Comme toujours, au lendemain de forts mouvements de protestation, on se demande quelle forme concrète pourrait prendre la suite des choses. Ne vous en déplaise, l’objectif ultime des mouvements comme Occupons Montréal n’est pas de revendiquer le droit de faire du camping urbain. De même, les manifestants depuis quelques mois au Québec ne réclament pas le droit de porter le carré rouge ou de marcher dans les rues le soir tombé.
C’est le genre de problème auquel fut confronté Dominic Champagne, par exemple, à la suite de la manifestation du 22 avril dernier. Lorsque tu as réussi à faire descendre des centaines de milliers de citoyens dans la rue pour la défense du bien commun, le lendemain matin, tu fais quoi?
C’est à cette question que tente de répondre un collectif de citoyens auquel prennent part de nombreux artistes et personnalités sous la bannière Appel au front uni. Leur suggestion? «L’union des partis indépendantistes et progressistes en vue des prochaines élections» afin de déloger, enfin, les libéraux de Jean Charest qui, si l’on en croit les sondages, pourraient peut-être, malgré l’insatisfaction presque généralisée, l’emporter lors du prochain scrutin.
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À la première lecture de cette position commune, on comprend d’abord que l’union des progressistes s’oppose avant tout au conservatisme qui gangrène le gouvernement actuel. Voilà un constat tout à fait justifié dont il faudra un jour bien saisir l’ampleur. Lorsque le conservatisme se dissimule sous le masque d’une bannière «libérale», inquiétez-vous.
Mais une question encore non résolue et assez embarrassante mine l’autre versant de cet Appel au front uni. Comment en est-on arrivé à conclure qu’en s’unissant sous la bannière du progressisme, il faudrait écarter les fédéralistes, comme si cela allait de soi?
Pourquoi, à vouloir s’unir contre les troupes de Jean Charest, en est-on venu à croire que ceux qui sont encore attachés au Canada n’ont pas aussi envie de s’unir pour s’opposer à la corruption, au recours systématique aux forces policières pour régler un conflit politique ou encore à l’exploitation à outrance des ressources naturelles?
Il doit bien y avoir, parmi tous ces indignés, quelques électeurs qui ne sont pas nécessairement souverainistes. Les anglos des Îles-de-la-Madeleine qui font flotter l’unifolié devant leur demeure doivent bien, comme leurs voisins francophones, craindre le forage dans le golfe du Saint-Laurent. De même, les artisans de CUTV, la webtélé de Concordia, qui couvrent en bilingue les manifestations étudiantes ne sont peut-être pas nécessairement à l’aise avec les plans des nationalistes les plus convaincus… Veut-on les écarter de la discussion?
Pourquoi donc, en voulant nous unir du côté du progrès social, acceptons-nous si facilement de jouer encore la carte de la division historique la plus profonde au sein de notre société?
Progressisme et indépendantisme ne sont pas des synonymes et encore moins des corollaires. Notre plus grand péril, c’est de feindre de l’ignorer.
La vague orange lors des dernières élections fédérales devrait au moins alimenter un certain doute…
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Ceux avec qui j’ai pu en discuter, Dominic Champagne et François Parenteau, sont bien conscients des problèmes inhérents à cette éventuelle union.
Parenteau, Zapartiste bien connu pour ses positions souverainistes, ne s’en cache pas: il faudra bien un jour ouvrir une discussion avec des fédéralistes et des anglophones (deux qualificatifs qui ne vont pas nécessairement ensemble non plus). Malgré ses convictions maintes fois affirmées, c’est loin d’être un zélote du club des «crois ou meurs». Dans un premier temps, selon lui, il convient de marquer le coup avec les idées déjà sur la table, et il se trouve que les trois partis progressistes sont aussi, à divers degrés, indépendantistes. Cette première union pourrait-elle être un lieu d’ouverture vers un dialogue avec des progressistes fédéralistes? Est-ce qu’une telle discussion pourrait être la base d’un nouveau brainstorming sur la question nationale? Pourquoi pas. D’ailleurs, ce même Parenteau est cette année le porte-parole de L’Autre St-Jean, ce spectacle de la Fête nationale dans Rosemont décrié par la SSJB et autres cous-bleus parce qu’on y laisse chanter des anglophones dans leur langue. Voilà un esprit libre avec qui il fait bon ne pas être d’accord et qui laisse penser qu’un dialogue entre fédéralistes et souverainistes serait éventuellement possible.
Dominic Champagne, qui est loin d’avoir la fibre partisane, dresse un constat troublant qui mérite d’être médité en profondeur. Nos prédécesseurs dans l’indignation qui ont participé aux grandes réformes des institutions démocratiques, notamment dans les années 60 et 70, avaient des véhicules politiques, le Parti libéral de Jean Lesage et ensuite le Parti québécois, pour fédérer leurs protestations. Qu’en est-il aujourd’hui alors que nous sommes plus que jamais divisés? Son appel est ainsi teinté à la fois d’optimisme et de candeur. Peut-être que de simplement se rendre compte de la désunion patente des acteurs politiques, pour cause de partisanerie et de rigidité idéologique, est un pas dans la bonne direction. On peut difficilement contester ce constat… Réfléchir ensemble est sans doute la prochaine étape afin que l’effervescence actuelle de la rue ne s’évanouisse pas dans l’oubli.
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L’Appel au front uni risque de rencontrer bien des embûches. La première est platement économique. Un tel projet laisse entendre que des partis s’abstiendraient de présenter des candidats dans certains comtés. Ce faisant, ils se priveraient de quelques miettes de pourcentage du suffrage pourtant nécessaires au financement de leur parti. Pour Québec solidaire, même une troisième position dans certaines régions est un gain notable dans l’ensemble. Il sera difficile, voire impossible, de les contraindre à présenter les deux seuls candidats qui risquent d’être élus.
La seconde embûche est partisane et idéologique. On voit mal Québec solidaire céder le pas au PQ alors que sa ligne de tir se concentre depuis belle lurette sur la critique du bipartisme traditionnel, source du cynisme contemporain. La récente réponse d’Amir Khadir à Pierre Curzi, qui proposait un tel front commun il y a quelques semaines, ne laisse aucun doute à ce sujet. «Notre optimisme, écrivait-il, est le seul antidote possible au cynisme que suscite le reste de la classe politique.»
Voilà qui est bien joli… Mais reste à savoir ce qu’il subsistera de ce bel optimisme si Jean Charest est réélu lors des prochaines élections…
Pour en savoir plus: unfrontuni.org
Il y a quelques trucs d’importance qui échappe à cette analyse. D’abord, une alliance électorale ne veut pas dire que chaque parti ne présente pas de candidats dans l’ensemble des circonscriptions sauf quelques-unes, mais qu’ils renoncent à présenter des candidats dans quelques circonscriptions où le vote sera particulièrement divisé parce que les tiers partis ou des candidatures indépendantes peuvent favoriser les libéraux. Que chacun fait quelques cadeaux sans pour autant renoncer à son « pourcentage ». Ensuite, croire que les tiers partis ou les indépendants ne jurent que par le maigre per-diem qui vient avec ce pourcentage, c’est bien mal connaître la nature même de ces mouvements d’opposition. Quant à la question des progressistes fédéralistes, elle reste entière. Mais marginale à mon avis.
J’aime les nuances. Aucune réponse ne peut être simple. Parfois, on a besoin de gens qui disent des vérités grosses comme le bras pour brasser le « canayen ». D’autres fois, faut prendre du recul puis essayer de virer la pièce de monnaie des deux bords, peut-être même plus. Bref, j’abonde et j’aime.
Il faudra aussi un jour s’intéresser à ceux qui ne se reconnaissent dans ni l’une ni l’autre des options. Les «projets» indépendantiste et fédéraliste me laissent totalement indifférents depuis nombre d’années – et ça n’a rien à voir avec les partis qui les portent. Je suis ailleurs mais je suis incapable de nommer cet «ailleurs». Je suis conscient qu’il est plutôt difficile d’être ni l’un ni l’autre, à moins de souhaiter l’abolition pure et simple des États et souhaiter une fragmentation qui se rapproche davantage de la réalité culturelle, historique et sociologique d’occupation du territoire (réel et symbolique). C’est une position qui se tient philosophiquement, mais qui est bien entendu utopique à court et moyen terme.
Mais on fait quoi avec les gens comme moi ? D’autant que ma position n’est pas anecdotique, même si elle n’est pas majoritaire. Il y a des tonnes de gens dans mon entourage qui sont de cet avis.
Je cherche une posture politique par rapport à cela et je n’ai pas du tout de réponse…
M. Jodoin, la réponse à votre question est bien simple.
Tout les partis progressistes (ou qui se disent progressistes) sont aussi des partis qui prônent l’indépendance du Québec, même les verts sont plutôt nationalistes.
Les seules options fédéralistes du prochain scrutin provincial, sont le PLQ, la CAQ et les Conservateur du Québec. Et aucun de ces partis n’est progressiste.
Les fédéralistes de gauche du Québec n’ont pas vraiment de choix, pas plus que les anglophones du West-island qui ne veulent plus appuyer les libéraux.
Pour changer le système, on doit avoir les outils en mains pour le faire, c’est-à-dire, les leviers d’un état qui se possède et qui peut agir concrètement pour changer les choses.
Moi j’aimerais bien savoir ce qu’un « fédéraliste progressiste « mange en hiver ?
Je pose la question comme ça en passant parce que les fédéralistes que je connais votent avant tout pour le Canada autant sur la scène fédérale, provinciale que municipale. Les fédéralistes que je connais ne semblent pas très troublés pas l’odeur de corruption qui émane du gouvernement Charest et encore moins au municipale puisque l’odeur dans l’entourage du maire Tremblay était la même et il a pourtant été réélu.
Actuellement l’odeur de corruption ne semble être un grand problème pour une bonne partie de l’électorat puisque le PLQ et le PQ sont pratiquement à égalité dans les intentions de vote et la CAQ tire de la patte.
Si j’étais un « fédéraliste progressiste « je me sentirais comme un « alien « dans ce Québec et ce Canada. Au Québec les anglophones et les allophones fédéralistes se foutent complètement du progressisme ! Ils votent CONTRE les nationalistes québécois élections après élections. Et je ne crois pas que les anglos fédéralistes des Iles de la Madeleine font beaucoup de culpabilité quand ils votent ou quand ils voteront pour le PLQ, corruption ou pas !
Je ne crois pas qu’en s’unissant sous la bannière du progressisme les souverainistes du Québec fassent dans la discrimination ! Je crois plutôt que les fédéralistes en général sont d’ abord canadiens avant d’êtres des citoyens de centre-gauche et pour le progrès social.
Se pourrait-il qu’un fédéraliste progressiste ça vote pour le NPD au fédéral et pour le PLQ au provincial ? Ils ont quand même un « pays « a protéger nos fédéralistes ! Non ?
L’autre St-Jean ? Est-ce une fête de la commémoration du « good old time » ? Est-ce la nostalgie de la société de p’tits st-jean-baptiste, du temps de la soumission ? Le 24 juin,,,hum!…n’est-ce pas la journée de la Fête nationale des Québécois ?
Dans le débat fédéraliste/souverainiste, il y a une chose assez fondamentale qui a changé depuis quelques années: les conservateurs de Harper sont au pouvoir. En 80 et en 95, on pouvait encore s’identifier avantageusement au Canada, on pouvait encore être fier d’être Canadien pour plein de raisons. Ce n’est plus le cas. Dans les dossiers de la guerre, de l’environnement, de la culture et d’un tas d’autres grandes questions, le Canada est dorénavant un cancre, une honte. S’ils étaient confrontés à un choix à brève échéance, je suis persuadée que bien des fédéralistes convaincus se demanderaient sérieusement s’ils souhaitent toujours faire partie de ce pays. Le sous-titre à la question: « Voulez-vous que le Québec soit une nation indépendante? » est plus que jamais: « Voulez-vous vous dissocier du Canada? ». Je ne sais pas si c’est valable comme raison, je ne sais pas si c’est lâche, mais c’est certainement une condition gagnante.
Tout à fait d’accord avec le questionnement. Le combat du moment est de déloger le gouvernement »libéral » trop conservateur. Un individu peut être de gauche et fédéraliste (comme qu’un sépariste peu être de droite) Il faut juste savoir mener le bon combat au bon moment.
Après avoir lu l’article de Simon Jodoin, je suis maintenant convaincu qu’il faille d’abord s’unir afin de réformer le mode de scrutin utilisé lors d’élections au Québec. Avec une proportionnelle mixte, par exemple, les intérêts de chacun des partisans serait d’après moi d’avantage »respectés » et ainsi il serait plus facile d’unir différentes factions partisanes derrière un projet fondamental tel que la souveraineté du Québec.
Malheureusement, le mode actuel favorise le parti au pouvoir, le seul qui pourrait initier une telle réforme. Est-ce que les propositions de M. Drainville seraient considérées dans un éventuel prochain gouvernement péquiste?
L’émission de radio Génératrice du 18 mai 2012 brosse un excellent portrait des différents modes de scrutin en vigueur dans le monde :
http://www.radio-canada.ca/baladodiffusion/index_emission.asp?path=radio/generatr
Et puis après! Je n’ai rien contre le développement économique mais, oui mais que de faire une alliance avec les fédéralistes, historiquement ces derniers n’ont qu’une seule rhétorique face au Québec s’approprié tout et les bénéficiaires qui sont ils?Une poignées d’individus dont l’avenir du Québec résident dans sa vassalisation et de le nier est d’une inconscience aveugle.Les seuls partenaires qu’ils tolèrent sont les capitaux étrangers,Rio Tinto,Talisman,les diamants chinois,abandon des droits pétroliers par Hydro Québec « Anticosti »30 milliards de barils ce n’est pas rien. Tous ses manoeuvres ne reflètes aucunement un sens du partage des richesses sinon que de faire main basse sur nos ressources naturelles.Attendez voir lorsque même notre eau seras une denrée exportable et cela dans l’ombre le plus secret possible ils y travailles très fort si ce n’est que déjà fait.Les clauses du Plan Nord qu’elles sont elles?Mystère non nos élus ne le savent que trop en complicité avec le 2,3,4% qui possèdent 95% de notre monde.Historiquement tous ce beau monde nous veulent du bien non ils veulent notre bien et ca bien c’est la réalité. Soyons ouverts au monde qu’ils nous disent sans relâche si tu ne le fait pas bien tu es xénophobe,M.Falardeau avait l’expression exacte Palestinisation et cela bien c’est leur but ne le dénions pas. Invités tous ses beaux parleurs est comme le cadeau d’Ulysse soit le Cheval deTroie une ruse de guerre!Soyons vigilants Sagar et compagnie veillent sur leurs intérêts et non les nôtres!!!
Bonjour, monsieur Simon Jodoin,
Je viens de lire votre beau papier « Appel au front uni… Et puis après ? » dans VOIR. Vos propos incitent à la réflexion. Me suis dit que j’avais de la chance de pouvoir lire dans un périodique gratuit un texte de cette qualité qui va bien au-delà de la superficialité et évite les clichés. Bonne continuation. Noël Laflamme
En même temps… Le vote pour l’indépendance, c’est un vote référendaire. Pas électoral. Un « progressiste » peut voter pour le PQ, voire QS ou ON, tout en restant fédéraliste. Il lui suffira de voter « non » au référendum.
C’est pour le souverainiste conservateur que c’est plus compliqué… Si le PLQ ou la CAQ se fait élire, il n’y pas de référendum.
Je n’ai pas non plus l’impression que les progressistes-fédéralistes sont légion. À mon sens, la souverainté est l’issue logique à cette crise. La sociale-démocratie ne peut s’appliquer pleinement dans une province qui ne dispose pas de tous ses impôts.. Dans ma tête, progressisme rive avec souveraineté.