Bon, évidemment… Ce n’est un secret pour personne et aussi bien le redire d’entrée de jeu: Claude Robinson est un ami. Un ami de tous ceux qui ont choisi de le soutenir financièrement et moralement depuis quelques années – qui ont vu dans son acharnement l’incarnation du petit créateur qui se bat contre les mammouths du divertissement – mais aussi, surtout, un ami personnel. Je le dis simplement pour que ce soit clair. Voilà.
Depuis la réception de la décision de la Cour suprême, ça me démange d’écrire quelque chose. Permettez-moi aujourd’hui de ne pas me lancer dans une analyse du jugement. Cet exercice a été très bien réalisé à répétition depuis hier par des analystes sans doute plus compétents que votre humble serviteur.
Non, je vais vous parler d’accès à la justice. Car c’est beaucoup de cela dont il est question. À ce titre, une chose est certaine: si Claude n’avait pas fait preuve d’une si grande détermination dès les premières années de sa lutte, il n’aurait sans doute pas eu accès à l’aide de la population – qui a été un facteur déterminant – pour continuer son combat et éventuellement le gagner.
Voyez-vous l’étrange paradoxe? Pour gagner la sympathie du public et engager ses concitoyens dans une levée de fonds il faut commencer par se tuer à la tâche, sans relâche, avec patience et précision. Certes, Claude a eu la chance d’avoir accès à un bureau d’avocats qui a accepté de lui monter une ardoise jusqu’à ce que sa cause connaisse son dénouement. Il a eu aussi assez tôt le soutien de ses pairs, auteurs et créateurs, notamment grâce à la SARTEC, afin de payer frais d’expertise, débours, transcriptions, production de documents, etc. En 2002 la société qui défend les droits des auteurs de radio, télévision et cinéma avait déjà recueilli autour de 84 000$. Mais était-ce suffisant pour continuer son aventure? De toute évidence, non.
C’est suite au premier jugement en Cour supérieure en 2009, après 15 ans de lutte, alors que les coupables ont choisi d’aller en appel de la décision du juge Auclair, que nous avons mis sur pied l’Opération Claude Robinson afin de mobiliser l’ensemble de la population. Nous avons ainsi amassé 597 000$ pour assurer les démarches en Cour d’appel et en Cour suprême… Je le rappelle et j’insiste: non pas pour payer le cabinet d’avocat, mais simplement pour d’autres frais: experts et conseillers, production de documents, déplacements, etc. Nous l’avons souvent redit, mais il faut bien s’en rendre compte: pour la seule étape de la Cour suprême, il a fallu produire pour près de 155 000$ en photocopies officielles! Les volumes présentés en appel ne pouvaient être réutilisés pour des raisons de normes et de formats! Je donne cet exemple simplement pour pointer l’absurdité de la chose.
On n’a jamais assez dit que sans le support du public, tout cela aurait été impossible. C’est grâce au soutien de tous qu’on peut espérer avoir accès aux hautes sphères juridiques.
Il faut bien se rendre compte de ce paradoxe embêtant: pour gagner la sympathie du public, et ainsi avoir accès à cette fameuse justice, il faut d’abord se battre 15 ans avec entêtement, parfois envers et contre tous. Il faut se faire traiter d’excentrique, de fou, de menteur, même. Il faut mettre sa santé en jeu, ne pas dormir, ne parler que de ça et entraîner avec soi sa famille…
Qui a envie de jouer ce jeu qui a toutes les allures d’une partie de roulette russe?
Pas grand monde.
À cet accès à la justice, rendu possible par le soutien du public, il faut aussi ajouter l’accès aux médias, un aspect essentiel qu’on oublie trop souvent. Se battre dans l’ombre, c’est se battre seul. Pour espérer trouver des sympathisants prêts à fournir temps et argent pour vous aider, encore faut-il qu’ils entendent parler de vous. Or, on le sait, les nouvelles se bousculent au portillon. Firmes de relations publiques, attachés de presse, stratèges en communication, docteurs du spin, tous jouent du coude devant les recherchistes et les journalistes pour obtenir du temps d’antenne et avoir accès aux grands titres. Un quidam sorti de nulle part, même s’il raconte une histoire rocambolesque, risque peu d’attirer l’attention.
Pire encore! Plus votre histoire est rocambolesque, plus elle implique des gros joueurs qui circulent dans les corridors des pouvoirs économiques et politiques, plus on vous accueillera avec un sérieux doute. Dans un premier temps, on ne vous croira tout simplement pas. Vous devrez travailler seul pendant des années, monter pièce par pièce et preuve par preuve, votre argumentaire. Un travail de moine.
Un jour, après des années, les médias vous trouveront merveilleux. Je le dis sans ironie et sans aucune critique acerbe. C’est un simple constat: pour avoir une bonne histoire et être invité sur les plateaux les plus prestigieux, vous devrez d’abord la fabriquer, cette histoire. Il vaut faudra du temps, du temps, du temps et encore du temps. C’est à ce prix seulement qu’il sera possible de faire connaître votre cause et d’obtenir la sympathie et le soutien de la population.
C’est ainsi que se présente le nœud gordien de l’entêtement devant la justice et de l’accès à cette dernière, au moins pour des causes complexes qui méritent une longue analyse comme celle de Claude Robinson. À coups de persévérance et de courage le citoyen ordinaire doit irrémédiablement, à moyen terme, recevoir l’appui du public et ce dernier ne se gagne que par un accès aux médias.
Chacun choisira sa méthode pour trancher ce nœud. À mon avis, il faut souligner la voie et les armes choisies par Claude depuis le début de son combat: la vérité, la dignité et la propreté. Jamais il n’a même été tenté de donner dans le coup d’éclat, de crier des noms, d’insulter ou d’appeler au boycott de ceux qui l’avaient floués. Aucune haine. Patiemment, en silence très souvent, il a choisi de classer ses dossiers, d’enquêter, d’entretenir ses amitiés avec une bonhomie redoutable et désarmante. Jamais il n’a joué l’offusqué ou l’indigné à la mode. Il a dessiné son combat tout en finesse, avec des traits précis et délicats, jamais grossiers. C’est ainsi que petit à petit, avec humilité et détermination, il a gagné le cœur de ses concitoyens tout en ayant accès aux voies réservées des médias. Il y a là une leçon à retenir.
C’est encore dans cet esprit que Claude Robinson a choisi d’accueillir la décision de la Cour suprême. En silence, chez lui, avec sa femme et ses amis. Il a choisi de réfléchir et d’analyser patiemment avant de réagir et de faire la tournée des médias – et Dieu sait qu’il y aurait de quoi pavoiser, la chose aurait été facile! Bref, Claude aura été un gentleman, un vrai, jusqu’au bout.
C’est à ce gentleman que je voudrais aujourd’hui souhaiter joyeux Noël. Bien sûr, le combat de Claude portait sur le droit d’auteur. Mais sa victoire va bien au-delà de ces considérations spécifiques. C’est toute une réflexion sur l’accès à la justice et sur les dédales de la bureaucratie qu’il a provoqué. Ce sont les rapports de forces économiques et médiatiques qui ont été rudement remis en question. Finalement, c’est une histoire d’honnêteté, de patience et de persévérance qui vient d’être racontée à tous ces concitoyens qui assistent impuissants au grand spectacle du mensonge, de la corruption et des infamies commises au nom de la puissance économique et politique. Ils doivent être nombreux à se dire aujourd’hui: «Yes, on vient d’en gagner une!!!».
Ils ont raison. Claude vient de nous raconter une histoire où le bon gagne à la fin sans jamais avoir été méchant. Les cadeaux ne sont pas encore sous le sapin – les verra-t-il un jour? Mais l’étoile, elle, brille bel et bien au sommet. Ne reste qu’à la suivre.
Joyeux Noël Claude Robinson.
Bonjour Simoin Jodoin
Qui sont les avocats qui ont aidé Claude ?
Eux aussi mérite toute notre admiration.
24 décembre 2013
Une justice injuste
Depuis un an et demi on a vu des bandits à cravate parader à la commission Charbonneau, s’excuser, dire que je n’aurais pas dû ou s’en laver les mains. Pendant ce temps l’auteur Québécois Claude Robinson se bat depuis 18 ans pour récupérer ce qu’on lui a volé.
En effet après plusieurs essais infructueux de mise en marché depuis 1982 l’auteur s’aperçoit que son œuvre est diffusée sans sa permission. Revendiquant ses droits, la saga judiciaire débute en 1996.
Sa première victoire judiciaire remonte à 2009 car la Cour supérieure du Québec conclut que son œuvre a été plagiée et lui accorde 5,2 millions$. Plus tard en 2011, la Cour d’appel du Québec maintient le jugement de la Cour supérieure, mais revoit à 2,7 millions$ les indemnités à verser à l’auteur. Ce 23 décembre, le plus haut tribunal du pays lui redonne gain de cause et rehausse les indemnités à 4.4 millions$.
De ce fait la cour Suprême a reconnu de façon unanime que les compagnies CINAR, FRANCE ANIMATION, Ravensburg et RTV Family Entertainment ont plagié l’œuvre de M. Robinson.
À mon avis le fait que l’auteur ait dû passer 18 ans à se battre reflète que la justice est injuste et en plus il lui reste à recouvrer les sommes dues, après 18 ans de bataille et 3 millions $ en frais d’avocat.
Claude Robinson a fait la preuve en étant une exception incroyable que notre système de justice ne mérite pas son nom. Il est pratiquement impossible d’obtenir justice quand on se bat contre des très riches et puissants qui peuvent utiliser le système pour nous broyer.
Pour un Claude Robinson qui a finalement, à force d’opiniâtreté, à gagner, combien de milliers de gens floués, volés ou dépouillés qui ont dû abandonner la lutte, parce que celle-ci est trop inéquitable ?
Et encore, sa victoire n’est pas totale: Il lui reste encore à se battre pour aller ramasser une grosses partie des sommes qui lui sont accordées. Combien d’années de lutte encore ?
Et pensez que pendant 18 ans, il a dû se ruiner la santé, subir les injures, des vexations de toutes sortes et tant de désillusions. Et abandonner, pendant 18 ans, tout processus créatif. Autrement dit à renoncer à sa carrière et à sa vie pour obtenir justice.
Il faut avoir une âme de créateur pour comprendre les sacrifices auxquels il a consentis.
C’est l’effet de notre « système d’injustice ».