On aime bien se faire croire le contraire. On a plein d’adages qui essaient de nous y faire croire. L’idée du karma, de récolter ce qu’on sème, d’avoir ce qu’on mérite, tout ça fait comme si la vie était juste.
Sauf que la vie est injuste.
Toute l’énergie à bâtir et à réfléchir à un système de justice est d’ailleurs une bonne indication que la justice «naturelle» en laisse passer. Sinon, ne laisserions-nous pas la vie faire son œuvre?
Notons que notre système judiciaire ne dit pas tant que les gens sont innocents, mais qu’il n’y a rien pour les condamner. On est innocent jusqu’à preuve du contraire. L’absence de preuve ne signifie pas nécessairement l’innocence, malgré ce qu’en disent certaines personnes.
Dans ce lot, il y a bien sûr des gens qui n’ont véritablement rien fait, la majorité, on espère, mais il y en a aussi une partie qui profite des failles du système.
Combien de fois utilise-t-on l’argument de la légalité pour justifier l’immoralité? Combien de fois avons-nous l’impression que rien n’arrête une mauvaise personne? Combien de fois sommes-nous incrédules d’apprendre qu’une personne a pu sévir de manière odieuse pendant x nombre d’années?
Certaines mauvaises personnes frappent parfois des murs, que ce soit la justice, l’opinion publique, une vengeance, une faillite, un accident, les remords, un abus de confiance, un abus de pouvoir, un contrecoup, etc.
Mais plusieurs en profitent, longtemps, jusqu’à leur mort. Certaines personnes agissent sans jamais se gêner pour abuser des gens, pour faire tous les coups bas, pour tirer la couverte de leur côté, pour blesser les autres, pour voler, pour tricher, pour humilier et pire encore.
La seule chose qui arrête parfois ces gens est leur propre conscience. Et dans certains cas, on peut attendre longtemps.
Je suis tout aussi fasciné par ceux et celles qui s’en sortent toujours que par ceux et celles qui récoltent la gloire après s’être repenti.e.s. Loin de récolter des impacts négatifs pour leurs gestes passés, ces personnes, au contraire, ne récoltent que du positif.
C’est comme si ces personnes n’avaient semé que de la mauvaise herbe, mais récoltaient quand même de magnifiques champs de blé.
Par exemple, un escroc qui sort un livre sur ses vilaines années, donne des conférences, conseille des gens d’affaires. Peut-être même que son livre sera adapté au cinéma. Ou encore une vedette qui pose des gestes terribles, et qui, par la suite, voit sa notoriété accroître. Ou ce polémiste qui tient des propos violents, mais qui met de l’avant qu’il aime border ses enfants ou pleure en écoutant Titanic, comme si ça diminuait la violence de ses mots.
En amour aussi, l’âme brisée qui se reconstruit, l’âme torturée qui trouve la rédemption, a toujours son charme.
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Je crois au pardon. Je ne cherche pas à invalider la rédemption ou à imposer une culpabilité à vie. Je suis simplement fasciné par le phénomène.
Je vois rarement de bonnes personnes recevoir autant d’applaudissements que les repenti.e.s. Être et rester une bonne personne crée rarement une popularité. Plus un haussement d’épaules. Comme si c’était banal!
De bonnes personnes, vraiment bonnes, ça existe, pour vrai. Des gens qui ne volent pas, qui n’usent pas de violence, qui ne trompent pas, qui ne trichent pas, qui donnent sans compter, ça existe! On en connaît tous. Mais ces personnes l’étalent rarement. Elles n’ont pas besoin de le claironner.
C’est un peu comme la culture, moins on en a, plus on l’étale. Les grands cœurs ne se vantent pas de leur grand cœur, ils agissent, simplement.
Que pourraient-elles crier, ces bonnes personnes? «JE N’AI PAS CHANGÉ! JE CONTINUE À NE PAS ABUSER DE PERSONNE!» Et alors? se dirait-on. Les personnes repenties, elles, ont de quoi à crier, à faire savoir. On peut «maintenant» leur faire confiance. Et leur expérience de vie te dira peut-être même comment te méfier des personnes comme elles.
Voyez-vous l’ironie?
Je peux comprendre qu’on préfère écouter une série sur une personne qui devient président en tuant et en complotant qu’une série sur une bonne personne qui sème l’amour sans raison. Mais quelle trace tout cela laisse-t-il dans l’imaginaire collectif? Apprenons-nous à apprécier les bonnes personnes? À les remercier? À les valoriser? Ne les tenons-nous pas pour acquises?
En plus, comme la vie n’est pas juste, les bonnes personnes frappent parfois des murs, malgré elles, comme un accident, une maladie, une compression massive, un «acte de Dieu», une trahison, etc. Des trucs qu’elles ne «méritent» pas, mais qu’elles doivent quand même affronter, qui peuvent les entraîner vers le fond, qui peuvent même les noyer.
Il y a des gens qui ne sèment que du bon blé et qui ne récoltent, étrangement, que de la mauvaise herbe quand même. Comme si ce n’était pas assez, la société leur fait croire, parfois, que c’est de leur faute.
Le pire, c’est au nom de cette «injustice» que plusieurs personnes se permettent d’abuser et de profiter des gens, des lois, des situations. Pourquoi être juste dans un monde injuste? se disent-elles.
Justement parce que le monde est injuste, ai-je envie de répondre. Recevoir un coup de pied du chaos n’est pas la même chose que recevoir un coup de pied d’une personne. On a le choix de donner un bon ou un mauvais coup. De nuire ou d’aider. On a le choix de faire le bien.
Pas pour prendre une avance. Pas pour gagner quelque chose. Ni pour avoir sa place quelque part après sa mort. Simplement pour être juste.
C’est un peu ça, le principe d’être bon ou bonne, de le faire juste parce que c’est la bonne chose à faire, pas pour avoir quelque chose en retour.
N’est-ce pas un magnifique acte de résistance qui mérite d’être applaudi?
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