En devenant candidat pour le PQ quelques jours après avoir mis un terme à sa carrière de journaliste sur la colline parlementaire pour Radio-Canada, Pierre Duchesne a provoqué tout un émoi cette semaine. Un scandale, ont crié certains. Y avait-il donc une taupe péquiste chargée d’analyser la politique au sein de la société d’État?
Scandale, donc… Mais le réel problème est sans doute ailleurs et ne concerne pas le journaliste qui était, peut-être, habité tout au long de sa carrière par un idéal politique. Ce qu’il pensait en son for intérieur a au fond assez peu d’importance. La manipulation de l’information? Faites-moi rire. C’est à s’en défoncer la rate. Jamais le Parti québécois n’a été plus malmené médiatiquement que dans la dernière année. Jamais il n’était tombé si bas, multipliant les contradictions et les désaffections rocambolesques. Plus drôle encore, les libéraux s’indignent, allant s’imaginer que le travail de Duchesne aurait pu les désavantager auprès de l’opinion publique. Soyons sérieux. Les libéraux n’ont besoin de personne pour se discréditer. Une tarte est une tarte, peu importe l’assiette dans laquelle on la sert. Quand le serveur vous apporte votre dessert et vous dit «voici votre tarte», c’est purement protocolaire. Vous saviez que c’en était une… Aller ensuite blâmer ce serveur en prétextant que, sans lui, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un flan au caramel, c’est ou bien être fou, ou bien être con. Allez choisir.
Non. Le problème, ce ne sont pas les convictions politiques du journaliste. Le problème, c’est le politicien qu’il devient du jour au lendemain et qui perd subitement ses convictions journalistiques. En devenant politicien, il perd le doute qui l’animait, sa réserve, son désir de vérifier ses sources, de confirmer ses informations auprès de multiples intervenants. Le politicien se trouve aux antipodes du journaliste. Pour lui, une seule étude, la sienne, suffit pour appuyer ses convictions. Infirmer une thèse avancée par son parti est pour lui un luxe qui pourrait le mener à la ruine. Le doute est un divertissement qu’on ne tolère pas en politique. Il faut les voir, à la période de questions, affirmer en criant, salivant de certitudes, que tel ou tel article lu en diagonale ou que telle ou telle chambre de commerce leur donne raison. L’autre d’en face le contredit? Qu’à cela ne tienne, il est en face, il a donc tort, et c’est tout.
Ce qui déçoit, ce n’est donc pas d’apprendre que le journaliste, en dissimulant qu’il était au fond habité par des convictions politiques (qui ne l’est pas!?), manipulait peut-être les faits, mais bien que le politicien qu’il est devenu les manipulera à coup sûr. Le passage de la pédagogie à la démagogie est un danger constant.
Aussi étais-je un peu mal à l’aise de lire cette semaine Pierre Duchesne commenter son passage en politique en affirmant que les discussions avec le PQ n’avaient été entamées que «10 ou 12 jours» auparavant… 10 ou 12? Comment un journaliste qui suit l’actualité à la minute près, notant tout dans son calepin, peut-il se mouvoir, en ce qui le concerne, dans une telle imprécision? Et pourquoi pas 15 jours? Ou 27? Où est la vérité?
À cette question, le journaliste tentera de répondre; le politicien, lui, espérera qu’on ne se la posera pas trop longtemps. Tel est le fossé qui les sépare et que Pierre Duchesne vient de traverser… Il y a 10 ou 12 jours…
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L’inverse, que le politicien devienne journaliste, ou en tout cas chroniqueur, arrive aussi assez souvent. On pourrait alors penser que le chemin intellectuel puisse aussi s’effectuer dans l’autre sens, soit de passer de la certitude au doute, du spin partisan à l’analyse. Malheureusement, un tel cheminement est plutôt rare. Dans certains cas, en prenant la parole dans les médias, l’ex-politicien empire. Que penser de Jacques Brassard, ancien député du Lac-Saint-Jean, qui commet depuis son passage aux médias des déclarations à l’emporte-pièce, s’affichant climato-sceptique et sioniste sur la base de ses rêveries solitaires qu’il confond avec des analyses. Il en va de même pour un Éric Duhaime qui, naguère conseiller politique, est désormais débarrassé de la petite gêne dont il faut se vêtir pour se faire élire. Le politicien tente autant que faire se peut de ne pas trop choquer ses électeurs, mais quand il devient chroniqueur, il se désinhibe en quelque sorte. Rares sont les exceptions.
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Il demeure que le journaliste politicien fait toujours rêver. Nous avons, dans notre patrimoine québécois, un exemple presque mythique, celui de René Lévesque, qui conserve encore aujourd’hui dans notre imaginaire une sorte d’aura du politicien idéal. Il fait bon revoir les vidéos de cet homme, digne comme un professeur qu’on aimait écouter, muni d’une simple carte géographique, d’une craie et d’un tableau noir, nous expliquant longuement la problématique et les enjeux de la nationalisation de l’électricité. On a un peu l’impression de voyager dans un passé lointain à le réécouter aujourd’hui. De la pédagogie pure, simple, imposant le respect. On s’en souhaite, et on souhaite à Pierre Duchesne que ce soit toujours possible.
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Un contact politicien m’écrivait cette semaine que, par abus de cynisme, ma vision du politicien souffrait d’une injuste généralisation. Ils ne seraient pas tous comme ça, certains seraient même soucieux de parler vrai et de se faire un devoir de ne jamais tomber dans le mensonge partisan. Il a sans doute raison.
Mais malheureusement, coquin de sort, les journalistes ne nous parlent jamais de ces politiciens.
Votre analyse est juste, objective, froide et pédagogique.
Si d’autres pouvaient suivre votre exemple.
Merci
Pas très fort comme analyse. La première partie explique que le journaliste ne peut pas faire de démagogie. Une tarte est une tarte. On le voit bien. On ne peut pas pas affirmer le contraire. Impossible.
Puis la deuxième partie explique que les politiciens font de la démagogie. Alors c’est possible de faire de la démagogie ? Une tarte n’est pas une tarte si on est dans un parti politique plutôt qu’un autre…
Mais pourquoi un journaliste partisan au point de devenir politicien n’aurait pas fait de démagogie et que d’immaginer cette idée vous fait rire à vous en défoncer la rate ?
Moi, c’est de vous voir affirmer une chose et son contraire en seulement deux paragraphes qui me fait rire à m’en défoncer la rate.
On lâche pas ! La rigueur, j’immagine que ça vient avec l’expérience.
« En devenant politicien, il perd le doute qui l’animait, sa réserve »
Peut etre qu’il gagne aussi une certaine liberté … quand t’as un gouvernement avec autant de problèmes d’éthiques il me semble que la langage feutré fait son temps …
Vous pouvez bien comme d’autre nous jouer le doute, le spin ou les deux … mais dans le fond qui doute de l’ex ministre de la famille …
qui doute que le premier ministre en recevant un salaire supplémentaire manquait a l’éthique …
qui doute qu’une firme devrait pas organiser un déjeuner d’une ex ministre de l’éducation …
qui doute des raisons pourquoi les évaluations des garderies sont encore secretes …
qui doute qu’avec sa derniere pub le PLQ ne savait pas ne pas respecter le droit d’auteur …
Je souhaite aux journalistes qui nous font dans le doute metaphysique de vivre leur chemin de damas …
Des fois le doutes metaphysique devant l’évidence c’est juste zouf …
Et ca sert qui dans le fond …
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« Pierre Duchesne a provoqué tout un émoi cette semaine. Un scandale, ont crié certains »
Bof …
Si les journalistes peuvent bien cohabiter avec les pages editoriales de la presse et tous les spinneux ici et la …
Qu’ils respirent un peu, du jogging ou du yoga et ca devrait fait baisser ces fortes émotions … ils pourront s’en doute survivre …
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« Aussi étais-je un peu mal à l’aise de lire cette semaine Pierre Duchesne commenter son passage en politique en affirmant que les discussions avec le PQ n’avaient été entamées que «10 ou 12 jours» auparavant… 10 ou 12? Comment un journaliste qui suit l’actualité à la minute près, notant tout dans son calepin, peut-il se mouvoir, en ce qui le concerne, dans une telle imprécision? Et pourquoi pas 15 jours? Ou 27? Où est la vérité? »
Bon a part la fin qui m’évoque le film des hommes d’honneur … ( je veux la vérité…)
On dirait un remake de l’inspecteur specteur … l’inspecteur gadget ou l’inspecteur clouzo …
Il hésitait entre 10 ou 12 jour …
Au Québec c’est bien sur ca les grand problème …
En ce qui concerne le choix de M.Duchesne peu importe qu’il ai été journaliste d’autres l’on fait et cela dans tout parti confondu,lorsqu’il était à R.C.peu importe ses convictions ses reportages se basait sur les faits et les décrivait avec une impartialité peu importe le parti et pour d’autres de la même profession les partis pris pour ne pas dire propagandiste sont de mise pour eux c’est la normalité « Business as usual ».En ce qui concerne le délais de 10 12 ou 27 jours pour réflexion un détail car une tel décision est longuement mûri dans l’âme en ayant le sentiment profond de changer les chose inacceptables dont il a été témoin durant des années.Maintenant l’inverse engagé des politiciens comme commentateurs, analystes et autres la place accordé a une certaine droite vas avec les conviction des patrons qui régis ces médias et ca c’est la Vérité.Pour le cynisme bien avec les réponses a l’assemblée national que Charest,Mcmillan lessard,fournier,courchesne gagnon tremblay,hamad dupuis tomassi et autres suite a des questions légitimes de l’opposition voilà d’ou d’écoules tout le synisme et un gros merci a Vallières comme président en période de question une vrai poigne de fer Ha Ha j’oubliais Bastarache corruption a une échelle de jamais vu et Charbonneau vas dissipés les doutes pas sur.Le pourquoi les journalistes ne parles pas de ces politiciens indignés la réponse se trouves si haut dans ce texte.
Votre texte sur e passage des journalistes en politique et vice versa m’amene a réflechir davantage sur les similitudes des organisations.
Dans le fond peut être qu’il y a plus de similitudes entre le monde des médias et la politique dans sa manière de s’organiser et de se comporter en regard de critique.
On le constate parfois au vocabulaire. Comment des gens des medias au meme titre que des ministres peuvent utiliser des expressions comme … tous les scénarios sont sur la table … avec la même intention qui me semble très souvent déservir l’intéret du citoyen.
On évoque beaucoup comment le premier ministre actuel supporte ses ministres meme dans leur dérives éthique les plus invraisemblables.
Dans les medias on sent cette même camaraderie … on peut le constater a la manière dont Foglia se solidarise de ses collegues des pages éditoriales et accepte les angles morts de son media. Cette camaraderie s’opere a mon sens plus largement lorqu’il y a une erreur, comment on défend un sondage a l’éthique douteuse ou même comment on pourrait supporter un chroniqueur ou un blogueur qui abaisserait les standards éthiques.
A la fin, on se demande dans le cadre du politique qui on sert, le citoyen … et en cas de conflit entre les intérets personnels et ceux des ctoyens lesquels on va privilégier.
On peut se demander dans les médias a la fin on sert qui, l’information, le citoyen, la qualité du débat public, ses propres intérets … qu’arrive-t-il en cas de conflit.
Exemple hypothétique entre une critique tres dures au bas d’un texte de blogue, peut être trop longue, peut être malhabile ou mal écrite mais au sens de l’internaute légitime et respectant les normes usuelles et dans le sens du débat public …
que va t-on privillégié ?
Et si on se trompe a quel moment va-t-on réflechir a sa pratique ?
La réalité c’est qu’on va fort probablement faire comme le politicien qui est peinturé dans le coin … persévérer dans la betise ?
Stephen Harper est un grand politicien ! Puisque vous écrivez: » Le politicien se trouve aux antipodes du journaliste. Pour lui, une seule étude, la sienne, suffit pour appuyer ses convictions. » Ouch !