«Fouin-fouin-fouin-fouin-fouin-fouin-fouin, fouin-fouin». Je suis assis dans un auditorium de la Faculté des sciences de l’Université de Sherbrooke, devant l’Harmonie des frontaliers actifs de Huntingdon, un des 260 ensembles de partout en province et des Maritimes qui participaient ce week-end au Festival des harmonies et orchestres symphoniques du Québec. Et la belle bande d’ados sonne exactement comme le souvenir que j’avais d’une harmonie scolaire: fouin-fouin, couac-couac, ça brinquebale, ça menace de s’effondrer, puis ça reprend le droit chemin. La belle bande a aussi l’exacte allure qu’avait dans ma tête une harmonie scolaire: regardez ce cabotin de trompettiste qui tente vainement de faire rire une camarade de l’autre sexe, regardez ce percussionniste dégingandé qui joue du tambourin avec toute la grâce d’un jeune homme en proie à une poussée de croissance, regardez ces studieuses flûtistes qui ne décollent pas les yeux de la chef. Une harmonie scolaire, quoi, comme celle dans laquelle vous ou vos enfants avez déjà joué, comme celle dans laquelle j’ai déjà été ce grand percussionniste dégingandé.
Une harmonie scolaire tout ce qu’il y a de plus normale, à la différence près que sa chef a préféré au répertoire un peu assommant fait de marches militaires et d’arrangements de pièces de John Williams (compositeur des musiques d’Indiana Jones, Jurassic Park et Harry Potter), avec lequel les harmonies s’essoufflent traditionnellement, des relectures de Party Rock Anthem de LMFAO («Everyday I’m shufflin’!») et de Don’t Stop Believin’ de Journey qui m’arracheront un de ces sonores «yeah!» que je réserve habituellement aux concerts punk. Chantale, la mère d’une des clarinettistes, détourne un instant le regard de la caméra qu’elle fixe sur sa progéniture pour me gratifier d’un sourire approbateur.
«Ils se sont beaucoup améliorés depuis l’an dernier, c’est impressionnant. Pour des jeunes qui pratiquent juste une fois semaine après les cours, je les trouve pas mal bons. Et puis l’important, c’est qu’ils ont du fun», se réjouit-elle au terme de la performance, pendant que le saxophoniste et professeur au Cégep de Sherbrooke Richard Savoie improvise une classe de maître express (une manière d’aider les harmonies inscrites dans la catégorie hors concours à s’améliorer), exhortant la batteuse à marteler moins fort ses tambours (une prévisible récrimination de saxophoniste). «Vous pourriez leur faire jouer du jazz plutôt que deux morceaux pop-rock», glissera à l’audacieuse chef celui qui, je mettrais ma main au feu, n’est pas un auditeur assidu de la Hit Liste NRJ.
Malgré nos vues divergentes sur le génie de LMFAO, je ne pourrais être plus d’accord avec la conclusion du petit laïus de monsieur Savoie, qui rappelait aux jeunes Huntingdonnais-Huntingdonnaises à quel point ils sont chanceux de pouvoir jouer de la musique à l’école. Même si aucun d’entre eux ne devait faire carrière dans un orchestre ou jouer dans une harmonie sénior, tous ces kids garderont la musique (classique, jazz ou pop, qu’importe) pour toujours près de leur cœur (ce n’est pas rien) et souriront, c’est certain, lorsqu’ils entendront à la radio le refrain «Party rock is in the house tonight / Everybody just have a good time» dont la mélodie jaillissait jadis de leurs instruments.