Le proche avenir (mettons après-demain) semble parfois si lointain et le lointain avenir (mettons le mois prochain), si proche. Ce que je veux dire, c’est que l’avenir, c’est relatif. Au moment où tu lis ces lignes, précieux lecteur, tu sais, toi, si la proverbiale toison de petit saint Jean-Baptiste du député de Sherbrooke a résisté aux vents contraires. Moi qui tape indolemment cette chronique alors que le soleil descend lentement sur une radieuse fête du Travail, n’en ai strictement aucune idée. Tu as un avantage temporel sur moi, précieux lecteur.
Mais ne pavoise pas si vite. J’ai moi aussi un avantage temporel sur toi – que dis-je, un privilège! – , celui de voir l’avenir coloniser quotidiennement ma boîte courriel sous la forme d’un torrent de communiqués de presse. Sors ton agenda, il y en a en tabarouette, du disque/livre/spectacle à ne pas manquer en Estrie cet automne.
Un peu plus d’un an après son triomphe lors de l’événement Sherbrooklyn, lackofsleep (en minuscules et d’un seul bloc) révèle le 23 octobre son premier album, wøøds (en minuscules aussi, avec des barres qui transpercent les o). Pas du genre à attendre la deuxième occasion pour embrasser tout le potentiel épique de ses refrains portant leur urgence à la boutonnière, Charles Lavoie et compagnie ont endimanché d’arrangements de cordes Mourning Dress et Polar Switch, deux habituels faits saillants de leurs concerts, tout en demeurant essentiellement fidèles à leur énergie de scène. Nourrissant une peur bleue de la banalité, le quintette ressusciterait pour son lancement sherbrookois un mythique bar-spectacle que pleurent encore plusieurs mélomanes. C’est du moins ce que veut la rumeur wellingtonienne. Le passé revient parfois hanter l’avenir.
Patrick Nicol signe le 31 octobre un court roman coiffé d’un titre au vitriol, Terre des cons (La Mèche). Un narrateur typiquement nicolesque ausculte, à l’aune de la crise étudiante, son propre embourgeoisement et l’érosion de ses convictions. L’écrivain se fend ici de son livre le plus caustique depuis Paul Martin est un homme mort.
Au chapitre des recrues littéraires de septembre, Jean-Philippe Martel raconte dans son premier roman, Comme des sentinelles (La Mèche), l’enfance sublimée d’un chargé de cours en littérature française qu’entraînera au fond d’un pittoresque baril le rustre drop-out Robert Thompson, fraternel anglo doublé d’un philosophe à la petite semaine. Encanaillement à l’horizon. Francisca Gagnon nous invite quant à elle à faire connaissance avec Les chercheurs d’aube (Lévesque éditeur), son premier recueil de nouvelles «qui flirte avec l’onirisme».
L’auteure et comédienne Sarah Berthiaume s’annonce comme la tête d’affiche de l’automne dramaturgique. En plus de confier son Disparitions au Théâtre du Double Signe (plus de détails dans notre texte rentrée arts de la scène), elle cosigne avec André Gélineau et Catherine Léger Ce qu’on enterre, présenté par les Turcs gobeurs d’opium du 16 novembre au 1er décembre au Théâtre Léonard-Saint-Laurent. La troupe grossit de deux personnages son surréaliste bataillon d’attendrissants marginaux dans cette histoire d’amour entre un sourd-muet presque aveugle (!) et une femme atteinte de la maladie de Lou Gehrig (re-!).