Le 24 avril dernier, par le biais d’une chronique publiée dans les actualités du Conseil de presse du Québec, Fabienne Vinet proposait un Regard de la presse sur la grève étudiante, tentant ainsi de dresser un bilan de la couverture médiatique du conflit.
Invité à se prononcer sur cette question, Jean-Jacques Stréliski affirmait: «Les étudiants ont court-circuité les médias traditionnels par le système des réseaux sociaux, que de grands groupes comme Quebecor contrôlent très mal. Les étudiants ont donc fait un travail admirable parce que malgré que le plus pesant des joueurs de l’information soit contre eux, ils sont arrivés à gagner la bataille de l’image et de l’information.»
Ce constat est indéniable et repose sur une sorte de démographie numérique. J’ai utilisé pour ma part, par le passé, le terme «cyberboom» pour englober ce phénomène. L’idée est assez simple: si les baby-boomers étaient – et sont toujours – plus nombreux, assez pour peser plus lourd dans la balance de l’opinion publique, les jeunes d’aujourd’hui occupent quant à eux une plus grande place au sein du cyberespace, ils possèdent et maîtrisent les outils de communication et commencent à occuper des postes stratégiques dans des entreprises médiatiques ou développent des médias alternatifs qui ont une influence certaine. On n’a qu’à penser à l’excellent travail fait sur le terrain par CUTV, la webtélévision des étudiants de Concordia, lors des récentes manifestations.
Je vois habituellement d’un assez bon œil une telle occupation de l’espace numérique par une jeunesse soucieuse de se faire entendre alors que, inexorablement, la voix des sondages de masse jouera le plus souvent contre elle, démographie oblige.
Toutefois, si on peut difficilement contester que les jeunes – et, donc, les étudiants – parviennent à gagner quelques parcelles de terrain inoccupées par les médias de masse tout en effectuant de bonnes percées au sein des bulletins de nouvelles, il y a de quoi s’interroger sur les résultats obtenus quant à la qualité du débat public. Certes, nous avons maintenant des moyens alternatifs de communication, mais peut-on en déduire que nous obtenons ainsi un débat public renouvelé, voire enrichi?
Rien n’est moins sûr.
Il semble que dans bien des cas, on mette plus d’énergie à singer l’ennemi qu’à développer une réflexion et une information bonifiées. Les dénonciations en règle de ceux qui osent déroger au port du carré rouge, par le biais de photomontages pas toujours réussis et de hauts cris rarement convaincants, partagés et repartagés, répondent le plus souvent, comme un miroir, aux sottises sur les étudiants proférées par le maire Gendron à la télévision. Il ne faut pas chercher bien longtemps pour découvrir, dans les médias sociaux, des apôtres du martinisme, nouvelle école de pensée selon laquelle il faut tirer sur tout et le plus vite possible sans réfléchir. Il suffit de voir comment on traite ceux qui s’aventurent à demander des injonctions pour contester la suspension des cours – ce qui est leur droit le plus strict –, l’argument ad hominem n’étant plus désormais un moyen, mais une fin en soi. Arielle Grenier, par exemple, cette étudiante «verte» qui a fait la manchette notamment lors de son passage à Tout le monde en parle, est vite devenue la tête de Turc. C’est une conne et c’est tout. Même la couleur de ses cheveux a pu, pour certains, servir d’argument. Plus inquiétant encore, des personnalités plus connues, assez promptes en temps normal à en appeler à la pensée critique et assez fières de leur prose qu’elles proclament originale, ont vite trouvé leur place dans ce concert d’insultes joué à l’unisson, criant chaque fois à l’antidémocratisme et à la bêtise. Rien de moins, mais surtout rien de plus.
On a trouvé peu d’espace et de temps, dans cette foire d’empoigne sous le chapiteau des médias sociaux, pour discuter du droit d’association – qui inclut sans aucun doute le droit de non-association – et du sens du mot «démocratie» au sein duquel «démo» ne signifie pas «majorité» et encore moins «sondage favorable»… Mieux encore, il semble même que le fond du débat et les choix de société inhérents à l’éducation aient été complètement ensevelis par une partie de ping-pong de spins et d’évidences éclatantes.
Se pourrait-il que face au bruit incessant des médias de masse, où se succèdent des bribes de pensées en clips et des commentaires à la va-comme-je-te-pousse-jusqu’à-la-météo, nous n’ayons rien trouvé d’autre comme solution de rechange que de tenter de crier plus fort? Se pourrait-il qu’alors que les puissants outils informatiques mis à notre disposition devraient faciliter la tenue d’un débat «citoyen», nous en soyons réduits à reproduire individuellement le même jaunisme que nous dénoncions quelques clics plus tôt?
Posons la question en clair: si les médias de masse sont devenus des appareils idéologiques d’État – critique chère à la gauche dans la seconde moitié du 20e siècle –, se peut-il que les médias sociaux deviennent lentement, peu à peu, des appareils idéologiques personnels?
Cette question est loin d’être banale. Dans la même chronique citée ci-haut, Dominique Payette, professeure et auteure du récent rapport sur l’avenir de l’information au Québec, affirmait, en remettant en question l’objectivité des médias dans le conflit étudiant, qu’il est «extrêmement difficile pour un citoyen de se construire une vision critique d’un débat polarisé parce qu’à moins d’être un journaliste, on lit généralement un seul média, celui qu’on aime».
Celui qu’on aime… L’idée est lancée et, assez curieusement, elle englobe l’essentiel des liens dans les médias sociaux. Il ne s’agit plus de s’intéresser à un média, une firme, un mouvement ou une personnalité… Il est désormais question d’aimer! Tout le réseau où circule l’information à l’ère des nouveaux médias repose sur des liens «amoureux». Le problème pointé par Dominique Payette, qui concerne le rapport du lecteur avec son média favori, se trouverait ainsi, peut-être, reproduit à grande échelle… On lit certes plusieurs personnes, plusieurs canaux, mais toujours ceux qu’on aime. Nous avons peut-être diversifié les sources, créant ainsi un sentiment de voix alternatives, mais ce faisant, il est loin d’être acquis que nous ayons créé un climat favorable au discernement et à la critique.
Il semble que pour quelque temps encore, dans le feu de l’action, nous soyons d’une certaine manière condamnés à ne pas réfléchir. C’est de bonne guerre. Nous sommes encore, sans doute, assourdis par le bruit médiatique auquel il faut répondre au jour le jour par tous les moyens possibles. C’est le même genre de technique qu’utilisent les policiers pour disperser les foules… Le bruit, le plus fort possible. Espérons qu’à terme, alors qu’il sera plus facile de prendre une certaine distance critique, nous serons à même de briser les maillons du réseau qui, loin de permettre une réelle réflexion sociale, ne font que refermer les cercles restreints des amours virtuelles.
Très intéressant ! Il est vrai que le jeu des amis Facebook nous donne l’impression d’avoir un point de vue qui est partagé par une majorité. Rien d’étonnant, le noyau de ce réseau consiste en un amas d’amis qui partage déjà une même base idéologique. Si je suis chrétien, je risque fort d’avoir des amis chrétiens qui ont des amis chrétiens, si je suis libéral alors j’ai des amis libéraux qui ont… La meute est là, prête pour une chasse aux sorcières. Si les étudiants ont eu l’impression d’avoir un certain appui suite à leur occupation des médias sociaux, ils se sont peut-être leurrés en même temps sur l’importance de cet appui. Miroir miroir, dis-moi que j’ai raison. Narcisse contemple la beauté de son intelligence à travers un réseau qui pense comme lui, ou, Narcisse pense comme le réseau pour contempler la beauté de son intelligence. Qui sait !
J’ai vécu l’expérience difficilement sur facebook. Ayant choisi mes amis parmi tous les horizons, pas seulement selon mes goûts. Ce fut terrible, je n’en dirai pas plus pour le moment.
Je noterai seulement que cette crise s’est déployée sans filtre dans ma page. Ce fut aveuglant, mais révélateur. Les réseaux sociaux m’ont permis de voir en temps réel la grande détresse des artisans de ce qu’on peut nommer les Sciences Humaines. Écrivains, sociologues, cinéastes, philosophes, voilà des gens hors d’eux-mêmes. Toutes ces pétitions ridicules contre des chroniqueurs, qui n’ont pas l’air de déranger outre-mesure les aristos qui règnent à la FPJQ, ces insultes, certaines diffamatoires, ces caricatures et autres amalgames entre photos de ministres et personnages grotesques de bandes dessinées…vraiment, c’est la débâcle de l’intelligence, ici, un naufrage.
J’y reviendrai.
Qu’on me permette surtout de mettre en évidence la grande réussite, la seule, peut-être de cette mascarade, le renvoi hors de l’université de l’écrivain, sa marginalisation fort bienvenue à mon avis, qui lui redonnera son habit du pauvre, selon la belle expression de Jean Larose. Une pauvreté qui ne l’humiliera pas, bien au contraire, car elle le délestera d’une fraude magistrale, cette croyance que la littérature s’apprend à l’université.
Nous aurons des écrivains ingénieurs, des poètes mécaniciens, des philosophes fil-de-ferristes, des médecins musiciens et des fous capables d’écrire sans faute des romans magnifiques qui ne seront jamais lus ni récompensés de leur vivant.
La vie est ailleurs, qu’on se le dise à L’UQUAM!
Nous avons toujours eu des «médecins musiciens». L’astronaute Julie Payette, ingénieure informaticienne, est violoncelliste! Et parle six langues. En plus d’être pilote. Je ne vois pas ce que cette belle envolée poétique vient faire dans un débat de société extrêmement important.
Certains sont extrêmement insensibles à la désinformation, au dénigrement et à l’âgisme contre les étudiants. On répand des sophismes et des messages haineux contre eux AUSSI, allant même jusqu’à publier leur adresse.
Une avocate qui écrit dans Voir (!) http://voir.ca/veronique-robert/2012/04/17/judiciarisation-dun-mouvement-social/ dit que les associations étudiantes sont légalement reconnues et ont le droit de grève, que nous avons justement une loi anti briseurs de grève.
Et puis il y a des boomers qui soutiennent les étudiants. Dur de faire autrement quand on voit à quelle vitesse les frais augmentent. Mes propres frais de scolarité à la maîtrise avaient déjà doublé entre 1996 et 2001 mais, commodément, on l’oublie. Et là ils vont se farcir une hausse de 82% alors qu’ils sont déjà endettés.
Les diplômés sont censés être des moteurs économiques. Ce n’est pas en les endettant ainsi à vie qu’ils vont pouvoir jouer ce rôle.
Mais surtout, l’éducation n’est pas une marchandise.
Mme Aline, en étudiant vous investissez sur vous même. En voilà un faux débat empreint de démagogie. Nous faire croire que les études sont de la marchandisation. Mais, à force de répéter une fausseté, on finit par y croire. Ça devient l’équivalent d’un postulat. Autre chose, une augmentation à la hauteur de 17% d’un coût réel pou une année universitaire est perçue comme 75% (dans votre cas 82%) d’augmentation. Mais le plus gros chiffre est toujours un meilleur vendeur quand on veut passer pour les victimes d’un système qui veut empêcher les jeunes plus défavorisés à accéder aux études universitaires. Chère madame, 1 gars sur 3 et 1 fille sur 5 n’auront aucun des diplômes du secondaire à cause du décrochage scolaire. le secondaire c’est gratuit. Alors pour un bac de 17 ans, dont 14 années sont gratuites (Cépep) je crois qu’on a vraiment fait de l’enflure politique et qu’effectivement certaines personnes ont réussi à convaincre pour créer cette crise de toute pièce. Printemps érable? Non, printemps misérable.
» de 17% d’un coût réel pou une année universitaire est perçue comme 75% (dans votre cas 82%) »
(1) C’est quoi le cout reel d’un DEP ou d’un DEC … et c’est quoi la juste par que ces gens devraient payer ?
(2) Pourquoi comme universitaire je finance les etudes jusqu’au marche du travail de ces gens qui decident d’arreter avant ?
Alors que ceux-ci vont acquerir des biens (maison, condos, char, …) … plus tot que certains universitaires … et tres souvent avec un salaire equivalent.
Elle est ou l’equitte …
—
« quand on veut passer pour les victimes d’un système »
Ecoutez …
Moi ce que je vois c’est des familles qui tente de passer pour des victimes alors qu’on investit dans les l’ecole prive, des spas et des fin de semaine dans le nord …
Le mythe du contribuable a bout de souffle on l’entend a tour de bras alors pour votre spin …
Ce que je vois c’est des gens qui ont fait des etudes plus courtes qui vont se plaindre de payer pour les universitaires alors que les universitaires paient pour eux …
Plus de 80 % de la population n’a pas de diplôme universitaire. Difficile alors pour les étudiants d’avoir l’appui de cette population. Surtout qu’un bon nombre d’entre eux se retrouvent à travailler sous des professionnels qui n’ont, dans certain cas, aucune pudeur à exprimer leur condescendance vis-à-vis les moins instruits et les moins riches de la société. C’est une réalité que les étudiants n’ont pas encore touché et qui existe bel et bien dans le monde du travail.
La population pourrait comprendre que le seul système qui permet l’accessibilité à tous aux études supérieures est la gratuité. Comme c’est le cas pour les études secondaires et collégiales.
Mais est-ce bien ce que veut les classes mieux nanties de la société, je ne le crois pas.
Premièrement: excellent texte.
Deuxièment:
« Se pourrait-il qu’alors que les puissants outils informatiques mis à notre disposition devraient faciliter la tenue d’un débat «citoyen», nous en soyons réduits à reproduire individuellement le même jaunisme que nous dénoncions quelques clics plus tôt? »
Question: Dans quel contexte ces critiques de « jaunisme » sont-elles faites?
Réponse: À peu près toujours lorsque c’est notre ennemi qui en est coupable.
C’est donc dire qu’il ne s’agit pas vraiment d’une critique du discours, mais seulement d’un autre coup de poing dans un combat qui ne devrait pas en être un.
Aussi, déplorer la qualité du discours publique, c’est en même temps se permettre de ne pas relever le discours publique car, alors qu’on se lamente, on s’évite d’avoir à faire les efforts nécessaires pour être un participant positif dans la discussion tout en récoltant le mérite d’être soucieux d’améliorer la situation.
De la même manière, quelqu’un pourrait déplorer des journées entières que sa plomberie fonctionne très mal et, lorsqu’on lui fera remarquer que, s’il est si troublé par cette situation, il devrait y faire quelque chose, il pourra toujours vous dire qu’il a le mérite de l’avoir fait savoir à tout le monde, que ça le préoccupe beaucoup, qu’il ne parle d’ailleurs que de ça.
Mais la vérité, c’est qu’il ne veut pas que sa plomberie fonctionne.
De même, je soupçonne qu’à peu près personne ne veut d’un débat rationnel. On me dira que c’est faux et je dirais « avez-vous lu le dernier budget où le gouvernement explique son plan de réduction de la croissance des dépenses? » et on me répondra que c’est bien trop long.
Trop long pendant 13 semaines.
@ Aline
le ciel, il n’est ni rouge, ni vert , ni rose. Et il ne s’encombre pas de vains mots. Il nous transporte, si au moins on se laisse rêver en le voyant.
Julie Payette se promène dans tous nos ciels parce qu’elle N’EST PAS ÉCRIVAINE !
Alors faites silence et allez donc jouer dehors. Dehors comme Rimbaud, le grand ennemi de toutes les ostis de sortes d’universités!!
Complètement incohérent et ne mérite pas de réponse.
« Les étudiants ont court-circuité les médias traditionnels par le système des réseaux sociaux, que de grands groupes comme Quebecor contrôlent très mal. Les étudiants ont donc fait un travail admirable parce que malgré que le plus pesant des joueurs de l’information soit contre eux, ils sont arrivés à gagner la bataille de l’image et de l’information. »
(1)
J’aime mieux ca que les nombreux spineux qui sevissent dans les medias traditionnels …
Des editorialistes qui vont revenir et revenir avec le meme message …
Martineau est rendu a combien de texte contre la greve ?
Ensuite pour les commentaires …
N’importe qui qui regarde les commentaires de radio canada voit qu’a certains moment les militants liberaux semblent beaucoup plus nombeux.
Et donc dans le fond … bravo aux etudiants d’avoir compris que la « game » elle se joue aussi la … et d’avoir su utiliser les moyens a leur disposition …
C’est sur que certains manipuleux … comme ce type en communication qui evoquait dernierement que c’est plus difficile de faire passer son message maintenant … c’est avec une profonde profonde tristesse que j’ecoute ce poignant temoignage … tres sincerement qui peut rester de marbre devant
une telle situation …
—
(2)
« Il semble que pour quelque temps encore, dans le feu de l’action, nous soyons d’une certaine manière condamnés à ne pas réfléchir. »
Le probleme c’est qu’on peut bien sur reflechir … les positions des etudiants sont tres articulees et se fondent sur de nombreuses idees et etudes.
La realite c’est qu’on peut bien proposer des etats generaux sur l’education … des reflexion tres profondes sur la mission des universites … comme certains le fond dans des lettres ouverte ou en blogue …
mais la « game » essentiellement elle se joue pas la pour le moment … dans la mesure ou les recteurs et le PLQ en veulent pas de ces reflexions …
Et de plus …
C’est quoi l’impact d’un tres beau texte et profond si on lui donne pas une resonnance … qui se rappelle ici des lettres avec petition signe par des milliers de gens des pour la laicite ouverte ? Celle de l’autre groupe pour la laicite ? Perdu dans le cyberespace …
Et donc ces belles lettres dans les journaux aurait un impact limite … un texte avec une couple de commentaire qui reste en archive … dans le devoir, dans cyberpresse ou voir.ca …
Par contre avec les reseaux sociaux sa donne de la resonnance aux discours et ces lettres dans les journaux ou textes de blogues prennent une autre ampleur …
Et pour ma part je dirais … que
le debat de societe il se fait parce que du monde font du piquet et manifeste et que le message est envoye a de tres nombreux ciotyens par les reseau sociaux … que les videos sont envoye d’amis en amis …
Bravo aux etudiants …
Chrisse, chus d’accord avec toi. Ben coudon.
Cher Simon ton texte est très intéressant! Je me permets de présenter l’un de mes textes publiés dans Cyberpresse. Mon grand et impardonable oubli, de sont LES MÉDIAS SOCIAUX.
*****Le mouvement estudiantin: les six protagonistes*****
Publié08 mai 2012 à 16h10
Mis à jour le 08 mai 2012 à 16h12
Jean-Serge Baribeau
Sociologue des médias et écrivain public
Comme de nombreux citoyens, j’ai été médusé et littéralement «scié» lorsque mon téléviseur m’a fait voir ou entrevoir ces policiers qui, à Victoriaville, «lançaient» des gaz et frappaient allégrement et de manière apparemment injustifiée sur les crânes des manifestants estudiantins.
Bien évidemment, on me fera savoir, parfois avec une causticité mordante, que les «casseurs» font partie des protagonistes d’une telle crise, ce qui est plutôt évident. Je pourrais concocter une longue dissertation sur ces fameux casseurs. Au cours de ma vie, j’ai participé à beaucoup de manifestations et presque toujours il y avait des casseurs. Le mot «casseur» peut désigner une multitude de personnes liées à certains mouvements ou «partis».
Il y a une trentaine d’années, un maoïsme primaire, stalinien, dévastateur et coupé de la réalité des sociétés développées a cannibalisé la société québécoise. Il y avait trois groupes marxistes-léninistes et maoïstes, pas mal baveux.
L’un de ces trois groupes, le PCCML (le Parti communiste canadien marxiste-léniniste), prônait la violence et la hargne et était présent dès qu’il y avait une manifestation. Les adeptes de ce parti étaient des «casseurs professionnels» et une rumeur circulait, rumeur selon laquelle ce parti «violent» et «dangereux» était infiltré par les policiers, lesquels servaient d’agents provocateurs.
On prétend que les policiers infiltraient alors de nombreux mouvements et partis. Selon les tenants de cette thèse, les policiers infiltrés auraient encouragé la violence, espérant ainsi faire oublier le pourquoi des manifestations et d’amener la population à condamner ces manifs.
Ce qui s’est passé à Victoriaville me laisse perplexe et inquiet. Je sais qu’il y a eu, à un moment donné, des casseurs (qui étaient-ils?) qui ont, de diverses manières, provoqué les policiers. Mais les manifestants estudiantins, probablement très pacifiques pour la plupart d’entre eux, ont été réprimés, gazés et matraqués d’une manière inacceptable. Cela rappelait un peu les événements de Toronto.
À l’occasion de ces événements, j’ai eu l’impression que certains journalistes ont manqué de discernement et ont présenté le côté spectaculaire de l’événement. Ce qui comptait pour de nombreux représentants des médias, c’était de présenter un spectacle sensationnel, ce qui faisait oublier les enjeux de cette crise de grande importance. Et de très nombreux citoyens ont probablement été dupés et conditionnés, ce qui a rapetissé l’appui aux étudiants et à leurs revendications, légitimes selon de nombreuses personnes.
En somme, il y a eu (et il y a encore) six protagonistes principaux dans cette crise.
D’abord, de très nombreux étudiants, vraiment frustrés par la politique du gouvernement libéral.
Aussi, les politiciens, électoralistes et obsédés par le pouvoir.
Il faut ajouter les policiers, lesquels sont, dans une certaine mesure, le bras armé du pouvoir et de l’ordre établi.
N’oublions pas, dans cette liste, les «casseurs» sur lesquels il y aurait tant à dire.
Mentionnons aussi les médias, lesquels ont, dans une large mesure, amené certains secteurs de la population à condamner le mouvement étudiant.
Parmi ces protagonistes il y a aussi la population, laquelle a, dans une certaine mesure, été leurrée et soumise à une propagande, souvent dissimulée. Information et propagande, ce sont là des entités théoriquement distinctes.
Je conclus en disant que toute analyse simpliste de cette crise ne peut que favoriser le mensonge et l’amoindrissement des objectifs de ce mouvement étudiant que je me permets de féliciter avant de clore cette courte (ou trop longue) dissertation.
L’auteur est sociologue des médias et écrivain public.
Il a enseigné la sociologie pendant presque 40 ans, d’abord dans un collège classique et ensuite dans un cégep.
La marchandisation des études, c’est dire que les études doivent être uniquement utilitaires, dénigrer l’avancement de l’humanité dans les domaines non mercantiles. Et éliminer les cours et les programmes visant à former l’esprit critique et la remise en question du statu quo.
On voit qu’il y en a qui manipulent des concepts dont ils ne connaissent rien.
On pourrait soutenir, et je pense avec assez de succès, qu’aucune des choses dont vous venez de parler ne nécessite de diplôme ou un seul sous des contribuables du Québec.
Si les compétences que vous mentionnez n’ont effectivement aucune valeur mercantile, alors c’est dire que le diplôme qui leur est attaché ne sert absolument à rien où à peu près, puisque la formation qu’il représente n’a aucune espèce de valeur marchande. À quoi peuvent bien servir des accréditations dont les employeurs se contrefichent?
Vous me direz que je ne vois que l’argent, et je répondrai que c’est pourtant la seule chose que vous réclamez. Je ne crois pas qu’il existe une seule demande en provenance des étudiants qui ne soit pas chiffrable et, donc, monétaire.
Les études ne sont pas seulement un «investissement sur moi-même».
Quand quelqu’un devient médecin, est-ce seulement pour faire de l’argent? Certains semblent le penser.
Les pays les plus pauvres sont aussi les plus illettrés. C’est l’œuf et la poule.
On n’étudie pas que pour soi.
Je lance ça comme ça…
Plusieurs pays d’Amérique Latine, pauvres, offrent l’éducation universitaire gratuite ou à un prix peu élevé.
Est-ce parce qu »ils croient que l’éducation de leur population est le meilleur moyen de se détacher des conditions de pauvreté auxquelles ils sont confrontés? Croient-ils que l’éducation est un moteur qui a un impact collectif très important, et non pas qu’individuel?
Les étudiants ont donc fait un travail admirable parce que malgré que le plus pesant des joueurs de l’information soit contre eux, ils sont arrivés à gagner la bataille de l’image et de l’information.»
Je suis complètement en désaccord avec cette affirmation. Les étudiants on perdu la bataille de l’information. Ils ont été battus à plate couture, écrasés, laminés.
Pourquoi ? Parce que le gouvernement et le pouvoir économique contrôlent le discours médiatique. Même si on est en désaccord avec eux, ils dictent l’agenda, imposent leur vocabulaire.
Ainsi dans la pensée collective, «juste part» est associée à une contribution financière accrue des étudiants. Violence rime avec «violence étudiante». «Socialement responsable» évoque le fait d’accepter ou d’être pour la hausse.
Ces concepts dominent l’inconscient collectif. «Répétez un mensonge assez souvent et il devient une réalité». C’est exactement la tâche à laquelle s’appliquent consciencieusement les media. Et chacune des notions citées en exemple constitue une contre-vérité, un mensonge indéfendable de quelque façon que ce soit.
– «Juste part» réfère à une notion de justice et d’équité. De quelque perspective qu’on se place, justice ou équité intergénérationnelle, entre les classes sociales, niveaux de revenus, etc. il n’y a aucune où l’examen des faits ne nous crie au visage l’inéquité et l’injustice de la hausse.
– Peut-on parler de violence étudiante quand les étudiants nous ont servi une magistrale leçon de démocratie et de pacifisme, en près de 200 manifestations. Dont certaines ont rassemblé jusqu’à plus de 200,000 personnes, ce qui fait au total plusieurs dizaines millions de manifestants. Pour quels dégâts matériels ? l’équivalant du salaire d’une couple des policiers dépêchés pour une seule de ces 200 manifs ?
Une couple de vitrines, oeuvre de casseurs infiltrés bien difficiles à contrôler. Et possiblement à la solde des autorités, ou noyautés par des agents provocateurs, si on se fie au passé.
– De quelle façon «Socialement responsable» peut-il être associé à un appui à la hausse ? Sous l’angle de la justice ou de l’équité, c’est tout le contraire. Sous l’angle économique ou budgétaire idem. L’idée de ne PAS financer les études de nos enfants est une absurdité totale du point de vue économique. Il n’y a pas d’investissement plus rentable pour une société. L’équivalent pour le fermier de l’achat des semences. Il sait qu’il épargner sur tout, sauf sur l’achat de ses semences !
Partout dans les media de masse, on nous martèle ces notions sans jamais les contester, s’interroger, on fait passer les plus grossiers mensonges pour des vérités. Et le gouvernement Charest augmente sa popularité sur ces mensonges qui abusent et polarisent la population. Oui, les étudiants ont vraiment perdu la partie.
« Il semble que pour quelque temps encore, dans le feu de l’action, nous soyons d’une certaine manière condamnés à ne pas réfléchir. »
Monsieur Jodoin, nous tâcherons de vous faire mentir ;-)
@Aline
Madame, soyez rassurée. Je suis encore plus incohérent quand je n’écris rien…
C’est tellement triste de constater toute la haine et l’arrogance de cette grève. Je souhaite la paix du coeur pour tout le monde. J’ai beaucoup de compassion !
Bon courage et je souhaite sincèrement le meilleur pour tout le monde!
Sincèrement, Carole