Montréalité
On l’a dit et redit: si la musique électronique mondiale n’a pas autant ébloui que par le passé en 2002, la scène montréalaise, elle, n’a fait qu’élargir et affermir sa présence et sa force artistique. Portrait d’une scène arrivée à maturité.
La première pierre d’un positionnement stratégique de Montréal sur la scène internationale a été posée à l’automne 1996 lorsque Philippa Klein et Jeff Waye (alias DJ Wig) ont pris en charge les bureaux nord-américains de l’étiquette britannique Ninja Tune. Cela marquait du même coup le premier contrat de l’étiquette avec un artiste d’ici, Kid Koala, qui devait sortir trois ans plus tard un premier album à l’impact planétaire. Pendant ce temps, la ville s’activait toujours avec les labels d’ici comme Dune en drum’n’bass (vinyles), Bombay en deep-house (vinyles et CD), Interchill en ambiant (CD), Turbo en techno (vinyles et CD) et Haute Couture en house (vinyles et CD).
Mais la vraie poussée artistique s’est produite en 1999-2000 avec coup sur coup l’arrivée de Mutek, d’Epsilonlab, du bar Laïka, de la S.A.T et du Bily Kun, en parallèle avec la prolifération d’artistes locaux comme Mitchell Akiyama, DJ Maüs et autres Freeworm. Il ne faut pas non plus oublier l’apport des étiquettes qui pullulent depuis ce temps (Oral, Risqué, Intr_version, Alien 8, renouveau électro de Turbo, Trigger, Hautec, etc.) et le déménagement l’année dernière de Force Inc., énorme label allemand qui ouvrait lui aussi ses bureaux nord-américains en ville.
Mais la cause profonde de cette effervescence qui, on le sait, place maintenant Montréal sur l’échiquier de la musique électronique est encore inconnue. C’est qu’aucun mouvement ou genre ne représente toute cette prolifération. J’ai posé la question à l’Anglo-Brésilien Amon Tobin, la plus grosse pointure de Ninja Tune, qui a établi résidence dans le Mile-End cette année. "Je suis venu ici à plusieurs reprises et je m’y suis plu chaque fois, raconte-t-il en désignant l’ambiance des étés montréalais. Le magasinage de disques est également une autre raison. Où j’habitais, à Brighton, je pouvais avoir des bons disques mais ils sont, d’abord, beaucoup plus cher qu’ici et ensuite, tout le monde achète ses disques aux mêmes endroits…" Autre raison évoquée par Mike Shannon, un Torontois expatrié l’année dernière, est que "Montréal a un esprit de communauté très développé". Sans que cette collectivité ait exposé une amitié commune, il semble que chaque artiste affiche un respect mutuel pour ses comparses. C’est ce que confirme Mateo Murphy, lui-même impliqué sur tous les fronts de la scène montréalaise (Turbo, Aria, Epsilonlab et Ascend Recordings). Il attribue cette caractéristique à la nature européenne de notre ville: "C’est une raison culturelle, une influence qui ne se retrouve plus dans le reste de l’Amérique du Nord où la musique électronique n’a pas l’importance qu’elle détient ici. Dans le reste du continent, elle a maintenant une place très commerciale. Même si l’on n’a pas tous les mêmes goûts, les gens d’ici apprécient l’art d’une façon générale, ce qui donne à tous et à toutes une attitude de respect." En espérant que ça se poursuive en 2003…
à surveiller:
SAMEDI 28 DÉCEMBRE
– L’Aria ne chôme certainement pas et recevra encore cette fin de semaine un grand nom du techno: Stacey Pullen de Detroit. Les D.J. Donald Glaude de Seattle (qui était au Stéréo il y a deux semaines) et Sandy Rivera de New York l’accompagneront.
– Les célébrations annuelles du Kwanzaa auront lieu au Salon Daome dans le cadre des soirées Soulmeka. Cette fête est une jeune tradition afro-américaine célébrée depuis 30 ans.
– Olivier Bergeron passera derrière les platines du Mile-End.
MARDI 31 DÉCEMBRE
– L’Aria accueillera la plus intense des D.J. montréalais: Misstress Barbara et son techno au train d’enfer. La vedette de l’acid-jazz Guru se produira pendant ce temps dans la salle hip-hop en compagnie d’Afu-Ra.
– Elevation sera présenté pour une deuxième année dans le Cosmodôme de Laval. Les têtes d’affiche de la salle principale seront DSP, Android, Happy Face et Hidra (live), la gang de Tech Safari s’occupera de la salle psychédélique et Mindset, Speaker Freaker, Pat Davis, Korey K et Min de la salle drum’n’bass/électro. Information: 480-1866.
– C’est David Morales que le Stéréo a désigné pour mener les célébrations de l’arrivée du nouvel an.
– 1-Speed Bike, Knife and Chop et invités animent les festivités à la Casa del Popolo.
– La S.A.T. proposera sa version du jour de l’An avec Amour et Prospérité, l’événement présentant Christelle, Champion (live), Pfreud, Maüs et Leo Cruz, en plus des V.J. Cinetik et K-Project.
– Le bar Mile-End célébrera façon gitan avec des performances de flamenco, un snack et de l’alcool à volonté, en plus des D.J. Roméo Kardec, Mark Dillon et Olivier Bergeron (75 $ – 100 $). Réservations: 279-0200.
Top 3 – étienne Côté-Paluck
1. Akufen – My Way [Force Inc.]
"Akufen était sur toutes les lèvres en Europe cet été. Il a ainsi connu une visibilité sans précédent, surtout en Allemagne où son disque se retrouve sur le palmarès annuel de bien des magazines."
2. Tiga & Zyntherius – Sunglasses at Night EP [Gigolo]
"Paru il y a plus d’un an, la pièce a conquis les marchés pop britanniques, espagnols et français après avoir fracassé tous les palmarès allemands (où elle s’est tenue durant quelques semaines en première position). Vedette incontesté du mouvement électro au même titre que Miss Kitten et Felix Da Housecat."
3. Artistes variés – Mutek 2002 [Mutek]
"La visibilité de cette excellente compilation n’a pas été énorme, contrairement au festival lui-même maintenant considéré comme le futur Sonar, ce méga-festival électronique tenu chaque année à Barcelone."
Voici une petite sélection toute personnelle des productions montréalaises qui ont marqué l’année sur le plan international. On aurait dû y inclure aussi tous ces artistes locaux qui sont apparus sur des compilations étrangères comme Jetone, Tim Hecker, Deadbeat, Algorithm, Mike Shannon, Stereomovers, Amon Tobin, etc.