Au chapitre des amours inavouables, entretenir une passion non ironique pour Offenbach équivaut dans le milieu du journalisme culturel à manger à la Belle Province matin-midi-soir dans celui de la gastronomie (ma petite théorie: le dédain que suscite le groupe rock chez mes amis journalistes a plus à voir avec les abominables rejetons qu’il a engendrés, comme La Chicane, qu’avec son propre catalogue).
Pourtant, mon amour pour Offenbach a toujours eu le dessus sur mon impérieux désir d’avoir l’air cool auprès de mes collègues et sur celui, encore plus vorace, de frayer avec des filles cool. En juillet 2005, lors de la Fête du lac des Nations, je préférais donc assister au concert d’Offenbach avec Martin Deschamps et le Vic Vogel Big Band plutôt que d’obéir à l’ultimatum qu’une ravissante punkette m’avait posé (elle me sommait de me pointer au spectacle que son groupe donnait dans un défunt bar brun de la Wellington, et plus si affinités). Une décision que Gerry Boulet, intime du genre féminin, aurait vertement désapprouvée et que je ne regrette pas pour une cenne. Chaque sourire de Johnny Gravel, guitar hero légendairement impassible et dépositaire de l’âme d’Offenbach, venait bénir mon choix et compensait largement toutes les voluptés punks auxquelles j’avais renoncé.
Le jeudi 5 juillet prochain, Offenbach remontera sur une scène sherbrookoise, celle extérieure du festival Sherblues & Folk, pour la première fois depuis son concert à la Fête du lac, concert que l’on croyait à l’époque ultime. Enfin, Offenbach, il faut le dire vite. Sans Breen Leboeuf, gardien de l’authenticité de toutes les réincarnations du groupe depuis la mort de Gerry, et sans Martin Deschamps, sosie vocal du rockeur adoubé par sa veuve (Françoise Faraldo), le batteur-chanteur Michel Landry, inconnu au bataillon, devra en faire des masses pour gagner le public à la cause de ce succédané que seuls Johnny Gravel et John McGale empêchent de chavirer dans la catégorie des groupes hommages.
Arrivé de l’Ontario avec Breen Leboeuf à la fin des années 70 afin de ressusciter le cadavre d’un Offenbach décimé par les guerres d’ego, John McGale, parce qu’il a été un des principaux architectes de la deuxième vie du groupe inaugurée par le mythique album Traversion, imposera pour toujours le respect, et ce, malgré le bon goût qui lui a parfois fait défaut. Pour le meilleur et pour le pire, le souriant multiinstrumentiste a supervisé la plupart des projets de «revitalisation du catalogue Offenbach», de cette solennelle tournée anniversaire avec le Vic Vogel Big Band jusqu’aux Jalouses du blues (2007), album exhalant les parfums délétères du mercantilisme crasse sur lequel des chanteuses profanent les classiques burinés par les rugissements de Gerry.
Pour le sourire de Johnny Gravel et pour saluer dignement John McGale, mon vieux chum Mathieu et moi foulerons la Well le 5 au soir. En espérant que ce énième retour échoie dans la catégorie des bons coups de McGale. En espérant fort avoir plus envie de reprendre en chœur Deux autres bières que Faut que j’me pousse.
1979, arrivée de Traversion, McGale et Leboeuf arrivent. Un album qui s’écoute d’un bout à l’autre. Je dois les avoir vu quatre fois cette année-là, notamment au Colisée avec un Joe Cocker qui ne s’est jamais pointé.
Déception, la mise en marché des albums d’Offenbach, épurés jusqu’à l’écoeurement avec ses nombreux ‘incontournables’, ses deux coffrets (Offenbach 1 à 6). Quand va-t-on sortir enfin Traversion? Je sais qu’il est sur le disque 5 des coffrets, mais un vrai Traversion avec sa pochette et une bonne remasterisation est de mise. Un album inoubliable!!!
Pour finir, moi aussi j’adore le jeu de Johnny Gravel, excellent guitariste avec des solos inspirés.
J’ai interrogé Breen Leboeuf l’an dernier au sujet d’éventuelles rééditions (dignes de ce nom) des grands albums d’Offenbach. Sa réponse se voulait plutôt évasive.
Ça se trouve ici, avant-dernière question: http://voir.ca/dominic-tardif/2011/01/21/breen-leboeuf-juste-un-gars-dans-le-band-le-5-a-7/