Le Groupe des sept en avait fait son repère, le décor de ses œuvres qui ont marqué l’histoire de l’art canadien. Cent ans après, la peinture naturaliste est encore reine et maître à Baie-Saint-Paul. Rien que sur la rue Saint-Jean-Baptiste – la main du village –, on dénombre onze galeries d’art. En tout cas, c’est ce qui est écrit sur le site Web de la municipalité.
Il y a les toiles des émules de Lawren Harris, les gîtes touristiques fleuris, les savons artisanaux à la lavande et les produits du terroir qui s’ingèrent sans risque d’empoisonnement. On mange bien et on dort bien à Baie-Saint-Paul, c’est de notoriété publique. Mais des fois, ça brasse un peu plus. Explications de Clément Turgeon, le président et fondateur du Festif!: «Rien que cette année, on est allés trois fois au conseil de ville. C’est pas tout le monde qui est d’accord avec la tenue d’un festival au centre-ville. Ils ont peur que ça fasse trop de bruit et qu’il y ait des débordements.» Je m’abstiendrai ici d’expliquer le comportement de ces rabat-joie notoires au risque de me faire accuser de faire de l’âgisme.
Question quiz pour toi, mon Clément. Pourquoi as-tu lancé Le Festif!?
A) Parce que tu voulais montrer au reste de la province qu’il se passait des trucs nice dans Charlevoix.
B) Parce que tu trouvais qu’il ne se passait pas assez de trucs nice dans Charlevoix.
Sa réponse: «Je dirais B. Il n’y avait pas assez d’événements d’envergure dans la région. Pas depuis la Fête foraine des années 1980, la Fête folklorique des années 1970 et le WoodspunX des années 2000. […] On a aussi été inspirés par les célébrations entourant le 25e anniversaire du Cirque du Soleil. On sentait qu’on devait reprendre le flambeau.»
C’est ainsi que Le Festif! de Baie-Saint-Paul est né, en 2009, et grâce à la ténacité d’une gang de bénévoles menée par m’sieur Turgeon, qui était alors âgé de 21 ans. «J’ai lâché l’université [il étudiait alors en travail social] après une session. J’étais trop emballé par mon projet.» Comme quoi les études ne sont pas toujours garantes du succès professionnel. Qui a dit que le DEC, le baccalauréat ou la maîtrise faisaient les bons entrepreneurs? Rien ne sert d’avoir un diplôme si on a les idées, le goût du travail et l’ambition.
L’impatience et la jeunesse de Clément sont en fait ses meilleures alliées. En totale osmose avec son époque, la programmation du Festif! se compose d’artistes que les auditeurs des radios universitaires – toujours à l’avant-garde, c’est bien connu – ont vraiment envie de voir. Cette année, il y aura Alaclair Ensemble, Karim Ouellet, Misteur Valaire, Random Recipe, Dead Obies, Philippe Brach, Les Hay Babies, David Marin, Betty Bonifassi, Louis-Jean Cormier, Les Breastfeeders, Socalled et tellement d’autres. Une dream team de musiciens actuels et en vogue. Des «classiques» du rayon champ gauche s’ajoutent à la proposition avec Les Cowboys Fringants et Loco Locass. Espérons simplement que Batlam (alias Sébastien Ricard) ne sera pas trop incommodé par son angoisse précomparution en lien avec cette histoire de conduite en état d’ébriété sur une piste cyclable de Montréal. Trêve de faits divers.
Et la scène locale, elle?
C’est bien beau d’inviter la crème des artistes montréalais, mais encore faut-il faire une place à ces musiciens qui vitalisent Baie-Saint-Paul à longueur d’année. En bon petit gars de la place, Clément Turgeon a ce souci de diffuser la musique de ses concitoyens qui ne parviennent pas à traverser la frontière baie-saint-pauloise. Je l’avoue, j’en suis moi-même coupable: j’habite la région administrative de la Capitale-Nationale, mais j’ignore tout de la scène indie de la MRC de Charlevoix. Ça fait que j’ai épluché la programmation du Festif! pour élargir mes horizons. La création musicale existe au-delà de Québec et de Montréal, mais on l’oublie souvent, j’ai l’impression.
Je suis d’abord tombée sur Patrick Gosselin, le parfait sosie de Plume Latraverse à 25 ans, qui s’est d’abord fait connaître pour ses spectacles en hommage à son frère cosmique. De passage au Festif!, il offrira ses propres compos qui n’échappent pas complètement à l’influence du maître. À voir le samedi 26 juillet à 18h30 sur la scène Desjardins.
Cinq heures plus tard, le sous-sol de l’église sera pris d’assaut par les très peu catholiques garçons d’El Pornos. Un groupe grunge cultissime que Clément m’a présenté comme «un équivalent charlevoisien de ce que Les Goules représentent pour les gens de Québec.»
Le reste de l’année
Le Festif! de Baie-Saint-Paul aura lieu du 25 au 27 juillet. Vous ne pouvez pas y aller? No problemo. J’ai demandé à Clément de me filer ses bonnes adresses en matière de lieux de diffusion dans son coin de pays. Voici, en vrac, ses réponses.
50, rue de la Ferme
«Une évidence.»
1, rue Sainte-Anne
«C’est nouveau et ça fait du bien à la scène locale. Café et crêperie à la base, l’endroit peut accueillir 80 personnes. La semaine prochaine, par exemple, il va y avoir Sunny Duval.»
22, côte du Balcon-Vert
«C’est là que Guy Laliberté et Daniel Gauthier se sont rencontrés au moment de fonder le Cirque du Soleil. C’est le camping officiel du Festif! et les feux de camp y sont mémorables. Les locaux se mélangent aux touristes.»
La passion, c’est la clef
Bravo