La fin de semaine dernière, la FPJQ tenait son congrès annuel sous le thème «Rester crédible dans un monde polarisé». Au terme d’une année marquée par le militantisme, les journalistes souhaitaient sans doute faire le point. Lorsque les débats se polarisent vers les extrêmes comme on l’a vu au printemps dernier, alors que toute la société civile est plongée dans une vaste conversation, peuvent-ils réellement faire leur travail sans prendre position? C’est d’ailleurs à ce titre que j’étais invité à participer à un atelier à propos de l’engagement personnel des journalistes. Où doit-on tracer la ligne entre l’impartialité déontologique et les convictions personnelles?
Les journalistes peuvent-ils, par exemple, porter le carré rouge?
Ultimement, la ligne devrait être tracée par l’éditeur qui pourra choisir, ou pas, de se situer clairement sur le marché de l’idéologie. Mais pour l’heure, je propose de laisser de côté ce logo désormais plus chargé d’émotivité que d’engagement pour se poser la question générale de la mobilisation et du militantisme.
Le journaliste peut-il, par son travail, mobiliser, prendre position et s’engager au nom d’une cause?
Dans bien des cas, il me semble que ceux qui pratiquent ce métier prennent déjà part à plusieurs formes de mobilisation.
C’est le cas de la Guignolée des médias, à laquelle participent bien des journalistes vedettes en couvrant cet événement avec un enthousiasme qui ne laisse place à aucune remise en question ou en y prenant activement part. À cette occasion, la presque totalité des travailleurs médiatiques descendent dans la rue, militent et mobilisent la population. La cause est sans doute noble et on peut même imaginer qu’elle fait l’unanimité, mais il n’en demeure pas moins qu’elle engage une prise de position et même, à la limite, une certaine conviction religieuse.
Bien des journalistes sont aussi engagés dans une mise en marché des produits de leur propre éditeur. On pense volontiers à toute la machine Québecor qui se met en marche lorsque vient le temps de faire la promotion d’une émission de télévision ou du disque d’un poulain de Star Académie. Il serait cependant illusoire de croire que cette manière de mobilisation du public ne concerne que cette famille médiatique. Gesca ne se gêne pas non plus. À preuve, un article sur Simple Plan signé Marc Cassivi faisait la une de la section Arts et spectacles de La Presse le 6 novembre dernier. Pourquoi? Parce qu’un livre sur ce même groupe, signé Kathleen Lavoie du Soleil, paraissait le même jour aux Éditions La Presse. Cet article, aussi bien écrit qu’il pouvait l’être, prenait ainsi place dans une stratégie publicitaire évidente. Le travail du journaliste, dans de tels cas, mobilise et invite à l’action: achetez ce produit.
Disons-le bien froidement sans même tenter de nous dérober, nous faisons la même chose au Voir en mettant en vedette notre Guide restos dans notre propre journal. Allons même plus loin en concédant candidement que toute notre couverture culturelle repose sur un parti pris avoué et assumé. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement moral, mais de simplement constater un fait.
Mais il y a plus encore. Le journaliste lui-même est devenu un vecteur de mobilisation. En devenant une vedette, un visage connu, il se transforme en logo que son employeur peut utiliser pour faire mousser les ventes de ses produits. Il suffit de voir les publicités des grands médias, même à Radio-Canada, où les photos des journalistes servent en quelque sorte de gage de qualité et de rigueur. On mettra ainsi volontiers le visage de Céline Galipeau ou de Jean-François Lépine sur des affiches, non pas dans le but de faire la promotion de l’impartialité, mais bien avec l’intention avouée d’influencer le public lorsque vient le temps de choisir une source d’information.
Or, la question se pose: en quoi le marketing d’un produit, d’un média pour lequel on travaille ou de l’impartialité elle-même est-il si différent d’un marketing idéologique? Si le travail du journaliste peut prendre part à certaines formes de promotion, afin de servir des fins publicitaires, pour quelles raisons l’engagement pur et simple pour une cause spécifique serait-il si mal vu?
Même dépouillé de toutes les strates de la mise en marché de l’actualité et de l’effervescence publicitaire, il existe une sorte d’engagement ontologique du journaliste. Dans tous les cas, il fait un pari, celui de révéler au grand jour des faits dissimulés.
Disons les choses simplement: l’impartialité pure et simple mènerait au silence. Rapporter un fait, c’est déjà juger qu’il mérite d’être rapporté. L’essence même du journalisme repose sur une mobilisation, sur une prise de position relative à un «point de vue»: d’où je suis, voici ce que je vois. On nage en plein subjectivisme.
Comment le journaliste peut-il demeurer crédible dans un monde polarisé? Cette question suppose qu’à prendre position, on perd nécessairement en crédibilité. Comme si engagement et partisanerie allaient de pair, ce qui est loin d’aller de soi.
On peut aussi s’en poser une autre: est-il possible de demeurer crédible en refusant de se positionner, ou pire, en choisissant de dissimuler ses partis pris au nom de l’objectivité?
Est-ce que vous vous posez vraiment toutes ces questions ou bien est-ce que vous essayez seulement de justifier vos prises de position? Rassurez-vous, comme chroniqueur vous ne devez pas être objectif, on s’attend justement au contraire, on veut connaitre votre opinion.
Mais les exemples que vous donnez pour essayer de démontrer que le journaliste ne peut pas être objectif sont à mon point de vue mal choisis. La Guignolée des médias est un événement, ce n’est pas de l’information. La promotion d’un produit de leur propre éditeur ne signifie pas un engagement, à moins que le journaliste ait détesté le produit mais qu’il soit obligé de dire le contraire. Si une attaque à Gaza fait 78 morts, je m’attendrais à être informé de la même manière, que le journaliste soit palestinien ou israélien. Ce relativisme que vous proposez me semble dangereux, ça justifie les Fox News et compagnie.
Le journalisme au Québec c’est une minorité de reporters qui analyse la nouvelle telle qu’elle est et non comme certains et ils sont légion qui lisent une ligne de parti tel des agents de presse avec questions et réponses préalablement fourni par un vrai agent de presse,regardons qui sont les grands patrons de l’information voilà qui répond à tout nos questions sur la gestion de nouvelles.Pour appuyer mes dires les mots sont inutiles regardons les images la dernière campagne électorale fédérale l’image officielle était un Harper autoritaire un Ignatieff intello à souhait un Layton tout sourire et pour M.Duceppe un regard apeuré acculé à un mur de ciment et face à lui à gauche de l’écran prenant 2 5ième de l’écran une tête avec un képi qui ressemble étrangement à celui d’un policier.La campagne électorale provinciale des cadrages de Mme Marois d’un amateurisme flagrant tant qu’aux autres partis des mises en scène digne de mention en cinématographie vue en plongée, éclairage parfait et que dires du maquillage aucun reflets de peau même à l’extérieur certes je dévie du sujet mais il y a un dicton qui dit une image vaut mille mots.A tous ceux dont l’intégrité et la vérité font parti de vos valeurs je vous dit MERCI et mes plus plus sincères hommages et pour les autres c’est dommage pour la profession.
La seule subjectivité qui ne peux pas passer vers « la masse » est celle des faits vérifiables et appuyés, bref la vérité tenant compte des effets négatifs d’une direction prise par une élite soucieuse que « leur » système fonctionne pour eux. La vérité devient alors dangeureusement subjective car ceux qui contrôle l’économie et les médias ne veulent pas que la vérité sorte au grand jour. Vive l’illusion !
En quoi consiste principalement le travail du journaliste ? Il me semble c’est d’informer après avoir été chercher toute l’information disponible afin de livrer une synthèse de cette dernière. Mais, nous le savons, les journalistes n’ont pas le temps de faire une recherche approfondie. Le simple citoyen a plus de temps pour la faire en se focalisant sur un seul sujet pendant des heures. Mais je n’ai pas encore répondu à la question de départ. Les journalistes peuvent-ils ou doivent-ils faire plus qu’informer en s’engageant pour une cause, en donnant leur opinion ou en posant des gestes concrets ?
Je dirais que ceux et celles qui prennent vraiment le temps d’étudier en profondeur un sujet, qu’ils soient journalistes ou non, ils peuvent le faire. Les spécialistes de l’écriture ou/et de la parole ont presque ce devoir . Il n’y a pas que les journalistes qui ont cette possibilité, les philosophes aussi , par exemple.
Cependant, les journalistes qui optent pour le chemin de l’objectivité n’ont pas à être jugés. Je pense que ce genre de journalisme est aussi nécessaire que celui qui choisit l’engagement. L’important est de maîtriser parfaitement le sujet pour pouvoir transmettre l’information le plus objectivement possible. Ensuite, tout est possible.
Je pense que dans la liste des « engagements » vous pourriez ajouter ceux liés à l’expertise. Le journaliste qui écrit sur le Vélo pour Vélo-Québec adhère à une forme de culture où le vélo devrait prendre plus d’importance dans notre société (et son lecteur s’attend à ça). Idem pour L’Automobile magazine, ou pour un journalisme environnemental. Là où passe la ligne entre cette forme d’engagement et la perte de sens critique est certes un danger, mais ces exemples doivent nous rappeler que le phénomène est beaucoup plus répandu que la seule polarisation autour du printemps érable. Je proposais il y a quelques mois qu’on laisse de côté tous ces débats sur l’objectivité journalistique, au profit de débats sur l’expertise: http://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/2012/08/04/vie-mort-lobjectivite