Du haut de la King

David Goudreault à l’hosto

David Goudreault est un bon gars. Un vrai bon yâble. Le cœur sur la main. Donnerait sa chemise, et ses pantalons, et toute sa penderie, pour sortir quelqu’un du dalot. La première fois que je l’ai rencontré, c’était dans son bureau de travailleur social au Cégep de Sherbrooke, pour jaser de son album À]pprofon[Dire. Bien calé dans un gros fauteuil, je me serais confié là comme je n’ai jamais osé le faire devant un psy. On a parlé de poésie à la place, de Patrice Desbiens, de Gérald Godin, de vieux rap français.

Je vous le dis: David Goudreault fait passer le bon docteur Julien pour un irrécupérable misanthrope. Plein d’autres artistes se seraient vexés de mes remarques un brin caustiques sur le slam, lui vient de m’envoyer, en primeur, son premier recueil de poésie, Premiers soins. «Un peu de vers libres pour te rincer les oreilles des allitérations», qu’il m’écrit. J’ai souri. Le communiqué de presse, lui, m’a moins amusé: «Le poète a mis à profit un séjour à l’hôpital pour rédiger son recueil», pouvait-on lire (enfin, je paraphrase).

L’hôpital, ce n’est drôle pour personne, personne ne mérite d’y aller, encore moins David Goudreault. C’est traversé par un bizarre de sursaut de foi en une justice immanente que j’ai relu le communiqué. Fuck, il y en a plein d’autres qui méritaient plus d’aboutir là que lui. Est-il correct maintenant, le David? demandez-vous. Je viens de lui envoyer un message sur Facebook, il m’assure que tout va bien, que l’hosto, c’est du passé. Tant mieux. Je n’ai pas osé exiger plus de détails.

De loin, ce passage à l’écrit pourrait donner l’impression d’une entreprise de légitimation du slam, d’une réponse aux nombreuses critiques du milieu littéraire qu’a essuyées le populaire mouvement, ce que n’est pas Premiers soins. Premiers soins est un recueil de poésie à part entière, indépendant du travail scénique de Goudreault, dans lequel je reconnais le gars avec qui j’avais longuement discuté de Patrice Desbiens. On distingue en fait à peine le slameur sous la strophe (j’ai le goût d’écrire que le livre ne compte que très peu d’allitérations, mais ce serait pousser ma luck).

Je reconnais aussi le gars qui m’avait avoué avoir du mal à assumer son «je», ce qu’il fait davantage ici, avec une certaine circonspection teintée d’humour, en décrivant la douleur comme un exercice d’humilité obligée qui sabote, voire confisque, jusqu’aux plaisirs les plus simples.

C’est néanmoins lorsqu’il scrute la douleur de ses colocs d’infortune, celle par exemple de ce douchebag qui rêve de «fiestas tenues par de vraies cochonnes / […] n’importe quoi pour oublier / les semaines sans visite / d’aucun de ses grands chums», que David nomme le plus justement cet impitoyable niveleur social qu’est la maladie.

Ma grand-mère dirait quelque chose comme: il y avait un deux pour un sur l’empathie quand il est passé à la caisse du ciel. Moi, j’écris: David Goudreault est un maudit bon gars, désormais équipé d’un livre (presque) à sa mesure.

Premiers soins, Éd. Écrits des Forges, 2012, 72 pages.

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David Goudreault lancera Premiers soins le 10 octobre de 17h à 19h chez ArtFocus. Il coanimera avec Kiev Renaud au même endroit dès 20h la deuxième édition des cabarets littéraires Lis ta rature.