Cette semaine, donc, comme vous l’aurez lu dans la chronique de mon collègue Tristan Malavoy-Racine et sur mon blogue, je dois m’appliquer à devenir le rédacteur en chef de l’hebdo culturel que vous tenez entre les mains ou que vous lisez sur votre écran.
Et avec ce rôle vient aussi la mission hebdomadaire de vous écrire quelque chose. Je chronique depuis assez longtemps, ici et ailleurs, mais d’une manière plutôt décontractée. Sur le Web surtout. Je vais peut-être vous étonner, mais assez curieusement, le Web est un média beaucoup plus lent et relâché que la presse écrite et imprimée. Cette dernière ne pardonne pas. Vous avez un espace compté, limité, une date de tombée précise et non négociable. L’imprimeur n’attend pas, le chauffeur du camion qui livre les exemplaires aux points de distribution non plus. Pire encore, plus question d’apporter des corrections. Il s’agit d’une mécanique moderne, basée sur des engrenages, des transports, des moteurs à explosion.
Le Web est beaucoup plus nébuleux, flou, permissif… Et si je vivais dangereusement, je vous dirais peut-être que la forme de l’outil influence le fond du discours qu’il produit…
Mais je vieillis et aspire à la sécurité… Donc non, je ne vous le dirai pas.
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«Mais il va donc falloir que tu aies une opinion sur tout!?!»
Ça tombe assez bien, car voyez-vous, j’ai justement une opinion sur tout.
Une seule en fait, qui peut servir pour tous les sujets.
Il s’agit en quelque sorte d’un pari phénoménologique: tout ce qui apparaît aux sens humains est potentiellement une connerie.
Doutez de tout… Pour le reste, ça devrait aller…
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Plus sérieusement, je sais, il faudrait bien éventuellement que je vous présente une ligne éditoriale et quelques orientations qui sauront aiguiller la direction que prendra Voir à moyen terme.
Faisons au moins taire la rumeur. Il s’en trouvait cette semaine pour prendre le beau risque du «on dit que»… Selon des sources improbables, la version papier de notre hebdomadaire vivrait ses derniers jours et nous planifierions de publier uniquement sur le Web.
Je ne sais trop qui, au monde, a élaboré cette théorie fumeuse pour la couler à mes collègues journalistes et commentateurs médias de tout acabit. Peut-être même que dans certains cas, le «on» du «on dit que» est aussi le «je» du «je pense que»… Mais je peux au moins vous confirmer que c’est faux. Voilà, c’est dit. Nous n’avons aucun virage strictement numérique dans nos cartables.
La seule chose qui change, c’est qu’il ne sera plus question, ici, de «nouveaux médias», opposés aux «médias traditionnels». Nous avons un média, Voir, dont les diverses parties forment un tout, un système au sein duquel tous les éléments remplissent des fonctions nécessaires. Le journal en papier est un de ces éléments.
Je sais, je sais, vous attendez tous impatiemment le jour où nous pourrons vous envoyer des contenus par wifi directement dans votre cerveau, mais ce n’est pas demain la veille. En tout cas, pas de notre côté de la patinoire. Le papier demeure toujours notre principal moteur économique. Pour mon plus grand bonheur, d’ailleurs.
Et il y a là, peut-être, la base d’une ligne éditoriale, justement… C’est déjà quelque chose de distribuer toutes les semaines, dans les métros, les épiceries, les dépanneurs, les restaurants et autres commerces, un journal avec en première page un artiste ou une création. Je vois cela comme une sorte de transgression du beige et du jaune, comme une percée dans la froide mécanique du quotidien. Peut-être même quelque chose comme de la résistance. Il faut bien faire ce constat: ce qui se passe dans la tête des artistes et des créateurs a complètement été éradiqué des processus d’informations quotidiennes. Sur les chaînes télé, on ne compte plus les tribunes sportives et la couverture en long et en large de tournois en tous genres. On passe même plus de temps à vous parler de météo que de création.
Récemment, les grands médias se sont même mis à couvrir en temps réel et en boucle les manifestations étudiantes. Tout un public ébahi semble avoir découvert spontanément que, tenez-vous bien, il se passe quelque chose dans la tête des individus! Mieux encore, les citoyens seraient capables d’imaginer le monde autrement, de rêver, de se costumer et de déambuler dans les rues!
…Un peu comme si nous avions oublié que c’est justement ce que les artistes et les créateurs font à longueur de journée et même la nuit…
…Peut-être bien, aussi, qu’eux-mêmes l’avaient oublié. Peut-être…
Partons donc de là, de ce constat, que la culture, fondamentalement, est un moment dans l’évolution humaine où l’individu se demande «pourquoi pas?» et où la certitude est remise en question. Un moment où le simple enchaînement des causes et des effets peut être dérangé, brisé, pour laisser entrevoir de l’incroyable. Voilà déjà le début d’un commencement de ligne éditoriale…
Doutez de tout… Surtout de vous-même.
Ça vous va comme introduction?
Et moi qui écrivais et répétais ces derniers jours que Voir s’orienterait très possiblement davantage vers l’axe culturel… vous me donneriez ainsi raison, Monsieur Jodoin? Car, si ces quelques mots à propos d’artistes et de création peuvent s’avérer de discrets indices…
Au moins un peu raison, donc?
Si oui, quelle bonne nouvelle! Merci beaucoup.
(Et puis, j’aime bien le papier. Même si je ne m’adonne jamais à l’origami…)
Petite question – impertinente – au nouveau rédacteur en chef: tout ce qu’a écrit Josée Legault est-il toujours accessible pour celles et ceux qui voudraient relire?
Autant les billets que les commentaires?
On dirait en fait – presque – que son passage ici aurait été effacé.
Mais, incompétent comme je le suis en matière informatique, je n’ai probablement pas su trouver mon chemin vers ses billets. Je ne suis pas tombé «dans la marmite», comme mon fils dans la vingtaine…
Question pas si impertinente que ça. Mais je n’ai pas besoin d’être rédacteur en chef pour vous répondre… :-)
Tous les écrits de Josée Legault, comme ceux de tous les chroniqueurs et journalistes qui sont passés par le Voir (pour autant qu’ils aient étés inscrits dans les bases de données de voir.ca) sont toujours disponibles et demeureront en ligne. Ce sont nos archives. Il est même toujours possible de les commenter. Cela est vrai non seulement pour Josée, mais pour ses prédécesseurs.
Il suffit de suivre les URL de son blogue et de ses chroniques.
Les chroniques se trouvent donc ici:
http://voir.ca/section/chroniques/voix-publique/
Et son blogue n’a pas changé d’adresse:
http://voir.ca/josee-legault/
De plus, en remontant le fil du temps dans nos archives par numéros, vous y trouverez toutes les chroniques du passé.
Voilà voilà.
S.
Merci beaucoup, Monsieur Jodoin!
Pour votre autre question plus haut, je n’ai pas eu ni pris le temps de lire les diverses discussions entourant le mouvement de personnel de la semaine dernière. Vous comprendrez sans doute qu’il y a une bonne pile de choses à faire sur mon bureau en ce moment.
Ce que je peux dire en tout cas, sans vouloir trop m’avancer, c’est que toutes les options sont sur la tables mais que je travaille déjà à deux objectifs que je tenterai d’atteindre d’ici la rentrée.
[1] Dégager beaucoup beaucoup d’espace pour la couverture culturelle et le travail de mes collègues journalistes. À ce titre, nous allons bientôt agrandir de l’intérieur -à défaut de pouvoir ajouter un nombre substantiel de pages- en retirant certains calendriers dans la version imprimée.
[2] Mettre en place une section « actualités » plus orientée vers les débats de culture et de société, notamment en permettant la prise de position de nouveaux intervenants et même des acteurs de l’industrie culturelle. Les enjeux dépasseront sans aucun doute les strictes limites des « arts et spectacle », pour embrasser la culture au sens large (ce qui inclut, évidemment, « le » politique et l’économie…).
Voilà voilà…
S.
Encore une fois merci, Monsieur Jodoin, de démontrer votre souci de faire de Voir une meilleure publication.
Nous vous appuyons tous!
« je n’ai pas eu ni pris le temps de lire les diverses discussions entourant le mouvement de personnel »
Vous pouvez avoir un eventail dans le dernier billet de Josee Legault.
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« Ce que je peux dire en tout cas, sans vouloir trop m’avancer, c’est que toutes les options sont sur la tables »
Sur la forme …
Pour moi quand je lis ou entend » toutes les options sont sur la tables » ca me fait penser a Gerald Tremblay qui avant les dernieres elections evoquait cela concernant les taxes … et puis qui annonce les hausses apres l’election …
Esperons qu’on soit pas seulement dans la rhetorique.
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« . Les enjeux dépasseront sans aucun doute les strictes limites des « arts et spectacle », »
Bel euphemisme … dans mon esprit … c’est ben evident que « les strictes limites des arts et spectacle » nous amene dans autre chose …
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« Mettre en place une section « actualités » plus orientée vers les débats de culture et de société »
Et donc dans le fond si on veut etre plus clair … moins oriente vers quoi ….
@Ian… « Pour moi quand je lis ou entend « toutes les options sont sur la tables » ca me fait penser a Gerald Tremblay qui avant les dernieres elections evoquait cela concernant les taxes… et puis qui annonce les hausses apres l’election…
Esperons qu’on soit pas seulement dans la rhetorique. »
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Malheureusement (ou fort heureusement, en fait) j’ai assez peu de prise sur ce qui se passe dans votre esprit lorsque j’écris des mots. Je peux vivre avec ça.
Ainsi, c’est à peu près tout ce que je peux répondre à votre commentaire…
Bonne soirée et au plaisir.
S.
Si on peut terminer ses études secondaires sans jamais avoir touché un sujet social, philosophique, historique, artistique, moral ou religieux, de quoi voulez-vous qu’on vous entretienne sinon des résultats sportifs de la veille? C’est probablement ce qui est le plus apprécié, d’ailleurs : l’univocité du score. On veut savoir qui gagne et qui perd. Entre les deux, on s’en fout. C’est vrai que le monde est rendu compliqué mais ce n’est pas une raison pour devenir simple. « Que vos enfants soient dans le doute, c’est déjà un minimum » Christian Pacoud