-Pierre sera-t-elle de retour à son poste de Ministre de la Culture? Si c’est le cas, pouvons-nous mettre ça dans la colonne des bonnes nouvelles? Elle n’a jamais été une très éloquente représentante de notre culture, qu’elle fréquente de manière plutôt grégaire, sans la connaître de façon pointue. On est loin, il est vrai, d’une Aurélie Filipetti qui, en France, est issu du milieu littéraire et qui est une véritable assoiffée de culture, que l’on croisait dans les festivals et dans les salles de théâtre bien avant qu’elle accède aux fonctions de ministre. Christine St-Pierre ne représente aucunement l’archétype du Ministre de la culture véritablement cultivé auquel on se plaît à rêver. Mais, il faut le reconnaître, elle a la plupart du temps livré la marchandise, à sa très modeste façon. Elle a été plus visible et plus active que Maka Kotto, dont l’immobilisme est désespérant et dont les discours sont toujours de plus en plus ambigus (on l’a notamment constaté dans le dossier du prix unique du livre).

Je n’oublie toutefois pas l’impardonnable bourde de Christine St-Pierre pendant le printemps érable, alors qu’elle a presque traité le conteur Fred Pellerin de terroriste parce qu’il portait le carré rouge. Dans ce moment de crise, on a peut-être découvert le vrai visage de la Ministre. Il faudra la surveiller de près, mais, si elle est nommée à nouveau à ce poste, elle sera ni meilleure ni pire qu’un ministre péquiste. C’est un mal pour un bien.

Pour que les choses changent en culture, il faudra assurément que le milieu soit combatif. Il a l’habitude de l’être. Mais je pense sincèrement que les libéraux ne lui feront pas l’affront de mettre en péril les structures culturelles déjà existantes. On sauve les meubles. Mais ce n’est pas lors des 4 prochaines années qu’on pourra rénover la maison.

Et au sujet du TNM…

Lorraine Pintal, directrice artistique du Théâtre du Nouveau Monde, n’a pas été élue hier soir dans Verdun. Dans le milieu théâtral, ceux qui prônent un renouveau à la direction du TNM, qui n’a pas changé depuis 22 ans, seront amèrement déçus. Pintal sera probablement de retour en poste jusqu’en 2017, année  du 375e anniversaire de Montréal et moment auquel elle souhaite avoir complété le projet de rénovation du théâtre. L’année 2017 coïncidera également avec le 25e anniversaire de sa direction artistique. C’est énorme, et ceux qui comme moi sont partisans d’une remise en question des mandats de direction artistique au bout de 5 ans ne se réjouiront pas du retour de Lorraine Pintal au TNM après un très court congé sans solde pendant la campagne électorale. À ce sujet, la meilleure blague sur les réseaux sociaux a été lancée par l’auteur et comédien Fabien Cloutier: «Merde, j’ai monté mon dossier de candidature pour le TNM pour rien.» En effet, meilleure chance la prochaine fois.