La troisième mort du disque vinyle
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La troisième mort du disque vinyle

Le logiciel Final Scratch de Stanton est le sujet de l’heure dans le monde interlope des disc-jockeys. C’est que, avec celui-ci, l’activité de mixer des pièces de musique électronique se transforme en une aventure sonore accomplie: l’intégralité du catalogue musical est accessible au bout des doigts de celui qui se donne la peine de dénicher et convertir en fichiers MP3 les sons et chansons nécessaires.

Le système est simple. À partir d’un ordinateur portable PC où sont stockées vos pièces de musique, vous manipulez, comme d’habitude, toujours les deux mêmes disques vinylites d’allure normale, mais qui sont en fait des disques-repères faits de sillons-guides, et ce, toujours à partir de deux tables tournantes et d’un mixeur conventionnel. Ensuite, le PC et son relais (le pod) commandent chacun des transformations que vous apportez aux disques (back-spin, scratch et ajustements de tempo et de fréquences…), altérant ainsi vos fichiers MP3 à votre guise et donnant l’illusion sonore d’une prestation traditionnelle de disques microsillons.

Simple gadget de l’heure ou nouveau rapport entre l’homme et la musique? Nous avons demandé à des disc-jockeys professionnels ce qu’ils pensaient de l’arrivée du logiciel Final Scratch de Stanton.

Le platiniste canadien John Acquaviva, de l’alignement de Pumpkinz la semaine dernière à Val-Bélair, explique pourquoi Final Scratch peut devenir si intéressant pour un professionnel: "J’utilise le Final Scratch depuis sa création, à laquelle j’ai participé avec les ingénieurs de Stanton il y a deux ans… Pour moi, le résultat est le suivant: mon sac de disques est disponible à l’écran de mon portable qui me sert aussi à remixer ces disques que je convertis en fichiers MP3. Il m’arrive même d’échanger des fichiers avec d’autres D.J. Avant, pour mes voyages mensuels en Europe, je traînais d’énormes valises qu’il m’arrivait parfois d’égarer entre deux aéroports. Maintenant, je voyage léger et durant les vols transatlantiques qui durent des heures, je travaille mes trucs avec des mini-écouteurs…"

L’Allemand Chris Liebing, lui aussi de la fête de samedi, explique comment il utilise le logiciel: "Final Scratch est le complément idéal à une bonne performance, il est facile à manier et il est fiable. J’utilise toujours trois tables tournantes, l’une pour les disques normaux et les deux autres pour les disques-guides Final Scratch. J’emmagasine ainsi des centaines de fichiers MP3 inaltérables, car soyons francs, la vie d’un disque vinyle est limitée, surtout s’il passe sa vie à faire le tour des raves et discothèques du monde entier… Mes disques sont ainsi en sécurité à la maison, alors que mon portable me suit partout. Ma seule crainte: perdre mon ordinateur. Mais peu importe, car j’envoie maintenant mes dernières créations à mes potes D.J. à la seconde où elles sont prêtes en me disant qu’elles joueront peut-être le soir même aux quatre coins du globe…"

Amon Tobin est actuellement en tournée nord-américaine avec Final Scratch. Lors de son récent passage à Québec, il confiait: "Le bon côté des choses avec ce logiciel, c’est qu’il me permet de trimballer virtuellement une quantité incroyable de disques que je n’aurais pas le réflexe de mettre dans mon sac pour une tournée de spectacles: des trucs bizarres, des versions limitées (white-label pour les initiés) et des remix et compositions jamais endisqués. Avec un tel accès à une banque de sons que je collectionne minutieusement, j’épice mes sélections avec des fichiers de bruits étranges et de chants a capella… Vraiment une nouvelle façon de faire un spectacle." Fait à noter, le Brésilien d’origine tient à préciser qu’il a payé pour se procurer le système.

Quant à Sasha, il demeure prudent à propos du logiciel, voyant en celui-ci une rupture avec son art dans sa mouture originelle: "Sans m’être vraiment penché sur toutes les possibilités qu’offre Final Scratch, je crois qu’on peut affirmer qu’une certaine prédisposition à calibrer les disques les uns par rapport aux autres n’est plus impérative pour juger de la qualité d’un D.J., surtout avec le spectre sonore de chacune des tables." Pas question d’une utilisation à moyen terme, donc, pour le D.J. le plus populaire de tous les temps. Fichier à suivre.