Du haut de la King

Cool, le marché

Avec sa veste en cuir et ses verres fumés surdimensionnés (qu’il troquera pour ses traditionnelles montures Buddy Holly), le Danny St-Pierre qui s’assoit devant moi au Marché de la Gare, dont le cinquième anniversaire approche, fait honneur à l’idée que l’on se fait d’un cuistot-rock star. À une vitesse rivalisant avec celle du Louis-José Houde des grandes années, le chef-propriétaire du restaurant Auguste parle haut et clair, rythmant ses phrases de nombreux coups de gueule et d’innombrables occurrences du mot «cool» (ce qui me le rend immédiatement sympathique). En gros, le mec en jette. Presque autant que son pudding chômeur (mais pas tout à fait).

Sauf que St-Pierre, contrairement à quelques-uns de ses rivaux tatoués, ne carbure pas qu’à la lumière des projecteurs. Jouer à la rock star pour jouer à la rock star, très peu pour lui. Le compagnon de voyage de Vincent Graton chante ainsi avec de plus en plus d’amplitude, dans les nombreux mégaphones qu’on lui tend, le credo de l’achat local, de la pédagogie culinaire et du «protectionnisme de quartier». Rock star, OK, mais en mettant le pied à l’étrier de l’engagement, c’est-à-dire, plus précisément, en parrainant un marché local. «Tu ne peux pas guérir le sort du monde si t’es pas capable de t’occuper de ton quartier pis des gens qui vivent autour de toi», tonne-t-il avant de caler cul sec son espresso à la gelateria Savoroso.

«Le marché, c’est un des derniers bastions de vie communautaire. Tu peux trouver des chums, manger un truc, prendre un café, faire tes courses. Il n’y a pas beaucoup de villes qui peuvent se vanter d’avoir cette infrastructure-là et ça fait partie de mes responsabilités de le dire», poursuit-il avant de me présenter Ghislain Paquet de la Fromagerie de la Gare, qui dépose devant nous deux morceaux de Louis d’or, bijou de fromage du Presbytère de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. «Tu vois, tu parles toujours avec un expert ici», s’empresse de souligner St-Pierre, dont le resto s’approvisionne à chacun des comptoirs du Marché. «Il va faire monter ton acuité et tes connaissances d’un échelon à chaque visite.»

La grande bouffe se poursuit chez William J. Walter avec Sébastien Meunier, qui nous tranche quelques morceaux de saucisson au citron de Scotstown (j’essuie une légère déception en apprenant que le citron n’a pas poussé à Scotstown). À défaut de nous mettre un truc sous la dent, Patrick Cloutier de la Boucherie du terroir raconte avoir vu ses ventes de macreuse bondir depuis qu’Auguste a inscrit à son menu cette pièce de viande de bœuf snobée.

«Le Marché, ce n’est pas plus cher qu’ailleurs, et tu coupes tous les intermédiaires. Tu te retrouves à acheter ta laitue du gars qui l’a cultivée, matraque St-Pierre. L’argent s’en va directement dans ses poches, donc il vit mieux et comme il vit autour de toi, il redépense autour de toi. Pis ça, c’est cool.» Oui, très cool.

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Du 22 au 24 juin, le Marché de la Gare de Sherbrooke tient un événement urbain à saveur rurale pour son cinquième anniversaire. Au programme: dégustation de produits locaux, mini-ferme et exposition de machinerie agricole. Danny St-Pierre animera le 24 juin à 11h un food camp mettant en vedette différents artisans de la région.