Du haut de la King

La mafia du Petit 3e

Nous avons samedi après-midi roulé 400 milles (approximativement) sous un ciel fâché. Aux limites du village de Saint-Adrien, mon cœur n’a pas flanché, même s’il restait encore un autre 400 milles (approximativement) à franchir (dans la garnotte) jusqu’au Petit 3e Rang. Une traversée dans le bois qui valait amplement la récompense: au bout de la route, le vieil ami Pilou (totale transparence: nous avons jadis fréquenté la même école secondaire à Asbestos) nous attendait, mon chauffeur et moi, des petites froides dans les mains, tout sourire sous le crachin devant un des trois bâtiments (une maison, un studio, un atelier) trônant sur son nouveau domaine. Les rappeurs du groupe Dead Obies, qui avaient fait le voyage dans la nuit pour enregistrer là-bas au cours du week-end le futur tube rap-punk Tony Hawk, peinaient toujours à essuyer de leurs visages poupins la bouche bée qu’inspire ce royaume enclavé dans la forêt. «On va pouvoir travailler pour vrai, le cellulaire ne rentre pas et je refuse de donner le code du wi-fi aux gars», rigole le nouveau propriétaire qui, le jour d’avant, m’avait écrit sur Facebook: «Si tu veux me parler, tu es mieux de venir me voir à Saint-Adrien. Sinon, je vais être obligé de monter sur le toit de mon studio pour te parler au téléphone.»

«J’étais tanné de la vie à Montréal. Ici, on peut créer tranquille», m’explique plus tard Pilou alors que son chien Mouki et la chienne du voisin Fred Therrien, Chloé, se font bruyamment la cour en zigzaguant entre nos jambes. Depuis plus de dix ans, le multi-instrumentiste surtalentueux – du genre devant qui il faut constamment réprimer un cri de jalousie – menait dans la métropole la vie d’un musicien en demande. Après avoir accompagné Ariane Moffatt, succédé à Betty Bonifassi au sein du groupe de Champion et décroché chaque semaine la mâchoire de Normand Brathwaite en tant que chanteur en résidence à Belle et bum, l’Asbestrien d’origine avait besoin de s’esquiver et de fuir les incessantes sollicitations de la ville (sans totalement renier Montréal, où il garde un pied-à-terre). Ici, dans son studio, Pilou reçoit depuis la fin de l’été dernier ses amis musiciens qui souhaitent, comme lui, se soustraire au boucan des textos qui font sans cesse retentir le téléphone.

Sa nature de gentil organisateur hyperactif n’allait cependant pas laisser Pilou tranquille bien longtemps. Malgré le revêtement qui tarde toujours à être fixé à la façade de sa demeure ainsi qu’à celle de l’atelier de sa blonde, la charmante comédienne Geneviève Boivin-Roussy, le néorural se mêle depuis quelques mois des activités de Saint-Adrien avec la complicité de Fred Therrien, le voisin-musicien qui vient tout juste, pour sa part, d’ouvrir les portes de La Meunerie, une salle de spectacle sise au village. «On veut que ça bouge!», s’enthousiasme Pierre-Philippe.

Il y a quelques mois, les deux barons de ce qu’ils surnomment la mafia du Petit 3e promettaient au Comité des loisirs de Saint-Adrien, qui organise le Festival du bûcheron d’antan, de mettre la main sur les sous nécessaires pour insuffler lustre et prestige à l’événement. Armé de ce sourire auquel on ne peut rien refuser, Côté allait rendre visite avec Therrien à tous les gens influents du coin et leur arracher de plus costaudes commandites qu’à l’habitude, grâce auxquelles le festival a pu cette année, pour sa cinquième édition, se permettre d’inviter Gros Mené et Canailles. Le camping est gratuit pour tous ceux qui n’auront pas la chance d’être reçus dans les terres du nouveau Parrain Pilou.

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Le Festival du bûcheron d’antan est présenté au parc Serge-Picard de Saint-Adrien les 24 et 25 mai.