Théologie Médiatique

Les mets chinois de Palerme

Vous êtes sérieux? C’est vraiment terminé? Je n’y croyais plus! Et pourtant, c’est bien vrai… Léo a été élu avec Pauline, Gabriel s’est trouvé un emploi à la CSN, la CAQ est demeurée la CAQ et Jean Charest est parti, ce qui est en soi une victoire si l’on considère qu’on n’entendra plus «libérez-nous des libéraux».

Et vous, comme moi, avez recommencé à faire des lunchs pour la rentrée. Chaque chose à sa place.

Ça tombe assez bien car avec tout ça, nous n’avons pas pris le temps de vous raconter nos vacances.

Pour ma part, j’ai voyagé au Québec cette année, dans le Bas-du-Fleuve.

Je suis passé au magasin général de Kamouraska, un très bel endroit où, me disait-on, on vend des produits fins du terroir. Magnifique. J’y cherchais des fromages et des charcuteries pour le dîner. En fouillant un peu, je tombe sur un emballage qui contient de la «terrine de Palerme».

— C’est où, Palerme?

— C’est une ville en Italie.

— O.K., c’est vraiment une terrine de Palerme en Italie alors?

— Non non, c’est un produit du terroir fabriqué dans la région.

— Ah, je vois… Vous avez aussi des pruneaux d’Agen de La Pocatière?

J’ai trouvé plus tard d’où venait cette terrine. Elle est produite par une entreprise de la région, Les Saveurs du Kamouraska, charcuterie haut de gamme. C’est monsieur Jean-Marc Van Schepdael, un homme d’affaires belge arrivé ici en 2005, qui en est le propriétaire. Son slogan ne laisse d’ailleurs aucun doute: «Le savoir-faire belge au service des Québécois!» Il ne produit pas que de la terrine de Palerme, d’ailleurs, mais aussi de la «terrine belge pomme et sirop d’érable», des «rillettes de Kamouraska» et autres charcuteries.

J’ai ainsi été plongé dans un problème difficile à résoudre… Comment des rillettes peuvent-elles être de Kamouraska alors qu’une terrine fabriquée au même endroit est dite de Palerme et qu’une autre, aux pommes et au sirop d’érable, peut être qualifiée de belge?

N’allez surtout pas croire que j’en aie contre ce monsieur Van Schepdael ou sa terrine. Rien ne permet de croire qu’il soit autre chose qu’un gentleman et j’en profite pour le saluer au passage.

Je voudrais même lui lever mon chapeau, pour tout vous dire. Il a sans aucun doute compris, mieux que plusieurs d’entre nous, l’essence du terroir québécois et le marketing qui en découle. Car en croisant ses produits sur ma route, j’ai été habité par un questionnement qui me poursuit constamment depuis.

Au retour, devant un restaurant, je ne sais plus trop où, on annonçait un «buffet chinois et canadien» ou, mieux, des «mets chinois et italiens». Dans à peu près toutes les boutiques de produits du terroir visitées au gré du hasard, on me proposait des olives en conserve importées de quelque part, de la rosette de Lyon fabriquée dans les environs et je ne sais quoi encore comme petit pot hors de prix contenant tel ou tel pâté au cognac ou au porto.

On ne se sent jamais aussi loin que dans son propre pays.

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Lors des dernières élections, Sylvie D’Amours, vigneronne de Saint-Joseph-du-Lac candidate pour la CAQ dans Mirabel, promettait, advenant son élection, de mettre en valeur les vins québécois. Elle s’indignait, entre autres, que l’on serve du champagne et autres vins français lors des activités officielles de l’État, comme le fait par exemple la délégation officielle à Paris. Il faudrait, selon elle, que le gouvernement donne l’exemple en mettant en valeur les produits d’ici, tout comme la SAQ devrait offrir une place de choix aux vins de la province.

Madame D’Amours n’a pas tort. Nous sommes les premiers à ignorer notre terroir. D’ailleurs, je n’ai jamais goûté un verre de Vents d’Ange… C’est le nom de son domaine.

Je ne voudrais pas offusquer madame D’Amours, mais j’ai la vague impression qu’avec un tel nom de domaine en forme de jeu de mots, il n’est pas étonnant qu’on ait de la difficulté à prendre en compte l’importance du terroir. Les politiques et les lois ne risquent pas d’y changer grand-chose.

C’est peut-être ça, la plus grande spécialité issue du terroir québécois: le calembour plus ou moins réussi.

— Vous buvez quoi avec votre pizza hawaïenne, monsieur?

— Un jeu de mots bien d’ici… Un 2009.

— C’est bon?

— C’est bien d’ici.

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On a beaucoup discuté de l’importance d’une langue commune, ce trésor collectif garant du tissu social, ces dernières années et plus encore ces derniers jours. Pour certains, il y aurait urgence de renforcer la loi afin d’assurer la survie de la culture francophone en Amérique.
Mais une question fondamentale semble passer complètement sous le radar des plus motivés en cette matière.

Que faire quand la langue elle-même tue la culture?