Petite commotion sur les réseaux sociaux, hier matin, à la parution d’un article signé Valérie Gaudreau dans le Soleil. Le titre dudit papier? Une phrase qui donne des sueurs froides à tous les amateurs musique (et d’art au sens large) qui habitent Québec : « Le Cercle s’associe à Budweiser pour assurer sa survie. »
Vin bio et d’importation privée, cuisine du marché, avant-garde et… Budweiser! Le partenariat étonne, mais c’est les prétendus problèmes financiers dépeints dans ce texte-là qui m’ont virée à l’envers.
Je suis loin d’être neutre quand il est question du Cercle. J’y dépense une grosse partie de mes paies, leur programmation s’accorde avec mes goûts et j’ai plein de beaux souvenirs liés à cet endroit. Pour moi, le Cercle est un lieu de rencontres et de fêtes, une source inépuisable de sujets de pré-papiers, un phare dans l’obscurité de notre ville tristement reconnue pour sa radio poubelle et ses propos anti-gauche et anti-culture. En plus, Le Cercle est un grand partenaire du Voir et il contribue, en partie, à me donner un salaire. Lire qu’ils viennent « de vivre l’année la plus difficile depuis leur ouverture », ça m’inquiète sincèrement. Mais comme l’a dit ma collègue Mireille, directrice des ventes au bureau de Québec, 2014 a été une année difficile pour tous les commerces à Québec. Elle est bien placée pour le savoir.
J’ai invité Édouard Garneau, responsable du marketing et des communications du Cercle, à aller prendre un thé pour clarifier certains trucs. « C’est sûr que le fit [avec Budweiser] est pas naturel. » Mais qu’est-ce que tu répondrais à ceux qui vous accusent d’avoir vendu votre âme au diable? « Ben qu’on a justement rien vendu. On a strictement fait une seule chose on leur a dit « OK vous aimez notre produit? Alors venez vous insérer dedans ». On leur a dit « voici nos conditions » et ils ont embarqué. » Autrement écrit, Budweiser s’associe au Cercle pour redorer son image, la rajeunir et avoir l’air plus cool. « Ils veulent pas amener le Cercle dans le modèle Bud, ils veulent amener Bud dans le modèle Cercle », soutient Édouard.
Sauver le Lab Vivant, entre autres
Précision importante : le Cercle, est une entreprise non-subventionnée. « Le Cercle va très bien commercialement, y’a du monde au resto, y’a du monde aux shows, y’a du monde partout. Mais l’affaire, c’est qu’il défend une mission qui coûte cher pis de façon totalement autonome et privée. C’est pas sa survie [que Budweiser permet au Cercle], mais la survie de sa mission culturelle » Cette mission-là? Promouvoir les arts et la culture à Québec. Présenter de la danse contemporaine dans un bar, ça coûte cher. Idem lorsque vient le temps de présenter du théâtre dans le sous-sol. Ses administrateurs ne s’en cachent pas.
« Dans l’état actuel des choses, la culture ne peut pas s’autofinancer. » Voilà le constat que dresse Édouard. Pour continuer de prendre des risques avec sa programmation d’avant-garde, le Cercle avait deux choix : remplir des formulaires de demandes de subventions gouvernementales ou s’associer à un partenaire privé. Ils ont choisi la deuxième. « Si on avait pu le faire avec une brasserie du Québec, comme Boréal qui a été notre partenaire pendant six ans, c’est sûr qu’on l’aurait fait », soutient Bruno Bernier, directeur général du Cercle.
À propos de Live Nation
Édouard Garneau et Bruno Bernier se font tous deux rassurants : ce partenariat avec Budweiser n’influencera pas le calendrier des événements. Le brasseur et Live Nation – une agence de spectacles américaine généreusement commanditée par la multinationale – n’auront pas leur mot à dire sur la programmation et ils ne s’occuperont pas de la vente des billets non plus. Le point de vente (compétiteur de Billetech) garde donc sa place. « La conclusion logique, c’est qu’on aura moins de besoins en programmation mainstream pour assurer la vitalité financière», comme Édouard l’a écrit sur mon mur Facebook.
Il n’y aura pas d’affiche, pas de sous-verre, ni de napperon à l’effigie de Budweiser. La collaboration se limite aux bières en fût offertes dans la section spectacles et à une murale aux couleurs de la marque qui sera peinte par un artiste de la région. Bruno nous en révèle les détails : « Nous quand on va rencontrer les artistes, quand on va faire l’appel de projets, c’est clair qu’on va avoir une considération pour ceux qui nous présentent quelque chose en lien avec la mondialisation, le marketing, la publicité, le corps dans ce flot d’images-là. »
Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact financier de cette association même si elle est effective depuis mai. Histoire à suivre, donc.
Mais, et sur une note extrêmement légère, le d.g. a terminé l’entretien en se faisant le Karl Lagerfeld des tendances mode au rayon houblon. Si la Pabst connait son heure de gloire depuis quelques années et que la Labatt 50 a redoré son image, l’âge d’or de la Budweiser est-il à nos portes? « Peut-être que c’est nous qui allons être le catalyseur de la résurgeance! » Un rire sincère s’en est suivi de part et d’autre du téléphone, évidemment.
C’est sur que moi, si j’étais Budweiser, après cette entrevue, je retirerais illico presto mon partenariat.
Que de mépris affiché par le dg et l’auteure de ces lignes…
Bonjour,
Simplement pour vous signaler deux coquilles : téléphonne & Promouvoir les arts EST la culture à Québec.
Bon article, bonne réflexion! Mais le goût de la Bud, vraiment…
Merci Christine, c’est corrigé! Bonne journée à vous.