Je me souviens de ma flûte à bec. La mienne, elle était bleu azur presque royal. Elle était différente des Yamaha blanches que tout le monde avait, celle inscrite à la liste de fournitures obligatoires pour les quatrièmes années. Si ma mère m’interdisait les sacs de ramens servis secs, proscrits par le règlement scolaire (parce que ça faisait des tites graines sur le tapis brun), j’étais cool et rebelle les jours de musique par mon instrument hors-norme. Je l’avais trouvé au fin fond des étagères que mon papa bricoleur avait clouées au mur dans ma salle de jeux du sous-sol de la maison de banlieue qu’on habitait. Je n’ai jamais trop su d’où elle venait, je n’ai jamais demandé à ma mère. C’est sûrement une grande cousine qui me l’avait refilée en même temps qu’une valise à linges de Barbie.
Je me souviens de mon prof de musique. Il s’appelait Conrad et il était sévère. Il nous assignait des places en fonction de l’ordre alphabétique de nos noms de famille. Si on parlait sans demander le droit de parole, on n’avait plus le droit de jouer pendant un boutte. Je le sais, un jour j’ai perdu mon poste de percussionniste vedette aux cloches à vache. La tragédie, toé chose.
Si je ressasse les vieux souvenirs sans importance, c’est la faute à Bernard. C’est vrai. Bernard Labadie, le chef fondateur des Violons du Roy, avec qui j’ai jasé au téléphone la semaine passée avant de retranscrire notre entrevue en page 11. Lui, il a su qu’il voudrait devenir musicien en troisième année. Avec sa flûte Yamaha. Dans son cas, l’éducation musicale au primaire a totalement changé sa vie, a fait de lui une des figures artistiques les plus célébrées des institutions. Trouve-t-il que la musique est assez valorisée aujourd’hui à l’école? Absolument pas. «Et c’est dommage, dans une société comme la nôtre qui n’a pas de racines anciennes. Pas comme en Allemagne ou en Autriche, où jouer piano et violon constitue presque la norme pour les petits garçons et les petites filles. Ici, c’est vu comme loser, comme nerd. On a encore du travail à faire.»
Comment se fait-il que l’éducation physique soit obligatoire et que son nombre d’heures soit sans cesse revu à la hausse? Comment se fait-il que les cours d’éduc soient (encore) essentiels à l’obtention d’un diplôme au cégep au même titre que ceux de philo, d’anglais ou de français, alors que toute activité de création est écartée du cursus commun? Certes, nous ne serons pas collectivement obèses, mais certainement pas boulimiques de culture non plus.
Quand muscles et entraînement sont valorisés depuis la tendre enfance au profit des arts plastiques et de la musique, ça propulse des âneries comme Occupation Double au sommet des BBM pendant une décennie toute entière à chaque automne. J’ose croire (et écrire) que la coupure totale du volet culturel au bulletin des infos de 22h à Radio-Canada en résulte aussi. L’art, c’est pas à la mode en 2013. On a – collectivement encore – la télé qu’on mérite.
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Spécial musique classique oblige, j’ai eu envie de porter mon regard vers le symphonique indie. Ou plutôt, vers l’émergence au rayon du classique. D’abord, est-ce que ça existe? Oui, tout à fait. Si Saint-Roch est l’épicentre du rock malgré le grotesque jeu de mots, Sainte-Foy est assurément son équivalent en matière de musique classique. Et c’est à l’Université Laval que ça se passe, notamment avec son orchestre symphonique maison qui s’y produira entre les quatre murs de la salle Henri-Gagnon du Pavillon Louis-Jacques-Casault. Au programme: des reprises de Schubert, Beethoven et Litz, sous la direction musicale d’Andrei Feher.
Orchestre symphonique de la Faculté de musique en concert
Lundi 21 octobre à 19h30
Salle Henri-Gagnon
On la croirait tout droit sortie d’un café-concert de la belle époque parisienne qui, d’ailleurs, fait office de thème pour une exposition présentée au Musée de la Civilisation actuellement. Odile DuPont, c’est une chanteuse romantico-comico-tragique (pour reprendre l’étiquette qu’elle colle sur sa robe) qui écrit sur la solitude sans pudeur, sur les chagrins d’amour qui blessent vraiment. Bachelière en théâtre, la baie-comoiseuse d’origine basée à Québec passe de la scène au disque en cette fin octobre pour le plus grand plaisir des (autres) cœurs esseulés qui se reconnaîtront à travers elle.
Lancement de l’album Amour, fiesta et chats
Mercredi 23 octobre à 20h
La Cuisine
La mi-octobre marque le retour des Shows de Grenier, concerts quasi privés accueillant une trentaine de personnes (tout au plus) assises en indiens. Initiative des cofondateurs de l’étiquette essentiellement folk La Palette, les Shows de Grenier changent d’adresse le temps d’un spectacle et auront lieu pour une première fois au 227, rue de la Reine. Google Maps sera de mise en vue d’assister aux tours de chant respectifs d’Esther Grey et Sarah Jane Johnston dans cet appart de Saint-Roch.
Les Shows de Grenier accueillent Esther Grey et Sarah Jane Johnston
Dimanche 27 octobre à 21h
227, rue de la Reine