Au départ, j’étais de mauvaise foi. Mais je laisse tomber mon masque de chroniqueuse aux goûts pseudo-élitistes : le disque de la gagnante de La Voix est bon. Pour vrai. Je l’écoute même chez nous.
Lorsqu’il est question de culture dans les médias, tout est question de créneau. De public cible. Comme journaliste je ne m’intéresse pas à Star Ac’ et ses dérivés «musicoriens». Tout simplement parce que je crois ça ne cadre pas avec le goût du lectorat pour lequel j’écris.
Des fois, en tant que journaliste, on se trompe.
(En tant que relationniste de presse aussi, parce qu’on n’a même pas daigné m’envoyer l’album. Pour l’écouter en intégral dans un délai rapide, je l’ai acheté avec mes sous. Mais ça, c’est un autre dossier.)
J’ai eu la puce à l’oreille en écoutant le Téléjournal Québec de 18h. Entrevue avec un énième poulain de Musicor sur ces ondes-là. J’écoute à moitié la chronique culturelle, comme d’habitude, résolument envieuse de celles qui ont droit de parole à cette succursale de la télé (ou radio) d’état et un brin frustrée d’y voir très rarement des artistes locaux. Puis un son m’interpelle. Crime, c’est pas mauvais. Et la pochette est belle. Ça me rappelle vaguement celle de Lykke Li. Youth Novels, 2008. Les arrangements rétro et la façon de chanter me ramènent quant à eux à Blonde, le deuxième album de Coeur de Pirate.
J’ai l’impression d’être le public cible. Pour une fois que la clique de Québecor/Musicor/Productions J ne nous sert pas du prémâché, ça se doit d’être souligné.
On sent, à l’écoute de L’été des orages, une volonté de rompre avec Wilfred l’Acadien, Thibert et ses balades larmoyantes, les albums de reprises, le look de pin-up préfab’ de Brigitte Boisjoli, Maxime Landry et son album de Noël. Jusqu’à maintenant, seule Marie-Mai avait su tirer son épingle du jeu et sortir du lot en devenant la pop star locale des préados. Un exploit en soi. Mais mis à part la petite Stéphanie Lapointe – aujourd’hui réorientée vers le cinéma avec un registre de jeu assez limité, faut l’avouer – quelle «veudette» d’une émission de variétés comme Star Académie a réussi à intéresser un public adulte exigeant côté textes et arrangements? Personne, justement.
Valérie Carpentier, c’est une toile blanche pour les paroliers et compositeurs du Québec. Et c’est un dream team de créateurs qui s’est servi d’elle comme d’un canevas. De ceux qui lui ont écrit des textes, je surligne en jaune les noms d’Ariane Moffatt (ça allait de soi!), Yann Perreau, Caracol, Félix Dyotte (Chinatown) sur une musique de Pierre Lapointe, Marie Pierre Arthur avec Gaële, Kim Doré sur une musique de Forêt et Alex Nevsky. D’ailleurs, elle partage avec ce dernier son réalisateur, un certain Alex McMahon, qui fait opérer la magie sur Himalaya mon amour sorti en août dernier. Ça met les choses en perspective, les explique aussi.
Est-ce que ces artistes-là l’ont fait pour l’argent? Peut-être. Mais personne n’a vendu son âme. Même que j’ose croire qu’il a été difficile pour certains d’entre eux de se départir de ces textes-là.
Et je vous entends déjà penser: «Oui, mais la p’tite n’écrit même pas ses tounes, c’est pas une vraie artiste!»
Faux.
La p’tite, elle a composé paroles et musique de La rose rouge, pièce qui ouvre l’album. C’est un début. Suffit maintenant de l’encourager à emprunter la voie de la créativité pour l’avenir. C’est en développant sa propre plume qu’elle ne sera pas un feu de paille mainstream et qu’elle gagnera le cœur du public «voirien».
Mais ce que je remarque par-dessus tout, c’est cette ouverture que je ne connaissais pas à TVA. Ou, plutôt, cette prise de conscience. «On a une tribune de choix, une masse de Québécois qui nous suit sans se poser de questions. Pourquoi ne pas leur offrir quelque chose de bien? Ouvrir leurs horizons un peu.» J’ignore si ces mots ont été dis par quelqu’un autour de la table en réunion de prod, mais je fantasme à l’imaginer. La famille TVA/Musicor aurait-elle compris une chose terriblement élémentaire, soit l’importance d’éduquer son public?
Puisse Louis-Jean Cormier, nouveau juge à La Voix poursuive la mission instaurée (dans l’œil du public, du moins) par Ariane Moffatt. Il était temps que les vrais talents québécois brillent pour la majorité. Pour les matantes en région comme pour le hipsters de St-Roch qui se tiennent au Cercle.
Enfin une critique qui fait preuve d’ouverture et qui ne s’en tient pas aux préjugés à la mode. C’est bien de savoir reconnaitre le talent pur, peu importe qu’il émerge de »Petite Vallée » ou de »La Voix ». Valérie Carpentier est une artiste véritable à mon sens…
L’ouverture va dans les deux sens, je crois. Je suis pour le dialogue entre la culture « quebecorienne » et champs gauche.
De mon coté,bien que je ne suis aucunement d’accord avec vos goûts pour ces émissions usines a vedettes,mais je respectes votre opinion.J’ajouterai que je vais souvent au cercle car j’y apprécie leurs artistes et ce même si j’habite en banlieue et que je ne sois pas ce que que vous appelé »un hipster de Saint Rock ».
Il en allait d’auto-dérision dans ce commentaire, mon cher monsieur. De la perception que certaines personne cultivent à mon endroit. Je sais évidemment que les hipsters (peu importe ce qu’on entend par ce terme) ne constituent pas la clientèle exclusive d’un lieu ouvert comme le Cercle.
La référence à Youth Novels m’a gagné. Je vole l’album à la blonde à mon père le temps d’une semaine ou deux.