«Il y a un trou dans l’âme du Métropolis, on tente de le remplir du mieux qu’on peut.»
C’est en ces termes qu’André Ménard, cofondateur et vice-président de l’équipe Spectra, m’expliquait le sentiment qui l’habite depuis le 4 septembre dernier, soirée des élections qui s’est transformée en veillée funeste alors que Richard Henry Bain abattait Denis Blanchette, un travailleur culturel de l’ombre qui se trouvait là pour faire son travail, comme à son habitude.
L’événement est devenu source de bruit. Il fallait expliquer, dénoncer, accuser, commenter, vite et beaucoup. Du bruit je vous dis. Il y a peu de place pour le silence dans les moments de deuils qui marquent l’actualité.
Et pourtant, c’est bien de ça qu’il s’agit. D’un deuil. Pour une fillette d’à peine 4 ans qui a perdu son père, mais aussi pour des collègues, sous le choc, qui devaient terminer la soirée et démonter la salle le lendemain, sans broncher.
André Ménard et L’Équipe Spectra ont fait exactement ce qu’il fallait faire. Ils ne se sont pas lancés dans une chasse aux sorcières pour s’enfoncer dans des accusations douteuses dont le résultat certain serait de déchirer encore plus notre fragile tissu social. Ils n’ont pas pété un plomb en public. Ils n’ont pas sauté dans le ring de la vaine polémique à propos de la sécurité de la salle et de ses employés. À quoi bon?
Dès le lendemain, ils prenaient des dispositions pour assurer un soutien psychologique et moral aux employés touchés. Un travail invisible et essentiel dont on n’a pas parlé dans les médias. Les bonnes actions font rarement les manchettes.
Peu après, ils annonçaient un grand spectacle-bénéfice pour venir en aide à la fillette de Denis Blanchette.
L’événement aura lieu ce lundi 1er octobre, au Métropolis, à Montréal. Céline Dion, Arcade Fire, Patrick Watson, Cœur de pirate, Ian Kelly, Vincent Vallières et plusieurs autres y prendront part. C’est un tour de force, si vous voulez mon avis, d’avoir pu rassembler en si peu de temps tous ces artistes. Bravo!
Ma chronique devrait se terminer ici. Parce que c’est tout ce que je voulais vous dire, au fond… Vous parler de ce spectacle, vous inviter à y participer et rendre hommage à André Ménard et ses collègues. Ils ont fait exactement ce qu’il fallait faire: du silence et de l’action concrète pour panser les plaies des victimes collatérales de ce drame qui a secoué le Québec en entier.
Je voudrais aussi saisir l’occasion pour envoyer un coup de chapeau à Spectra au nom de toute l’équipe du Voir, car nous aussi, en quelque sorte, sommes des collègues des travailleurs culturels, même ceux de l’ombre qu’on ne mettra jamais en première page, ceux qui travaillent derrière les rideaux, en coulisses.
Voilà donc. Métropolis, 1er octobre, 19h30. Les profits du spectacle seront remis à la fiducie Denis Blanchette pour soutenir financièrement sa fille. On collectera aussi des fonds pour venir en aide à Dave Courage, cet autre technicien blessé le même soir.
…
Mais il y a plus encore… Le communiqué envoyé par Spectra mentionne, à propos de cet événement, qu’on pourra y voir «quelques-uns des artistes les plus en vue de la grande famille artistique québécoise».
Il est là, à mon humble avis, le détail important qui permettrait de réfléchir de manière intelligente sur ce triste événement. Dans ces deux mots: «grande famille».
En plus de venir en aide aux premières victimes de ce drame, ce spectacle permet aussi d’envisager une certaine réconciliation au sein de cette «grande famille», passablement déchirée depuis quelque temps. Une déchirure qui se vit sur deux axes, celui de la pauvreté et de la richesse et celui de la langue. On y entendra des Québécois d’adoption, comme les membres d’Arcade Fire, une chanteuse comme Céline, sans doute une des plus célèbres du monde entier, qui parcourt la planète sur la route du succès, Vallières et Watson, deux figures bien connues de la chanson d’ici, l’un francophone, l’autre anglophone, Cœur de pirate qui gagne des prix en France…
Des plus riches, des plus pauvres, des anglos, des francos, une maison de production, Spectra, figure dominante de la scène culturelle québécoise, une salle de spectacle où jouent des vedettes de la pop à succès autant que des artistes de la scène indie, des créateurs plus alternatifs qui œuvrent au sein de petites étiquettes de disques… Et des techniciens de scène, qu’on ne voit jamais.
Vous parliez du nous?
C’est justement un peu nous, tout ça. Comme une famille… Peut-être l’avions-nous oublié?
Lundi, on chantera à la mémoire de Denis Blanchette pour assurer l’avenir de sa petite famille.
Mais aussi, on chantera pour se souvenir que nous formons collectivement une famille, soudée par une culture aux facettes multiples à laquelle nous prenons tous part, autant dans l’ombre des coulisses que sous les projecteurs des grandes scènes du monde.
Alors voilà… Bon spectacle!
Merci Simon.
Bel article. Tu dis vrai à propos de Ménard et la gagne de spectra.
Je suis un technicien et je connais Denis. Il n’y a que du bon dans ton article.
J’essaierai d’être là lundi mais… pas toujours facile la vie de tech…..
je suis pas d’accord. Le deuil n’est pas un spectacle, c’est son silence annobli devant la mort. Les artistes auraient été mieux avisés de lever des fonds à titre personnel, loin des yeux du public, mais proche du coeur de la famille éprouvée
Je n’en dirai pas plus, parce que cet exibitionisme exacerbé de vedettes archi-connues en quête de visibilité supplémentaire me donne la nausée. Silence,les artistes, ça tourne tout croche, votre Métropolis et de grâce, fermez les spotlights…
Céline, Arcade Fire et Coeur de Pirate sont en manque de visibilité, Jean-Claude?
Come on.
S.
Tout est dans le rituel pour les survivants parce que les morts, eux, s’en moquent sûrement. Et celui-là, c’en est un « pas mal beau », utile en plus. Quoi demander de plus ?
Bravo !
Ben justement…trop visibles à mon goût.
Posons-nous donc les bonnes questions, entre deux larmes de crocodile de nos artistes et trois farces plates des Justiciers Masqués.
Si c’était notre peur collective, notre lâcheté politique que le tireur visait, bien davantage que madame Marois….