En novembre dernier, je participais à un atelier au congrès de la FPJQ portant sur les prises de position des journalistes et des équipes éditoriales. Après le printemps érable, on se posait des questions à propos d’un possible «journalisme militant» qui semblait irréconciliable aux yeux de plusieurs avec l’impartialité, longtemps considérée comme une condition essentielle au journalisme de qualité.
À cette occasion, j’avais identifié quelques cas où le travail journalistique servait des objectifs marketing, une forme de prise de position: «Achetez ce produit». En exemple, j’avais cité un article de Marc Cassivi à propos d’un livre sur Simple Plan écrit par la journaliste Kathleen Lavoie du Soleil (du même groupe de presse, Gesca) et publié aux Éditions La Presse. Cet article avait été placé en une de la section culturelle de La Presse. J’y voyais une forme dissimulée de publireportage, un choix rédactionnel visant à faire la promotion du livre.
Étais-je indigné? Non. Je précisais d’ailleurs que nous faisions la même chose avec notre Guide Restos Voir, par exemple, ou encore avec la promotion, par le biais d’articles, de notre émission de télévision. Eh oui, nous prenons position, nous militons, nous tentons de vendre nos trucs, bref, nous faisons notre propre promotion. S’en cacher serait se mentir à soi-même. Une duperie monumentale.
Le monde des médias étant ce qu’il est, Marc Cassivi avait été averti en temps réel, via un tweet d’une collègue, de mes propos qui qualifiaient son article de publireportage. Il était très fâché. Je l’avais insulté. Il m’interrogeait alors via Twitter:
– Je n’écris pas de «publireportage». C’est une assignation, monsieur Jodoin. Vous savez ce que c’est?
– Vous pouvez bien changer le mot si vous n’aimez pas «publireportage»… Parlons donc d’assignation dans le cadre d’une stratégie de mise en marché.
Enfin, je résume de mémoire. C’était pourtant limpide. Je doute au plus haut point que parmi tous les sujets culturels ce jour-là, un livre sur Simple Plan méritait la une, si ce n’était que pour servir une stratégie marketing. Ce n’est pas grave. Je ne crois même pas que ce soit mal… Mais c’est ce que c’est: de la publicité.
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Les lecteurs du Voir auront remarqué que jeudi dernier nous avons imprimé un numéro thématique «Été culturel», sorte de répertoire de spectacles et d’activités, comme nous le faisons à la rentrée ou encore à l’approche des fêtes. Comme c’est toujours le cas, nos collègues des ventes ont approché les annonceurs pour leur vendre un espace dans ce numéro. Le monde de la publicité a bien changé depuis les 15 dernières années: les entreprises culturelles font des galeries photo, entretiennent des blogues et maintiennent une présence sur les médias sociaux. Bref, elles créent, comme les médias, des contenus. Nous leur avons donc proposé — comme nous le faisons sur des blogues partenaires depuis — de leur vendre un espace pour rédiger un article.
Spectra a répondu à l’appel et a mandaté Laurent Saulnier, grand manitou de la programmation des FrancoFolies et du Festival de Jazz, pour prendre part à cette stratégie publicitaire. L’OSM, le Musée de la civilisation à Québec et autres ont fait de même. Nous avons donc publié leurs textes avec la mention «Contenu promotionnel».
Le 11 juin dans La Presse, Marc Cassivi s’indignait haut et fort. Scandale!, criait-il. En prenant bien soin de situer le contexte du journalisme culturel, exercice qui se résume, pour ce gentleman, à raconter sa propre vie, il nous accusait — et moi personnellement — de porter atteinte à la crédibilité de notre cher métier.
Pire encore, selon lui, nous aurions publié un texte de Laurent Saulnier, qui est un ancien journaliste du Voir, pour tromper sciemment le lecteur qui pourrait croire qu’il s’agit d’un journaliste alors que Laurent n’écrit plus au Voir depuis… 1999!
«On aurait voulu leurrer le lecteur, écrivait donc Marc Cassivi, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.» Je ne blague pas, il semble sérieux.
J’ai quand même une question pour Marc. Entre un journaliste qui signe un texte pour faire la promotion d’un livre de son propre éditeur, et un média qui écrit «Contenu promotionnel» en tête d’un article publicitaire, qui leurre qui, au juste?
Ne réponds pas Marc. Toi et moi, on le sait…
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Dans un article publié dans La Presse le 1er juin dernier, dans un format et une mise en page en tout point semblable à celle des contenus journalistiques, dois-je le préciser, Guy Crevier, président éditeur de La Presse, annonçait que La Presse+ avait atteint le nombre des 200 000 abonnés: «Les lecteurs nous soulignent sur une base régulière que les publicités dans La Presse+ font partie intégrante de l’expérience et qu’elles sont particulièrement ludiques, interactives et agréables», écrivait-il.
«Les publicités font partie intégrante de l’expérience» du lecteur de La Presse+… Pesez bien le sens de ces mots. Serait-ce dire que la publicité, pour le patron de Marc Cassivi, fait partie intégrante de la lecture d’informations?
Attendez, là… Pour La Presse, ce serait une révolution technologique, mais pour le Voir, ce serait une honte?
Dois-je ajouter que Marc Cassivi lui-même est devenu un prétexte pour s’acheter un iPad?
Oui, comme je le disais, le monde de la publicité a changé. À peu près tout le monde produit du contenu de nos jours, le plus souvent au profit de mégapoles comme Facebook ou Google. C’est ainsi que se décline la publicité. On ne remettra pas la pâte dentifrice dans le tube.
Devrions-nous refuser d’intégrer ces contenus comme forme de publicité? De quoi parle-t-on au juste? De laisser sortir des tonnes de fric vers une poignée de compagnies dans Silicon Valley et de fermer tout simplement la boutique?
Non. Si les formats publicitaires classiques sont périmés, il faut simplement s’adapter et en accepter des nouveaux. C’est ce que La Presse+ fait, c’est ce que nous faisons aussi.
Pour nous, c’est ce qui nous permet de payer nos collègues journalistes, pigistes, collaborateurs et blogueurs qui font un excellent travail en toute indépendance d’esprit. C’est aussi ce qui permet d’offrir une couverture médiatique aux travailleurs culturels, même pour ceux qui n’ont pas ou peu de budget. Et ils sont nombreux.
Marc Cassivi a la chance de travailler dans un média financé par un empire, Power Corporation. J’en suis très heureux pour lui.
De notre côté, nous sommes financés, en majeure partie, par des commerces, producteurs et travailleurs culturels locaux, ce qui nous permet de conserver un média indépendant et des emplois de plus en plus rares dans ce domaine.
Ai-je honte?
Non, j’en suis très fier.
Hahaha, drôle de voir monsieur Jodoin patauger de la sorte. Ça parait qu’il n’est pas habitué de le faire.
Bien parlé Monsieur Jodoin! Le Voir que vous dirigez est transparent alors que La Presse confond journalisme et propagande.
Ah oui, Voir, ce grand organe de la pensée critique de la culture au Québec, constitué de journalistes chevronnés et indépendants, imperméables au copinage (lisez Voir Québec, ça vous donnera une idée).
À d’autres s’il-vous-plaît.
« C’est comme ça c’est tout. On ne va pas remettre la pâte dentifrice dans le tube vous savez. » Vous êtes d’une tristesse…
Faudra relire l’article….
Aussi:
« C’est comme ça c’est tout. On ne va pas remettre la pâte dentifrice dans le tube vous savez. »
Votre « copier/coller » semble en rajouter!
La vaie chose qu’on reproche au Voir ce n’est pas son contenu publicitaire, sous quelques formes que ce soit, mais son contenu critique. La Presse peut bien faire des info pubs de Simple Plan, n’en demeure pas moins que les pages suivantes ne sont pas vides. Tenez, on y parle même de livres dans La Presse, et pas seulement ceux des éditions La Presse. Au Voir? Presque rien. Parfois quelques lignes. Navrant, non? Vous en parlez en autant que ce soit payant, semble-t-il. Il faudra donc demander aux éditeurs de payer pour de fausses critiques. Voir, un hebdomadaire culturel ou un espace culturel à vendre?
Voir a perdu de sa crédibilité le jour où Céline Dion a en a fait la page frontispice. C’est comme ça. On ne remettra pas la pâte dentifrice dans le tube, mais vous pourriez au moins faire attention pour ne pas en mettre partout.
Là, ça va faire…
Pas de contenu critique dans le Voir!? M. Claude, désolé, mais vous êtes dans l’erreur en plus de lancer en l’air des accusations graves.
Je ne parlerai que pour ma section, mais, chaque semaine, on propose 10 critiques de disques locaux et internationaux. Bien sûr, on aimerait en faire 20, 30, voire 50, mais on fait avec l’espace et les ressources qu’on a en ce moment. Certaines personnes nous reprochent également de faire dans le «3 étoiles» systématique. Encore là, on se doit de faire un tri dès la sélection, espace obligeant. On épargne donc la plupart des oeuvres beiges à notre lectorat. :-) Bien sûr, si une oeuvre majeure et attendue s’avère être un bide, on ne va pas se gêner pour le souligner.
«Vous en parlez en autant que ce soit payant, semble-t-il.»
M. Claude. Est-ce que vous êtes réellement conscient de ce que vous venez d’écrire? Même coiffer d’un semble-t-il innocent, c’est très, très grave!
M’enfin, je tenterai tout de même de vous rassurer : personne ne profite de notes majorées ou de critiques favorables en échange d’une quelconque promesse de pub ou de trucs du genre (je n’en reviens pas que je dois l’indiquer. On en est vraiment là dans le ‘tit monde des médias québécois!?). Soyez assuré que si c’était le cas – «semble-t-il» ou pas – l’affaire aurait fait grand bruit. Soyez assuré que ni moi, ni mes collègues chefs de section et collaborateurs pigistes ne faisons dans le «payola» et autres dérivés. Personne n’achètera notre sens critique. Point barre.
Sur ce, bon brossage de dents.
M.Cassivi s’est aventuré sur un terrain glissant où vous l’attendiez de pied ferme M.Jodoin.
Selon moi, le journalisme culturel sert justement à faire découvrir, au final, à donner envie de consommer des produits culturels. Désolé pour la logique marchande, mais on ne vas pas remettre la pâte dans tube…Méa maxima culpa, j’ai loué un film au club vidéo l’autre jour en me disant que ce serait bon, parce que Marc Cassivi de l’à presse l’a écrit. Tant mieux! C’était bon. Des hommes et des dieux, palme d’or et tout. Il ne devrait pas perdre son temps à essayer de défendre le fait que son opinion n’a aucune influence sur les choix « économiques » des consommateurs culturels.
À quand la réplique de Cassivi?
«Les publicités font partie intégrante de l’expérience» du lecteur de La Presse+
Malheureusement.
Et je ne consutle plus La Presse+. Une pub quui me saute dans ‘a lace, ce n’est pas une expérience que j’aime. Pour dire le moins.
Mais l’abonnement est gratis, payé par les commanditaires!!!
Personnellement, il faudrait que le iPad qui va avec soit gratis!
Et le Cahier Sports de La Presse? Pas de la pub pour le CH, par exemple?
Vendredi dernier, un copain m’affirmait que les organismes génétiquement modifiés (OGM) augmentaient le nombre de cancer. J’ai répondu qu’effectivement, qu’il y plus d’enfants qui naissent entre le 22 juin et 21 juillet qu’avant. L’astrologie!!! C’est quoi le lien?
Il y a quelques années, pour des raisons trop longues à expliquées, j’ai décidé de ne plus acheter de journaux qui offrent de l’espace à l’horoscope. Pour réflexe, lorsqu’on me cite des problèmes d’étique journalistique à «La Presse» ou dans un autre quotidien, qu’on cite un journaliste qui applique le novlangue orwellien pour changer le mot «publireportage» en «assignation», comme cela se fait couramment pour nous faire avaler un effritement de nos droits pour le mieux être du commerce mondial, je me pose cette question: est-ce qu’il y a de l’horoscope dans ce journal? Et lorsque Guy Crevier affirme que «les publicités de La Presse + font partie intégrante de l’expérience» des lecteurs, je me sens obligé d’ajouter que lors de la courte conversation sur les OGM, j’étais à quelques mètres d’un commerce de beignes. C’est quoi le lien? Notre société actuelle pratique l’art de vendre des trous en les entourant de quelque chose de mou qui goûte sucré.
Une fois que nous mordons dans la substance, nous contribuons à sa multiplication et augmentons les risques de mettre notre sens critique de côté. Comme ça, on peut oublier les OGM et éviter de comparer notre journal à quelque chose de trafiqué qui possède les mêmes caractéristiques qu’un quotidien sérieux.
« Non. Si les formats publicitaires classiques sont périmés, il faut simplement s’adapter et en accepter des nouveaux. C’est ce que La Presse+ fait, c’est ce que nous faisons aussi. »
Manque d’imagination… Trouvez de nouvelles façons de vous financer à la place! J’ai de plus en plus de difficulté à lire le Voir parce que je dois sauter, à chaque fois, un nombre grandissant de pages promotionnelles. Jodoin, même si c’est comme ça « que ça se fait » présentement, ça ne veut pas dire que vous ne vous aliénez pas votre lectorat…
Vos chroniqueurs sont bons et valent encore le détour, on pourrait pas les « financer » par exemple, pour que vous ayez moins besoin d’inclure ce contenu promotionnel?
Lancer un appel à tous sur Facebook pour trouver des moyens alternatifs de vous financer?
@ André Péloquin
Insultez-moi tant que vous voudrez, n’en demeure pas moins que vous n’avez réfuté aucune de mes observations. Y a pas de section Livres digne de ce nom dans le Voir, point barre.
Ceci dit, bravo pour la musique.
Mais heureusement qu’il y a des pubs pour la musique dans le Voir, sinon vous ne pourriez pas en parler autant.