Du haut de la King

J’pas un chasseur (mais j’aime ça prétendre que je le suis)

Samedi, il est environ 20h. L’orignal empaillé qui trône comme un bonze au milieu du Centre de foires me toise, je vous le dis, il me dévisage le tabarouette. «C’est quoi ton problème Moose», que je lui lance carré? Il me dévisage plus fort. «Envoye, crache le morceau, Moose.» «Qu’est-ce que tu fais ici Tardif?», qu’il finit par me demander. «T’es même pas chasseur. Tu veux rire de mes chums?»

Ben non Moose, si j’assiste à la 26e édition de la Soirée Coors Light Lachance Chasse & Pêche, c’est parce que j’aime être entouré de gens heureux. Et des gens heureux, il y en a en pas pour rire ici. Regarde, le Centre de foires de Sherbrooke est plein de chasseurs venus quérir leurs trophées, boire des petites canettes de bière (avec un chaser de clamato, s’il vous plaît), visionner des vidéos sur écran géant, gagner des prix de présence et écouter le Mercedes Band.

Mais les trophées de chasse, comment ça fonctionne au juste? Quelle autorité supervise la compétition? «Tu t’inscris chez Lachance Chasse & Pêche au début de la saison pis quand tu tues, t’apportes l’animal au magasin. Là-bas, ils le pèsent pis ils mesurent le panache», m’explique dans la file pour la cantine Réal, bedonnant sexagénaire un peu bourru coiffé d’une casquette du magazine Aventure Chasse & Pêche. Avec un panache de 22 pouces comptant 12 pointes, le vieux loup des bois a décroché une troisième place (Dans quelle catégorie? Je ne sais pas trop.). Bravo Réal.

Hot-dog en main, je sillonne ensuite la section des exposants, parmi lesquels comptent un organisateur de safaris en Afrique du Sud, un trafiquant d’urine, un représentant Remington, deux empailleurs et… Yvon Lambert, qui prend la pose avec les fans du CH. Les demoiselles Coors Light nous gratifient également de leur présence. Un regard furtif m’apprend qu’elles ne portent pas exactement des vêtements de camouflage.

De retour devant la scène, je suis vite hypnotisé par les vidéos de l’Homme Panache, une sorte de rock star dans le milieu. À l’écran, son jeune poulain, le talentueux Michael Bolduc, 20 ans, abat un our(s) (le s est muet) de 320 livres. «Un tel exploit demande de l’adresse, du sang-froid et beaucoup de patience», commente la voix off. J’ai la gueule par terre.

Après une distribution de prix de présence (des fusils, des DVD, des miradors, un VTT) par le patriarche Jean-Guy Lachance, c’est un Yvon Lambert rougeaud qui prend la scène. «Si Yvon Lambert est ici [notez comment Yvon Lambert parle de lui-même à la troisième personne, le signe distinctif des grands personnages], c’est pour vous présenter le Mercedes Band de son ami Réj Lachance.» Réj «Pars-moi une toune» Lachance est le petit frère de Jean-Guy Lachance ainsi que le leader du Mercedes Band, dont tous les jeunes cons qui, comme moi, ont déjà flashé leurs lumières se souviendront (merci JMP). Je fraternise sur le plancher de danse avec Mathieu de Lac-Mégantic, un sympathique type d’une vingtaine d’années aux oreilles percées. Il n’a tué qu’une femelle cette saison, mais «c’est pas grave, je chasse juste pour la viande», qu’il dit. Je lui propose après quelques solides morceaux de rock classique un toast avant de me diriger vers la sortie. Au loin, j’aperçois mon ami Moose qui goûte, les yeux fermés, chacune des notes du solo de Comfortably Numb.