Satellite 418

Dommages collatéraux

Étape 1: S’inscrire à un site de rencontres X sous la recommandation d’une amie.

Étape 1.5: Pas pantoute assumer le geste.

Étape 2: Ne pas choisir de photos avec micros et autres gréements médiatiques et/ou photos officielles de journaliste.

Étape 3: Recevoir des messages du genre « aie, c’tu toi Catherine Genest? » et « pourrais-tu parler de mon band? »

Étape 4: Voir la possibilité d’avoir une vie normale réduite à néant.

Ça s’ajoute aux requêtes du même type en message privé sur Facebook et à 2h du matin le vendredi soir au Sacrilège. S’il n’y avait pas l’étudiant en communication désireux d’écrire dans Voir ni le musicien prêt à tout pour voir sa face dans les pages, je verrais mon nombre de soupirants chuter. L’opportunisme et le milieu des arts vont tristement de pair quand tout est surtout question de contacts pour percer.

Le contraire existe aussi. Je l’appelle la journaliste groupie. Elle fait des entrevues pour draguer, pour raconter à ses chums de filles qu’elle est allée prendre un café avec Maybe Watson d’Alaclair Ensemble ou je ne sais qui encore, pour collectionner les numéros de téléphone et «s’effoirer» sur le divan de la loge avec les gars du band. L’excellent film Control avait d’ailleurs dépeint la maîtresse de Ian Curtis comme ça. C’est pas nouveau, ça existait au temps de Joy Division.

Constat facile: il y a autant de raisons de faire le métier qu’il y a de gens en ce bas monde. Je ne juge pas, je ne pointe personne du doigt, mais j’expose. Sauf que, personnellement, je n’use pas de mon statut de journaliste pour me trouver un petit chum. Je ne suis pas parfaite, mais c’est l’une de mes petites règles déontologiques que je tiens mordicus à respecter.

Pourquoi diantre être journaliste musicale alors? La réponse est simple: j’aime le thrill que procure le déterrage de pépites d’or comme j’ai eu le sentiment de le faire avec The Seasons, Mauves et Karim Ouellet, par exemple. Mais le plus important pour moi est de prouver que Québec peut être cool parce que, moi-même, je pensais le contraire au moment de m’y installer. C’est qu’elle est peu médiatisée, la vie culturelle alternative de Québec. Mais elle existe et j’ai choisie de la montrer. Peut-être qu’avec un peu de chance, l’un de mes articles désamorcera un départ vers Montréal comme Samuel Matteau l’a fait pour moi de par le message qu’il portait avec La Cité. J’exagère à peine.

Mais c’est drôle. J’attire quand même les haters comme un autocollant vertical anti-mouche sur un terrain de camping du Lac-Saint-Jean. Malgré ma démarche visant à mettre en lumière les artistes locaux, malgré mon chauvinisme dégoulinant. Je ne comprends pas trop et ça me blesse. De moins en moins, heureusement.

J’ai des trolls pour me dire que je suis laide, grosse, pour me fesser dessus avec mon année de naissance comme prétexte et d’autres pour me dire que je suis une inculte. Venez pas me dire que l’intimidation se limite à la cour d’école, aux jeux d’enfants.

L’affaire c’est que les gens sont plus braves dans l’anonymat presque complet de l’adresse IP ou avec une couple de pintes de blonde dans le corps. Pour la drague stratégique comme pour la haine. En tant que chroniqueuse, j’ai l’impression d’avoir deux fonctions : mécène de la plug et sac de frappe pour les âmes esseulées en trop plein d’agressivité.

Est-ce que je trouve ça dur? Oui, tout à fait. Même que je dirais qu’il m’arrive d’en brailler. Mais la carapace se forge et la passion est trop vive: j’ai besoin de m’exprimer. Le VOIR m’en donne la chance et je profite d’ailleurs de cette dernière chronique de l’année pour remercier mes patrons qui m’ont offert l’équivalent journalistique d’une admission à la Star Académie pour une jeune interprète du Témiscamingue.

Je veux vieillir au sein du VOIR, l’entreprise de presse aussi rebelle qu’à ses début qui s’abreuve constamment à même la fontaine de jouvence.

Paix, amour et joyeux Noël. Le plus sincèrement du monde, aux lecteurs (gentils) et à mes collègues.