Le band du peuple
Il y a Les 2 minutes par Pérusse qui l’ont (accessoirement) rendu riche et, encore aujourd’hui, l’Almanach en vente dans toutes les bonnes pharmacies de la province. L’appellation « du peuple » devient davantage glamour cet été avec la naissance de Thrust, le nom d’un collectif de producteurs québécois qu’il ne faudrait surtout pas confondre avec les Torontois derrière le hit alternatif Sulk.
C’est Maybe Watson (Alaclair Ensemble) qui m’en a d’abord parlé, un midi comme ça, sur Facebook. «Hey Cath! As-tu déjà entendu parler d’un groupe de musique qui modifie ses tounes selon les commentaires du public?» Ma réponse a été «Non». Parce que même à l’ère du socio-financement, aucun musicien n’a (à ma connaissance) pleinement intégré monsieur-madame-tout-le-monde à son processus créatif. Au lieu de proposer des t-shirts, un disque, un vinyle et un téléchargement numérique en échange de sous, les dudes de Thrust demanderont carrément une participation non-monétaire du public. Un concept relativement complexe qu’ils développent actuellement.
Un ou deux mois plus tard, le MC d’Alaclair Ensemble – qui agit à titre d’animateur du compte Instagram, d’attaché de presse et de pseudo directeur marketing au sein de Thrust – me revient avec un lien Bandcamp. Mots-clés inscrits au bas de la page: muscle pop, pop, Montréal.
Je ne m’attendais pas à ça. Pas venant d’un «post-rigodonneux» et d’un rappeur solo qui a l’habitude de jongler entre humour disjoncté et textes aussi sensibles qu’intelligents.
Attends Maybe, mais pourquoi versez-vous dans le kitsch façon Dagobert? «C’est sûr qu’il y a un deuxième niveau, mais à la base, les objectifs sont clairs. On veut charter (N.D.L.R.: jouer dans les clubs et à la radio commerciale)». Et il est fort à parier qu’ils y parviendront, spécialement en Europe de l’Est ou en Russie. «Le but, c’est de faire de la musique que les gens veulent entendre même s’ils ne le savent pas encore.» Un peu comme Marc Jacob le fait déjà en mode et depuis plusieurs années, ai-je automatiquement pensé. «J’ai moi-même été pris au jeu et je suis retourné écouter les tracks plusieurs fois même si je ne fais pas partie du public ciblé», confie Maybe Watsss.
Autrement dit, Thrust c’est un peu le Kaïn de la musique électro-pop adulescente. Une musique pour les masses, pour «le vrai monde». D’ailleurs, M’sieur Watson décrit ses comparses comme «des gars ben normaux». Des producteurs, des chanteurs et un gérant presque anonymes qui sont représentés publiquement par un seul homme, un DJ se produisant sous le nom de Hools qui – fait intéressant – s’adonne aussi à être le sosie de Ryan Gosling. Un atout majeur auprès de la gent féminine.
Mais revenons au concept de « band du peuple ». Comment allez-vous créer un sentiment de ownership chez l’auditeur? «C’est un peu utopique, mais, éventuellement, on aimerait avoir une application mobile pour permettre aux utilisateurs de modifier les chansons. Comme un Instagram de la musique avec quelqu’un qui gère les commentaires… Mais c’est beaucoup de logistique. En attendant, on y va étape par étape, c’est un projet à long terme et on veut prendre notre temps.» Et l’étape 1, c’est le lancement du premier EP ce jeudi 22 mai au Cinéma Banque Scotia à Montréal. Un lieu qui pourrait paraître vraiment saugrenu pour quiconque n’est pas au courant que l’une des chansons du mini-album a été choisie pour la trame sonore du dernier blockbuster de Disney, le film Million Dollar Arm.
Pour le moment, le groupe se penche plutôt sur une façon de stimuler la mise en ligne de remix ou de covers par les utilisateurs. Ensuite, ils promettent – à moins que ce soit vraiment mauvais – de diffuser ce matériel sur leurs différents canaux de diffusion web et en concert.
Au final, Thrust c’est comme une joke super sérieuse mais aussi une façon de pénétrer le top 40 et de le changer (un peu) de l’intérieur sans trop bousculer les choses. «C’est pas un kamikaze qui va rentrer dans le building pour se faire exploser. On veut changer la game mais pas pour rayer l’esthétique sonore. On veut arriver avec une attitude plus décontract’ mais surtout éviter les clichés associés à la pop comme l’hypersexualisation.» Rien que pour ça, ils ont tout mon support. Reste à voir s’ils parviendront à changer (un peu) la pop ultra commerciale de l’intérieur en prenant comme exemple des compositeurs électro « champ gauche » comme Disclosure, James Blake, Jamie xx et les autres. Là, ça deviendrait drôlement intéressant.