Je reconduis tous les matins la petite au coin de la ruelle, où elle s’enfonce vers la cour d’école, avec son sac à dos gros comme une galaxie à moitié ouvert et son lunch trois services. Enfin, si vous la croisez, ne lui dites pas que j’ai écrit «la petite». Elle n’aime pas ça. Elle est grande. Bon, je la laisse au coin de la ruelle, donc, et c’est toujours le même rituel.
— Bonne journée, amuse-toi bien!
— Toi aussi papa.
Et je pars pour m’amuser moi aussi. Un jour, je lui dirai justement qu’on s’amuse vraiment ferme au bureau. Surtout par les temps qui courent. Bon, nous sommes une bande de joyeux drilles qui s’intéressent à la culture et au divertissement, même quand les questions sociales impliquent des «va chier» à la première ministre, des femmes à poil qui se pointent à l’Assemblée nationale, sans compter un ex-policier qui élabore des théories fumeuses. Vous ne pouvez pas savoir combien on rigole.
Je ne sais si vous avez remarqué, mais il y a deux mois, tout allait assez bien. Aujourd’hui, on a un cirque…
Le soir, on recommence.
— Alors, tu t’es bien amusée à l’école aujourd’hui?
— Oui, toi?
— Vraiment beaucoup.
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J’ai bien écouté la discussion entre Djemila Benhabib et Dalila Awada à Tout le monde en parle dimanche dernier. La première, militante bien connue engagée dans un combat contre l’extrémisme musulman et la seconde, jeune étudiante en sociologie qui revendique depuis quelques années une manière libérale de porter le voile, si je peux dire les choses ainsi.
Je n’ai rien contre Djemila Benhabib, remarquez. Elle m’enquiquine un peu, sans plus, lorsqu’elle balance l’anathème de l’idiotie utile à quiconque voudrait tenter de relativiser l’invasion imminente d’un islamisme radical à Montréal. Je dis Montréal, parce que j’y habite depuis 40 ans et que, bon, pour tout vous dire, je doute qu’on puisse envisager une telle chose à Saint-Georges, en Beauce. Toujours est-il que selon elle, porter le voile est une hérésie, un renoncement à la solidarité que nous devrions tous nous imposer, hommes et femmes de l’Occident, pour résister aux soldats d’Allah qui nous assiègent.
C’est un point de vue qu’on peut certainement soutenir. Le voile est un symbole de soumission, ne pas le porter est un symbole de lutte contre cette soumission. Point. Tu as deux choix. Dès que tu dis «oui, mais…», tu es un idiot utile. Disons que ça ne facilite pas la discussion, pour dire les choses simplement.
Oui mais, voilà, à la réflexion, en écoutant cette conversation, donc, je me suis pris le front dans le piège d’un questionnement embarrassant, que je n’ai su dénouer depuis. J’imaginais donc Djemila Benhabib, dépourvue de tout signe religieux, travaillant pour un service public. Disons un CLSC, tiens. Et j’imaginais ensuite un couple se présentant devant elle, un barbu en djellaba accompagné de sa femme voilée, mettons. Non, mieux, mettons le barbu en bermudas, avec un t-shirt et des lunettes fumées. On garde la femme voilée, mais on l’appelle Manon. Manon est née à Repentigny.
— Bonjour madame, on vient pour la pilule du lendemain…
J’ai la très curieuse impression que ce couple ne serait pas servi en toute neutralité, sans égard à ses croyances. Tiens, tiens… Je ne sais pas, je vous le demande. Alors pour Saïd et Fatima… Imaginez un peu! (Allez savoir pourquoi, toutes les femmes s’appellent Fatima ces jours-ci.)
Coquin de sort! L’absence de symbole religieux pourrait elle-même, dans certains cas, symboliser une lutte à caractère religieux. Une lutte radicale, même, une croisade contre les idiots utiles. Il y a du sacré là-dedans.
Je me demande, à force de laisser mariner ce genre de discours dans la saumure de l’opinion publique, combien de radicaux du dévoilement obligatoire nous sommes en train de mettre au monde. Béats, devant leurs écrans ou lisant les grands titres, adoptant la posture de l’urgence dans la lutte et prêts à sortir manifester contre l’ennemi qui nous assiège, quand ce n’est pas pour tenter purement et simplement de le débusquer en croisant des passants sur la rue ou dans l’autobus. Nous sommes médiatiquement à des années-lumière de la laïcité étatique… Nous sommes dans l’herméneutique des symboles où toute personne voilée devient suspecte, c’est ça ou l’idiotie.
Je ne sais pas si j’ai manqué quelque chose, mais il m’avait vaguement semblé que c’était l’inverse qu’on voulait nous proposer en parlant de la laïcité de l’état.
Il faudra bien un jour parler de l’idiotie inutile. Ça aussi, ça pourrait devenir un fléau.
La « neutralité » de l’État, il faut y travailler. Ce n’est pas seulement de ne pas porter de signes religieux. En situation d’autorité, il faut se donner ou être formé pour avoir des critères objectifs dans l’exercice de ses fonctions. Je suis persuadée (et même si ce n’est pas souvent évident dans les médias) que les policiers, par exemple, doivent avoir une formation en ce sens. Sinon, et cela devrait être corrigé au besoin, l’accès à des recours légaux devraient être facilité si des interventions policières s’avéraient discriminatoires et/ou injustifiées vis-à-vis des communautés avec des caractères distinctifs. Les mêmes principes devraient s’appliquer dans les milieux d’éducation. S’assurer de l’objectivité des personnes en autorité. Et ça c’est moins sur quand on a des écoles et/ou des milieux de garde subventionnés, donc accessibles en principe à tous, à vocation religieuse. J’ai fait plusieurs années d’étude et de formation en petite enfance pour atteindre un certain degré d’objectivité, pour justement me faciliter le travail avec le plus grands nombres d’enfants, de familles et de cultures possibles, j’aurais de la difficulté à travailler avec des gens qui se rabattent sur des doctrines morales pour décider de ce qui est bien ou mal dans le comportement des enfants et qui fatalement interviendraient en ce sens. Bien entendu j’imagine qu’il est possible pour un(e) religieux(se) pratiquant(e) d’arriver à départager sa morale et les techniques d’intervention qu’il(elle) doit adopter. Il ne lui restera plus qu’à expliquer de façon neutre la présence d’un signe religieux qu’il(elle) a choisi de porter s’il est visible parce que les enfants sont très friands des quoi, des pourquoi et/ou des comment. Que l’on voit ce débat de l’intérieur ou de l’extérieur, des idiots utiles il y en a partout. Imaginez la Presse qui fait un appel à témoins pour des agressions sur des femmes voilées. Ça fait des années que je milite contre l' »ethnophobie » et la discrimination dans nos écoles et ça n’intéresse personne. Pourtant des jeunes sont stigmatisés à vie suite à des interventions inadéquates ou carrément inappropriées de personnes en autorité.
» S’assurer de l’objectivité des personnes en autorité. »
Si l’objectivité est un idéal jamais atteint, on peut néanmoins espérer l’expression d’une certaine objectivité . Est-ce qu’on aurait pu imaginer des policiers arborant le carré rouge à Montréal sur les lieux des manifestations lors du printemps érable ? Pourtant, il devait bien y avoir quelques ( je dis bien « quelques ») policiers pouvant être en accord avec la gratuité.
Laïcité religions et autres j’ai peu être la solution ultime pourquoi ne pas créé quatre divinités tel le dieu de la terre la déesse de la mer le dieu de l’air et comme dieu suprême le soleil source de vie paradoxalement pour le voir on regarde vers le ciel et sa lumière est indéniablement la source de notre survie.Le non respect de n’importe quel de ces divinités serait punis sévèrement avis au pétrolières minières et autres industries de même nature ils seraient enclin a respectés la nature même de l’ humanité car les premiers visés serait ceux et celles qui on les pouvoirs décisionnelles fini l’impunité éhonté.Économiquement parlant que de nettoyé le tout créerait globalement des millions d’emplois et maintenir le tout serait dans la continuité d’employabilité. Tant qu’aux richards de la terre diversifiés vos portefeuilles dans le propre car vos et nos petits enfants en benéficierons surement.P.S:A tout les marchands de la mort que de fabriqué des machines a bâtir serait aussi rentable que celles de destruction.Soyons constructif la terre en vaut la peine et peu importe notre religion se ne seras nos dieux qui vont nous sauvés si le soleil s’éteint….
On arrête le manège et on réouvre le dossier de la couleur de la margarine ,le jaune est cancérigène et limite notre longévité a 163 ans , Elle forme un comité de sage pour un rapport sur son bureau avant le déclenchement des élections le 6 novembre après en avoir avisé le ministre de l’agriculture .La santé des Québécois est prioritaire donc je suggère que l’on fasse une élection référendaire sur la couleur de la « MARGO »
Je suis vraiment tanné de ce débat créer de toutes pièces par un gouvernement qui ne sait plus comment faire pour rester au pouvoir à part diviser pour régner.Car dès l’instant ou ont mélange la religion et l’état c’est le bordel pour ne pas dire la »merde » totale. L’histoire du Québec et du monde l’a pourtant prouvée et ça continue aujourd’hui .Montréal contre les régions, les cathos contre les musulmans etc…Qu’est-ce qu’on ne fait pas au nom de la religion, ou pour continuer à faire un »power trip » politique…?
Vous avez entièrement raison , dans les années cinquante et soixante avant la révolution tranquille l’église était directement impliquée dans notre éducation et ça n’est plus le cas …Bonne Affaire …
Aujourd’hui le gouvernement du Québec se cherche un autre sujet de « Conquête « …du pouvoir encore une fois sur le dos de quelqu’un d’autre en tirant sur le cordon du cœur nationaliste et c’est pas fort ,
fort …Le pire est a venir …Mme.Marois supporte l’abolition des commissions scolaires ,idéologie volée a L’ADQ …Les dites Commissions sont enchâssées dans la Constitution Canadienne et maintenant vous avez la prochaine chicane FED.-PROV. Avec au premier plan les Lisee,Drainville et la meilleure de toutes »Sœur Marie Malavoy » …En voiture vous dites!!! La on va se bidonner !!!
Le port du foulard islamiste « pour les femmes croyantes » ne serait pas requis par le Coran mais par les hommes musulmans, jaloux et pressés de préserver la vertu de leurs mères, de leurs épouses, de leurs sœurs et de leurs filles contre l’avidité masculine, qui s’enflammerait sans retenues, aux chevelures féminines.
Fait que, pour des raisons de sécurité nationale et pour libérer ses femmes inconscientes du danger des hommes dominateurs, que le PQ ne baisse pas sa volonté de faire adopter sa charte, aussi loin que pourra aller la CAQ de M. Legault, qui détient la balance du pouvoir à notre Assemblée nationale.
Le PQ, libérateur de femmes maintenant!
» Le port du foulard islamiste « pour les femmes croyantes » ne serait pas requis par le Coran » Et même si cela était le cas, M. Bousquet, connaissez-vous un chrétien qui, trompé par son œil, se l’est arraché ? Ce qui est extrémiste à mon avis c’est de penser être le détenteur unique de la parole de Dieu. En ce sens, peu de religions peuvent se vanter d’être capables de relativiser son bagage de croyances.
M. François P., ça fait lon gtemps
M.François P., ça fait longtemps que le PQ est libérateur de femmes, c’est Mme Marois qui a créé les garderies à 5 $.
lol
@ Gilles Bousquet:
Avant de dire n’importe quoi et d’imaginer des complots imaginaires, un volume à lire impérieusement paru tout récemment: «Inclure (Quelle laïcité pour le Québec?)» de Jean Dorion, édition Québec-Amérique, 2013.
M. Dorion, ex-militant du RIN dès 1962, membre fondateur du PQ, ex-attaché politique des regrettés ministres de l’Immigration Jacques Couture et Gérald Godin puis directeur de son cabinet également, lorsqu’il fut ministre responsable de la Loi 101.
Il fut ensuite agent de liaison au ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, président du comité de la langue de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal puis président de cette même Société pendant plus de onze ans, délégué général du Québec à Tokyo et enfin député du Bloc Québécois de Longueuil-Pierre- Boucher.
M. Dorion est également fondateur et président de l’organisme Indépendantistes pour une laïcité inclusive (eh oui, ça existe…).
Avec pareil curriculum, on ne peut tout de même pas accuser ce monsieur de «connivence occulte» avec l’ennemi, n’est-ce pas cher ami?
Lisez, ça permet fréquemment d’ouvrir les horizons…
Jean-François Revel écrivait dans La Connaissance inutile : «Une des manies les plus intrigantes des intellectuels est de projeter sur les sociétés libérales les défauts qu’ils refusent de discerner dans les sociétés totalitaires.» Propos on ne peut plus actuel : cela fait déjà un bon moment que la gauche occidentale se bat jusqu’à l’épuisement contre les moulins à vent d’un néofascisme imaginaire tout en s’avérant incapable de reconnaître les résurgences du fascisme réel – notamment dans ce que Christopher Hitchens qualifiait avec justesse d’islamofascisme. Cet aveuglement est particulièrement apparent de nos jours chez les prêcheurs de multiculturalisme. Selon Pierre-André Taguieff, leur idéologie se caractérise par «(…) une vision angélique de «l’autre» face auquel il faudrait pratiquer «l’ouverture» les yeux fermés, sous peine d’être soupçonné de «racisme» ou de «xénophobie». Qui n’applaudit pas à la célébration de telle ou telle minorité transfigurée en victime, se construisant par ses revendications infinies, est dénoncé comme portant atteinte à la «dignité» du groupe considéré.» (Les Contre-réactionnaires). L’illustrateur Brad Holland faisait le même constat, non sans humour, dans l’Atlantic Monthly de juillet 1996 : «Multiculturalism: I’ve never understood why artists, who so often condescend to the clichés of their own culture, are so eager to embrace the clichés of cultures they know nothing about.».
Ce diagnostic s’applique aussi, mutatis mutandis, au discours de M. Jodoin. «Il y a péril en la demeure» : tel est le solennel avertissement qu’il nous servait le 20 avril 2011, la gorge nouée par la menace gravissime que le Parti conservateur faisait peser sur notre démocratie. Il dénonçait alors «l’influence de la droite religieuse sur le débat public» et «les fous de Dieu» qui «gangrènent la politique aux États-Unis», ajoutant à propos de la droite canadienne : «Pourquoi ferment-ils les yeux sur le fondamentalisme qui pénètre les bases du Parti conservateur?» Douze jours après, Harper formait un gouvernement majoritaire et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. (Je précise que je n’ai pas voté PC et que les politiques conservatrices me paraissent des plus contestables.) Fast forward vers octobre 2013 : M. Jodoin affirme sans rire que Dalila Awada revendique «une manière libérale de porter le voile» et il ridiculise la laïciste Djemila Benhabib comme une «radicale» possédée par le «sacré». Nouvel avatar de la langue de bois orwellienne : la liberté, c’est l’esclavage; l’ignorance, c’est la force; la laïcité, c’est du fanatisme religieux; le port du voile, c’est un signe d’émancipation. Le chroniqueur du Voir ne fait ici que répéter docilement – ou devrais-je dire pieusement – les trouvailles oxymoriques de la propagande islamiste, dans le genre «démocratie islamique» ou «féminisme islamique», sans parler de cette ubuesque «Déclaration islamique des droits de l’homme» concoctée au Caire en 1990. Tant qu’à pousser la plaisanterie, nous annoncera-t-on bientôt une nouvelle forme de «puritanisme sexy»? C’est à se demander si M. Jodoin a bien prêté l’oreille à cette petite phrase pas si anodine, prononcée par Mlle Awada sur le plateau de TLMEP : «La liberté de conscience, elle a ses limites.»
Dans une autre de ses chroniques (déc. 2012), M. Jodoin rappelait qu’au Québec, avant la Révolution tranquille, l’encadrement religieux de la société civile avait pour corollaire «une certaine manipulation des âmes et des consciences.» Et le voilà maintenant qui fait contraster Dalila, cette «jeune étudiante en sociologie» dont la tranquille existence se déroule à l’écart de tout activisme, avec Djemila, cette «militante» qui cherche à nous embrigader dans sa «croisade» laïciste. Inutile d’enquêter sur les lobbys religieux auxquels Dalila pourrait être affiliée. Pas un mot sur l’entrisme auquel elle-même et ses consœurs voilées se sont livrées à la Fédération des femmes du Québec – jusqu’à en faire expulser Michèle Sirois et Leila Lesbet en raison de leurs positions anti-voile. Silence complet sur ce que ces manœuvres trahissent comme volonté de mainmise idéologique, de mise en tutelle identitaire des individus, de manipulation des âmes et des consciences (dixit Simon Jodoin). Mais alors, et pour paraphraser M. Jodoin : pourquoi occulter ainsi l’influence de la droite religieuse musulmane sur le débat autour de la charte? Pourquoi se taire à propos de ces folles de Dieu qui gangrènent la politique au Québec? Pourquoi fermer les yeux sur le fondamentalisme musulman qui pénètre les bases de la FFQ?
La FFQ n’est d’ailleurs pas seule en cause. Car plus un parti politique se positionne à gauche, plus il se montre complaisant envers l’islam même le plus obscurantiste. Cet étrange paradoxe se vérifie à tous les paliers de gouvernement.
– Au niveau municipal : Najat Boughaba, candidate du parti Vision Montréal en 2009, a milité au sein de Présence musulmane, un lobby lié aux Frères musulmans et proche de Tariq Ramadan. Elle a aussi été porte-parole du Congrès islamique canadien (CIC), autre lobby ultrareligieux qui a tenté de faire instaurer des tribunaux de la charia en Ontario.
– Au niveau provincial : la susnommée Dalida Awada a été choisie en mars dernier comme porte-parole de Québec solidaire dans Montréal-Nord. Rappelons aussi que l’ex-candidate QS Ginette Lewis voue une admiration sans bornes au Hezbollah et que cela lui a valu en 2006 la bénédiction d’Alexa Conradi, alors présidente de QS et aujourd’hui présidente… de la FFQ!
– Au niveau fédéral : Samira Laouni, candidate NPD dans Bourassa en 2008, a elle aussi travaillé comme chargée de projets au CIC, dont l’ex-président Mohamed Elmasry soutenait le Hamas et le Hezbollah. De son côté, l’ancienne bloquiste Maria Mourani a envoyé en 2009 à ses collègues parlementaires des vidéos glorifiant l’action du Hamas et d’autres groupes terroristes islamiques.
Combien de journalistes se sont interrogés sur ces alliances contre-nature entre la gauche soi-disant progressiste et l’extrême-droite islamiste? Fort peu, il faut l’avouer. En revanche, ils furent nombreux à épingler comme elle le méritait la candidate conservatrice Nicole Charbonneau Barron pour son appartenance à l’Opus Dei. Il y aurait ainsi, au gré d’une certaine opinion médiatique bien-pensante, de bons extrémistes et de mauvais extrémistes. Cette règle du «deux poids, deux mesures» trahit toutes les équivoques du néoprogressisme à motivation «antiraciste». Face à un intégriste catholique ou protestant, on dira : Be afraid, be very afraid. Mais face à un intégriste musulman, ce sera plutôt : Circulez, y’a rien à voir. C’est ainsi que la ci-devant féministe Francine Pelletier, toujours prompte à dénoncer «l’entêtement obtus de l’Église vis-à-vis des femmes», se change à vue d’œil de pétroleuse en agneau docile dès qu’il est question de l’islam. Pelletier accepterait-elle de participer à un colloque organisé par l’Opus Dei? Non? Pourquoi alors frayer avec Présence musulmane, comme elle l’a fait lors d’un colloque en 2008? Pouvons-nous l’imaginer réalisant un documentaire bienveillant sur des Québécoises converties à l’évangélisme, avec pour titre Mes sœurs évangélistes? Impensable? Que penser alors de son film Mes sœurs musulmanes, dans lequel la question du voile se trouve complètement dépolitisée, comme s’il s’agissait d’une pure affaire de «human interest»? En quoi les «sœurs» en question seraient-elles moins réactionnaires que les antiféministes du groupe REAL Women Canada, prises à partie par Pelletier dans Le Devoir pas plus tard qu’en août dernier?
Autre exemple : La Servante écarlate (1985), ce roman d’anticipation dans lequel Margaret Atwood imagine une terrifiante théocratie misogyne instaurée, comme de bien entendu, aux États-Unis, à la faveur d’un attentat terroriste faussement attribué à des islamistes. Dix ans plus tard, le cauchemar de la romancière se réalisait, non chez nos voisins du sud mais en Afghanistan, passé sous la férule des talibans. Bravo, Margaret, pour tes dons prophétiques! Plus près de nous, on connaît la croisade bouffonne que les Bérets blancs mènent depuis un demi-siècle contre l’immodestie, le short, la mini-jupe et le port du pantalon par les femmes. Fou rire irrépressible, par conséquent, chez M. Jodoin lorsqu’il brocarde l’ADQ pour avoir en 2007 «joué à fond la carte identitaire, jusqu’à séduire les Bérets blancs» (chronique du 22 août dernier). Pourtant, le même chroniqueur s’abstient soigneusement de critiquer les positions pro-voile de Québec solidaire, ce «parti de gauche à la droite du Seigneur», comme dirait Louise Mailloux. L’irrévérence fera donc place à la déférence selon que l’attachement fanatique à des règles vestimentaires d’un autre âge s’exprime chez Gilberte Côté-Mercier ou chez Dalida Awada. Il est permis de railler sans aucune retenue un groupuscule ultracatholique au puritanisme risible et arriéré; en revanche, pas touche aux femmes porteuses du hijab qui, elles, ont cette chance d’appartenir à une «grande religion» infiniment respectable.
Cet anticléricalisme à géométrie variable se nourrit de la mauvaise conscience et du masochisme pénitentiel qui sont si répandus parmi les «belles âmes» en Occident. À cela s’ajoute, comme facteur aggravant, le syndrome de Stockholm dont souffre la gauche occidentale depuis le 11 septembre 2001. Les droits de l’homme, affirme ainsi sans ciller Béatrice Vaugrante d’Amnistie internationale, nous viennent des «idées de justice et de dignité humaine laissées par les penseurs de l’islam de l’âge d’or». Ben, ça alors! La science moderne, ajoute la féministe Louise Vandelac en citant l’islamomarxiste Roger Garaudy, est née dans l’Andalousie médiévale sous domination musulmane. Ben voyons, c’est évident! De son côté, le magazine «alternatif» d’extrême gauche Adbusters trouve d’admirables vertus anticapitalistes à la pratique du ramadan et aux principes de la finance islamique. Gérard Bouchard abonde dans le même sens : «Pour un certain nombre de femmes musulmanes, le foulard est un signe de rejet de l’hédonisme marchand occidental.» À bas la société de consommation, vive l’islam! Pas étonnant que «Frère Tariq» fasse les yeux doux aux altermondialistes. Après tout, les intellectuels de gauche Michel Foucault et Jean Ziegler se sont enthousiasmés pour la révolution iranienne de 1979. Les communistes Roger Garaudy et George Galloway se sont convertis à l’islam, imités plus tard par le terroriste vénézuélien Carlos. Aleida Guevara, la fille aînée du «Che», a fraternisé au Liban avec le numéro 2 du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, en 2010. Toujours au Liban, l’anarchiste bien connu Noam Chomsky est allé faire la bise en 2006 à deux autres dirigeants du «Parti de Dieu», Nabil Qaouk et Hassan Nasrallah. Et que dire de Pierre Falardeau qui écrivait en 2006 : «Personnellement, le Parti de Dieu, ça ne m’empêche pas de dormir. Laïcité, mon cul. Le Hezbollah est peut-être l’ennemi d’Israël et des États-Unis, mais ce n’est pas mon ennemi à moi.»
L’islam, s’imagine tout ce beau monde avec candeur, c’est la religion des pauvres et des opprimés : une religion anticapitaliste, anti-impérialiste, antioccidentale, antiaméricaine et anti-israélienne. Et les ennemis de mes ennemis, pense-t-on parfois, sont logiquement mes amis. D’après Robert Redeker, cette connivence n’est pas purement opportuniste mais révèle une réelle affinité idéologique, par exemple chez les dénonciateurs professionnels de la «société marchande» : «La vieille guerre contre le corps amorcée en Occident par Platon, qu’une certaine variante du christianisme n’a pas manqué de mener et qui réapparaît aujourd’hui chez les partisans du voile islamique, anime le mouvement anti-pub. S’imaginant n’être qu’un mouvement anticapitaliste, il s’avère en fait véhiculer une haine du corps et de sa visibilité, de sa représentation et de son exposition, qui relance les formes les plus morbides de l’ascétisme.» (Le Monde, 11-12 avril 2004). Pascal Bruckner complète cette analyse dans son essai La Tyrannie de la pénitence : «La haine du marché vaut bien quelques accommodements avec les droits fondamentaux, surtout celui de l’égalité homme/femme. Les intégristes, déguisés en amis de la tolérance, pratiquent la dissimulation et se servent de la gauche pour avancer leurs pions sous le masque d’une rhétorique progressiste. Double tromperie : les uns soutiennent le voile au nom de la lutte contre le racisme, les autres feignent d’attaquer la mondialisation pour imposer leur version de la foi.» Seulement, que pensez-vous qu’il arrivera une fois que leur ennemi commun aura enfin été abattu? M. Jodoin pourrait-il éclairer notre lanterne sur ce point?