Lorsqu’on parle de faire de la politique autrement, ce qui m’intéresse, c’est le verbe faire. Car oui, la politique est quelque chose qui se fabrique. C’est un produit. Un produit culturel, sans doute, au même titre qu’une pièce musicale ou qu’un film.
Un produit qu’on peut mettre sur une cassette et repasser en boucle. C’est d’ailleurs ce qu’on réclame des politiciens : qu’ils cessent de jouer leurs cassettes.
L’expression est cependant périmée. Comme la plupart des productions culturelles, la politique est passée du monde analogue au monde numérique. Les spins politiques circulent et se partagent maintenant comme des fichiers numériques, copiés-collés en quelques secondes, on les drag-and-drop de bases de données en base de données à la vitesse grand clic.
Conservons toutefois l’expression. La cassette, donc, en comprenant bien ici qu’il n’est plus question de longs discours qu’il faut faire jouer au complet pour les dupliquer, copie par copie, comme nous le faisions naguère, alors qu’il fallait encore appuyer sur le bouton record.
À l’heure où la société elle-même est un média (seule compréhension intelligible des médias sociaux), il faut bien l’admettre, c’est nous, citoyens médiaspectateurs et émetteurs qui déclenchons les mécanismes de la cassette. Nous pensons en clip. Il nous faut notre succès de l’heure, au même titre que d’autres réclament les succès favoris à la radio. Les bulletins de nouvelle ne sont rien d’autre qu’un palmarès des hits du jour servis comme une suite des tubes du moment. Les citations des politiciens, leurs slogans, leurs « spins » quotidiens se succèdent comme les titres du hit-parade.
– As-tu entendu le sénateur Boisvenu?
– Non… Qu’est-ce qu’il disait?
– Écoute le bulletin de nouvelles… Tu vas voir, c’est le gros truc en ce moment…
Avides comme des adolescents à l’époque des bons vieux radios magnétocassettes, nous enregistrons le hit à l’instant où il passe. Il nous faut une citation, l’enregistrer, la passer à nos amis. Liker, partager, commenter. Nous sommes les nœuds du réseau du spin politique.
– Tu as entendu Boisvenu?
– Non, merde, je l’ai raté!
– Attends, je te donne le lien!
En somme, «la cassette» n’est pas simplement une tare de la politique partisane. Elle est corollaire de notre mode de consommation culturel et médiatique.
Faire de la politique autrement, dites-vous? Mais comment vous servir autre chose? Le contenu épouse simplement la forme du contenant… Et vous êtes ce contenant.
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Il faut bien s’en rendre compte. Le cynisme, dont on parle tant par les temps qui courent, ne touche pas que la classe politique. Il touche d’abord, et sans aucun doute surtout, la classe médiatique. L’homo-cynicus n’entrevoit la politique, et fort malheureusement le politique, que par le filtre des médias et des commentateurs qui ne ratent jamais une occasion pour présenter leurs points de vue comme des «analyses».
Plus ironique encore, ce «discours politique» qu’on prétend analyser n’est jamais autre chose qu’un «discours médiatique». Combien de fois lisez-vous des formules telles que : «Le Devoir rapportait ce matin», «dans une entrevue accordée à La Presse», «selon ce qu’on peut lire dans la chronique de madame machin», et autres prémisses du même acabit englobant dans le même gruau les tweets, les statuts et autres sources qui se bousculent au portillon de la politique.
Dans tous ces cas, qui concernent pour l’essentiel la totalité de «l’analyse» politique telle qu’on la présente désormais, l’humain qui s’alimente à la tablée médiatique n’a accès à autre chose qu’à un buffet des clips et de phrases préchauffées. Il s’agit d’extraits, de citations, de segments mis bout à bout au gré du hasard des transmissions, dans l’ordre ou le désordre.
C’est à partir de ces éléments hétéroclites, choisis par d’autres et relayés par des inconnus, que le chroniqueur politique tente de remonter l’abrupte pente qui mène du particulier au général. Il voudrait nous présenter un état de la question mais ne parvient le plus souvent qu’à la destruction même de l’objet qu’il prétend expliquer : Une fois passés par le crible de sa chronique, les extraits politiques, loin d’être unifiés dans un système général qui permettrait de les comprendre, se retrouvent disloqués, coupés en morceaux et renvoyés vers d’autres qui, à leur tour, referont la même opération.
En somme, jamais –ou trop rarement- le chroniqueur politique ne parvient à passer des variétés politiques aux réflexions sur le politique… Pour la simple et bonne raison qu’à travers le filtre de son observation, la politique n’est qu’un mirage médiatisé: ce qu’il observe, d’abord et le plus souvent, c’est un discours médiatique auquel il prend lui-même part, par partisannerie ou par simple incapacité à se soustraire du spectacle qu’il commente.
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Ce n’est peut-être pas la politique qu’il faudrait faire autrement –serait-ce seulement possible?- mais plutôt changer notre manière de la consommer … Et dans la mesure où «le citoyen» aspire désormais à être lui-même un média, nous consommons peut-être ce que, nous-mêmes, nous produisons…
À la cassette, nous sommes peut-être devenus le magnétophone…
Vraiment super comme chronique à diffuser sans modération.
On me soupçonnera peut-être d’une possible ringardise, mais l’observateur de la Vie que je suis depuis presque soixante ans – artiste musicien auteur-compositeur que je suis oblige – est tenté d’expliquer la volatilité médiatique omniprésente ou presque par l’époque «touche-à-tout» que nous traversons.
Trop de tout. De tous côtés. À tout moment. Ici, là, ailleurs, partout.
Il y a bien longtemps de cela à présent, nous pouvions accorder davantage d’attention à l’activité à laquelle nous avions décidé de nous adonner. Qu’il s’agisse d’écrire, de visionner une émission-télé, ou de tout simplement nous laisser aller à rêver pendant un moment.
Aucun téléphone cellulaire ne nous poursuivait ni ne nous harcelait sans merci à toutes heures et en tous lieux. Aucune zappette ne nous incitait à continuellement passer d’un poste à un autre lorsque nous regardions la télé. Aucun machin portatif avec écouteurs ne nous isolait du monde extérieur lorsque nous sortions de la maison.
Nous pouvions, et trouvions normal, de nous concentrer sur ce qui nous intéressait. D’approfondir plutôt que de prestement butiner.
L’abondance qui nous entoure aujourd’hui semble nous avoir, paradoxalement, appauvris. Cette irrépressible manie de «touche-à-tout» nous a mené à l’éparpillement, à des journées où un accaparement continuel composé d’une bribe de ceci et d’un fragment de cela nous tient lieu de feuille de route, d’existence.
Mais… quelle désolante vie, tout ça. Quel regrettable gâchis.
ben écoute mon claude si c’est si terrible que ça, ta vie, je te conseille bien humblement de te débarrasser de ton ayefone et d’écouter ton émission de tv au complet la prochaine fois. selon moi ton bonheur ne tient qu’à ces petits ajustements. de rien.
Trop aimable de votre part!
Un gros merci.
@ au connard méprisant qui s’appelle CHASSEUR D’ÉPAIS:
Écoute, camarade, si les épais présumés (dans ton délire) te font ch… à ce point, eh bien, dépêche-toi et achète une tapette orientée contre les mouches à m…… Une fois l’acquisition faite, assis-toi bien calmement et sacre-toi à toi-même une bonne centaine de coups de tapette en pleine face.
¡ESO ES LA VIDA, HOMBRE!
JSB, exterminateur des nuisances intolérables
Je vous savais déjà «sociologue des médias», cher Monsieur Baribeau.
Mais là, vous m’épatez!
@jean-serge baribeau
du calme, jean-serge, ce n’est qu’un surnom, tu sais…
étrange que tu utilises précisément la technique que tu vilipendes: en trois lignes tu me donnes du connard, du fou, de la mouche à m… et de la nuisance intolérable. vraiment une telle contradiction est surprenante de la part d’un sociologue des médias.
en tous cas, je passe l’éponge cette fois-ci, mais la prochaine fois, si la raison t’intéresse, essaie de te concentrer sur le commentaire.
C’est pourquoi je prend le temps de lire les programmes des partis politiques avant de prendre position. (Les caquistes me détestent sur les forums justement parce que j’ai pris la peine de lire le programme de Sirois et Legault).
@ chasseur d’épais
Votre surnom est ridicule. Il empeste votre déraison sociale.Vous avez de l’esprit. Servez-vous en pour corriger nos erreurs, pas pour nous emmerder. Dites-nous votre idée sur le monde et ne désespérez pas de notre intelligence à bien vous comprendre. Sinon j’ai bien peur qu’il va falloir la tirer bientôt, votre chasse à chiasse…
je suis désolé mais vous comprendrez que ce que vous me demandez, soit changer d’identité, m’est impossible. vous vous imaginez, vous, commenter sous un autre pseudonyme que jean-claude bourbonnais?
de plus, changer de nom ne me ferait pas changer de propos… alors à quoi bon?
finalement, je conçoit difficilement que pour vous, il soit plus condamnable de commenter intelligemment sous un pseudo tendancieux que d’envoyer des pétarades d’insultes sous une identité plus traditionnelle. voir jean-serbe baribeau, sociologue des médias, ci-haut, pour un bel exemple.
Tu t’es fait des nouveaux amis à ce que je vois, chasseur…