Du haut de la King

Des boîtes de carton pour le printemps

Des boîtes de carton, des boîtes de carton, des boîtes de carton. Je n’avais jamais vu autant de boîtes de carton dans un même lieu de toute ma vie que lors de ma visite au Musée des beaux-arts de Sherbrooke mardi, où je me rendais afin de zieuter, en exclusivité Voir Estrie, le Salon du printemps des artistes des Cantons-de-l’Est, alors que certains de ses participants mettaient la touche finale à leurs installations in situ, accrochaient leurs toiles, disposaient leurs sculptures.

Déménagez-vous, coudonc, que je demande comme un véritable mononcle à Sarah Boucher, la conservatrice, en entrant dans la salle principale de l’édifice de la rue Dufferin. Sarah s’affaire, dépouillée de ses escarpins habituels (sa marque de commerce), à peinturer un socle sur lequel la sculptrice Julie Lavoie posera ses porcelaines. Saisi par le surréalisme de la scène – je n’avais jamais vu Sarah autrement que sur son 31 –, j’ajoute: penses-tu que Nathalie Bondil (conservatrice du Musée des beaux-arts de Montréal) donne un coup de pinceau sur le mobilier, elle? «Non, je ne pense pas» qu’elle me répond sur un ton qui laisse entendre qu’elle aime bien salir de temps à autre ses mains manucurées et sortir de ce bureau où quelque 200 dossiers de candidatures s’empilaient il y a quelques mois. Quinze d’entre eux seraient retenus en prévision de ce salon printanier, quinze artistes de la région pour qui il s’agit en majorité d’une première incursion dans l’enceinte sanctifiée d’un musée.

Mais, je m’égare: qu’est-ce que vous allez faire avec toutes ces boîtes de carton, bondance? «Guillaume Clermont va te répondre», me lance Sarah en pointant le grand gars s’activant, juché au sommet d’un escabeau les bras vers le ciel, à suspendre des boîtes de carton (!) au plafond. «C’est une installation in situ», m’explique-t-il une fois redescendu, «je travaille beaucoup sur la notion d’accumulation». Où les as-tu dénichées toutes ces boîtes? «J’en ai ramassé à gauche, à droite. Ma mère en a aussi ramassé beaucoup à la pharmacie. Il y en a à peu près 600». Je répète: 600 boîtes de carton.

Je laisse Guillaume à son travail d’aménagement et monte au deuxième étage où est entre autres projetée une vidéo, à la fois pénible et émouvante, mettant en vedette deux vieillards qui dansent, signée Marie-Pier Breton (c’est vraiment plus réussi que le plus récent vidéoclip de Justin Timberlake exploitant en partie le même motif). Chouette choix audacieux de la conservatrice: les photos croquées avec son iPhone d’Erik Beck sont accrochées aux murs.

Le petit gars qui aimait jadis, dans la cour arrière, réduire en cendres des objets que je suis s’incline devant les images d’une fulgurante (j’ai envie d’écrire existentielle) incandescence de Patrick Beaulieu, qu’il génère, m’explique-t-on, en jetant de la braise sur des numériseurs. Que ces pauvres numériseurs sacrifiés sur l’autel de l’art actuel (les appareils ont tout juste le temps de relayer une image à l’ordinateur avant de carboniser sous la chaleur intense) reposent en paix, que je me dis avant de prononcer un Notre Père et de regagner l’extérieur où ce n’est toujours pas le printemps, tabarouette.

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Le Salon du printemps des artistes des Cantons-de-l’Est tient l’affiche jusqu’au 26 mai.