J’observe depuis (au moins) dix minutes une femme d’un âge respectable, sosie de Louison Danis en bustier mauve, fouetter les fesses d’une fille d’une vingtaine d’années penchée en levrette sur une sorte d’établi/cheval d’arçons qui semble avoir été conçu spécialement pour pratiquer cette activité. Bienvenue dans la section donjon du Sexapalooza, le salon itinérant du sexe qui venait chatouiller pour la première fois ce week-end les zones érogènes de Sherbrooke. À quoi ressemble un donjon, demandez-vous, bande de vicieux? À une salle d’escalade: beaucoup de harnais, beaucoup de cordages, beaucoup de mousquetons. Cela dit, je n’ai jamais croisé de couple tout de latex vêtu dans une salle d’escalade.
Il n’y en avait pas que pour les amateurs de sado-maso, ô que non, pendant ce Sexapalooza grâce auquel le Centre de foires, baigné pour l’occasion d’une lumière tamisée digne d’un lounge branché, grouillait de jeunes et de vieux, de gros et de petits, de beaux et de laids, de gens en chaise roulante et de gens… pas en chaise roulante. Alors que je déambule en fixant mes pieds à travers les stands de différents exposants – dont un chocolatier spécialisé dans la confection de friandises en forme de pénis –, Jessika Wilson, copropriétaire de la boutique Kitsch, m’apostrophe sur le ton de celle qui vient de prendre quelqu’un la main dans le sac. «Allô, Dominic!» Shit! Je comprends vite que la sympathique entrepreneuse prête ses talents de communicatrice à l’équipe d’Eros Québec, boutique de produits érotiques en ligne d’origine sherbrookoise qui tenait pendant le salon un kiosque assailli par des hordes de curieux brûlant d’envie de tout savoir sur le We Vibe, révolutionnaire vibrateur pour couples. Sans que je m’en rende compte, je me retrouve avec l’objet en forme de pince, très design, entre les mains. Ça vibre en pas pour rire, pas moins que la poignée d’une perceuse en marche. «Ce bout-ci stimule le clitoris, l’autre bout, le point G, mais ce qui distingue ce vibrateur des vibrateurs traditionnels, c’est que l’homme peut pénétrer la femme pendant qu’elle l’utilise.» Et c’est efficace? demande le chroniqueur entre deux quintes de rires nerveux. Jessika roule des yeux bouleversés (vous savez, comme une fille qu’on touche au bon endroit) puis ajoute, laconique mais catégorique: «Avec le We Vibe, 5, 6 minutes max, et ça y est.» Une dame qui épiait notre conversation tire la manche de Jessika; elle n’aura pas besoin d’en entendre davantage et dégaine déjà sa carte de crédit.
Sur la scène principale, la charmante Pénélopé, juchée sur des talons vertigineux, «lip-synce» un tube de Kelly Rowland et David Guetta. Je lève mon verre de bière aux enchanteresses jambes de cette drag-queen avant de me rendre assister à une formation en danse érotique pour hommes, dispensée par un membre des Canadian Hot Bods, une très sensuelle armoire à glace. «Vous devez y aller tranquillement, être doux et y mettre de votre personnalité», prescrit-il à ses étudiants, quatre jeunes hommes pétrifiés par la gêne qui s’exécuteront devant leurs copines respectives, toutes prises d’un fou rire incontrôlable, un malaise qui n’afflige pas la chanceuse cobaye de notre pote le Hot Bod, nettement plus absorbée par le spectacle qui s’offre à elle que ses pauvres amies «matchées».
«Est-ce qu’on va directement chez ma mère pour le souper?», entends-je un gars demander à sa blonde en quittant le Centre de foires. «On pourrait peut-être faire un crochet par la maison avant», lui répond-elle en secouant sous ses yeux le sac contenant leurs achats de l’après-midi.