«Étranglée par son hijab» pouvait-on lire à la une du site web du Journal de Montréal jeudi dernier, alors qu’on rapportait un accident tragique à propos d’une dame retrouvée coincée, sans vie, dans un escalier mécanique d’une station de métro. Évidemment, un tel titre en a fait sourciller plus d’un et, faisant son chemin sur les sentiers sinueux des médias sociaux, a engagé une vaste conversation marquée par diverses réactions. Pour les médias concurrents, il fallait rapidement confirmer ou infirmer la nouvelle. Pour les détracteurs du tabloïd qui carbure aux titres-chocs, c’était un nouvel épisode de populisme ordinaire qui devait être dénoncé. En insistant sur cet aspect de la nouvelle – qui est un détail, dans le contexte –, le journal n’aurait voulu qu’attiser, par malveillance selon certains, une sorte d’islamophobie bon marché. Provoquée consciemment ou pas, en tout cas, cette islamophobie s’est bel et bien manifestée chez les consommateurs de ce genre de populisme. Les commentaires, pas nécessairement feutrés, à propos de ce vêtement religieux qui devrait être interdit, n’ont pas manqué de ressurgir d’un peu partout et ont été maintes fois dénoncés depuis.
Et pourtant, un hijab est un hijab comme un poncho est un poncho. Une dame, dont on ignore le nom et l’histoire, en portait un ce matin-là. «Selon ce qu’on a appris», il se serait coincé dans le mécanisme de l’escalier pour finalement l’étrangler. Tout reste à démontrer et à expliquer, mais selon toute apparence, c’est ce qu’on savait à ce moment-là et ce serait à peu près tout ce qu’on pouvait en dire, pour l’instant.
On s’en tiendrait ainsi au strict niveau des faits qui ont pu être confirmés. Le vêtement que la dame portait n’aurait été ici mentionné que de manière naturelle, il ne posséderait, dans ce récit, qu’une valeur référentielle à un objet, indépendamment de toute histoire, en désignant un vêtement qui porte un nom. Voilà tout.
La réflexion serait donc close. Un journaliste a simplement fait son travail en rapportant des faits bruts et toute autre interprétation serait superflue. Tout jugement de valeur supplémentaire serait de trop.
Or, ce fait divers permet à tout le moins d’entamer une réflexion qu’il serait téméraire de rejeter du revers de la main et qui touche une mécanique complexe de mise en marché de l’information.
Les faits, assemblés en récit pour être vendus et consommés dans l’économie de la diffusion médiatique, ne sont jamais que des faits.
Le récit qui parvient au lecteur ou à l’auditeur ne lui apparaît pas tout bonnement par une suite complexe de hasards et de coïncidences: il est fabriqué. Il s’agit d’un produit, d’une construction. Plus précisément, les faits bruts ont été mis en forme: il s’agit d’une information.
Afin d’assurer une diffusion, il faut ensuite, comme c’est le cas pour tout produit, trouver un slogan, une réclame. C’est le titre.
Il faut aussi un emballage et une vitrine afin de bien le mettre en vue.
C’est ainsi qu’apparaît à la une d’un site web d’un média, un récit au titre accrocheur: «Étranglée par son hijab».
De la dame bien réelle qui existe dans le monde – on saura plus tard son âge, 47 ans – et qui porte un hijab tout aussi réel lui aussi, jusqu’à la mention de son triste destin au sein d’un article de presse classé dans les faits divers, une transformation s’est opérée. Elle nous apparaît momentanément sans nom et sans histoire, passive et figée, tout simplement «étranglée par son hijab». Elle n’existe plus que dans l’instant. L’escalier mécanique lui-même est relégué au rôle de décor. L’arme du crime, pour parler en termes de polar, devient le meurtrier. La dame n’a pas été étranglée par le mécanisme de l’escalier dans lequel son hijab s’est coincé, mais par son hijab lui-même.
On s’est bien désolés, et pour cause, que cette nouvelle tragique puisse donner lieu à un dérapage de multiples conversations plutôt stériles à propos du hijab, dissimulant ainsi le sort tragique d’une dame victime d’un accident dans un escalier mécanique. On a même réussi à faire signifier ce fait divers dans une économie beaucoup plus vaste de l’information en faisant des liens avec le débat sur la Charte, par exemple, ou les dangers de l’islamisation. Des sujets qui, pense-t-on, n’ont strictement aucun rapport.
Mais c’est que, justement, par le biais de la diffusion médiatique, cette dame avec son devenir propre, l’instant d’un grand titre, n’existait plus. Elle et son hijab occupaient une valeur à la bourse de l’actualité, dans un système où tout s’entremêle et où les faits sont «divers». En somme, le produit a été consommé tel que présenté dans l’étalage, parmi d’autres produits hétéroclites, et on pourrait difficilement reprocher aux consommateurs d’avoir compris ce qui était inscrit sur l’étiquette. C’est, nommément, un hijab qui tue qu’on leur avait vendu.
Quelques jours plus tard, des citoyens se sont rassemblés à la station de métro pour une vigile. Il s’agissait de se recueillir, peut-être pour redonner à cette dame une existence sensible, en silence, loin des bruits de la place du marché de l’information. Il s’agissait de la sortir de l’instant médiatique pour lui redonner un rôle dans le temps qui passe et qui engage le souvenir d’une existence réelle.
Le rapport du coroner a révélé que la cause du décès était un traumatisme crânien (dont la cause reste encore à déterminer) et non son hijab qui l’aurait étranglé. Si ça n’avait été que le hijab, elle aurait pu le défaire sans problème. Elle avait également reçu des menaces de mort à au moins 2 reprises dans les dernières semaines précédant sa mort, en public. Toutes ses informations proviennent de la famille de Naima qui, malgré le deuil, tient la communauté informée du développement de l’enquête (dans la mesure du possible). Un traumatisme crânien ne se fait pas si facilement, c’est soit lié à une violente chute (très violente) soit à un coup violent porté à la tête. Quelqu’un qui perd pied dans les escaliers (nombre de fois que ça m’est arrivé) a le réflexe de se rattraper à la rampe. Mais quelqu’un qui est attaqué par surprise, non. Aujourd’hui auront lieu les funérailles de Naima à 12h15. Priez pour elle. Pour ceux qui ne croient pas, ayez une pensée pour Naima, pour son mari et ses 2 jeunes garçons qui, à 5 et 7 ans, se retrouvent orphelins de leur maman.
Le gouvernement en mettant en marche le projet de la loi sur la charte des valeurs n’a pas mesuré la fragilité de la composition sociétale et aussi sa fragilité à contrôler l’avalanche qui va s’ensuivre. Une situation irréversible qui va alimenter encore plus le racisme et l’intégrisme de part et d’autre dans un Québec déjà trop occupé par des problèmes économiques et identitaires.
Vous avec raison Ezaoura de mentionner que le débat autour de la charte a réveillé le vieux fond xénophobe d’un bon nombre de Québécois. Le problème identitaire refait surface et prend la forme cette fois-ci d’islamophobie. Cependant, le projet de charte de laïcité n’en est que le révélateur. Une problématique latente n’est jamais de bonne augure. Un gouvernement responsable proposerait des solutions afin de consolider l’identité québécoise plutôt que d’exploiter ses faiblesses à des fins idéologiques ou électoralistes. Malheureusement, le PQ ne semble pas vouloir s’engager sur cette voie, trop aveuglé par le gain électoral que représente son projet actuel. Mais au moins nous voyons un peu plus clairement la faille qui nous assiège.
Deux choses que vous notez et qui se rejoignent dans votre chronique : la dépossession du vécu individuel à travers la médiatisation et un opportunisme vil du média qui fait sa nouvelle en profitant du climat islamophobe que crée le débat sur la charte.
La dépossession du vécu individuel s’observe de plus en plus, et à grande échelle. L’ hyper médiatisation fait que les gens ne parlent plus de leur propre vécu mais des catastrophent qui surgissent tout autour dans le monde, ou des mésaventures de leurs héros de téléromans.
L’opportunisme du média… Il y a vingt ans, une nouvelle intitulée « Étranglé par son foulard » aurait indigné le bon québécois qui porte son foulard pure laine en hiver et n’aurait pas fait la première page du Journal de m. Aujourd’hui, le même titre sous-entendrait forcément qu’il s’agit du foulard islamique. Mais ici, le Journal s’assure de ne pas rater sa cible en désignant un hijab comme assassin. Mercantilisme ou islamophobie ? Utilisation du climat islamophobe ambiant à des fins mercantiles, assurément. L’appât du gain est dénué d’idéologie, tout comme la quête de médailles olympiques. Le gain n’adhère à aucune valeur sinon le gain lui-même. Notre société est en perte de valeurs, l’a-t-on oublié ? Et le récit individuel est désormais dénué d’intérêt.
Juste une remarque de meme …
On le publie ici ce texte qui respecte la netiquette ou je le publie dans un autre endroit du site ou les blogueurs font pas de censure.
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Des remarques :
(1)
On le voit que certains media en ce qui concerne cette nouvelle on utilise le mot foulard volontairement pour tromper, tout comme il n’est pas possible sur certaines nouvelles de certains medias de faire des commentaires.
Je pense qu’on fait de la manipulation. Le reel c’est ca.
(2)
On Remarque aussi que tout ce qu’il y a d’opposant a la charte et ils sont nombreux dans les medias ( a croire que volontairement la couverture n’est pas equilibre ) instrumentalise l’evenement , parole , message ici et la dans le but d’utiliser le sophisme de l’empoisonnement des puits.
La rhetorique est simple on veut pas de la charte … une maniere est que la discussion elle meme parte en couille et que cela se revire contre le gouvernement et ceux qui proposent la charte.
Puisque ceux en faveur de la charte sont plutot moderer et reste sur le fond … il faut donc aller chercher tout ce qu’on peut pour donner l’impression que la discussion derape.
(3)
« On s’est bien désolés, et pour cause, que cette nouvelle tragique puisse donner lieu à un dérapage de multiples conversations plutôt stériles à propos du hijab »
Ensuite pour ceux qui disent que la question du hidjab est pas pertinente dans cette histoire.
Moi j’iamerais rappeler que le projet de loi 94 des liberaux ,en gros leur position actuelle, a ete etudie en commission parlementaire avant que les liberaux decide de ne pas le rappeler.
Dans ce projet de loi il y a avait des criteres de communication et securite en lien avec les accomodements raisonnables.
On a alors discute a savoir si un hidjab pour une gardienne de prison pourrait poser un probleme en regard du critere de securite (ex. prisonnier qui utilise le hidjab comme moyen d’etranglement ) et le barreau du Quebec a ete tres clair la situation ou une gardienne pourrait etre l’objet de strangulation etait farfelue et avec des geste de la main … son representant d’evoquer son incomprehension qu’on evoque la question.
En regard de l’evenement peut-on vraiment se dire que c’est farfelue de dire qu’un hidjab pour une gardienne de prison representerait un risque.
Anyway je pense que les blogueurs ecoutent meme pas les commissions parlementaires …. meme pas sur si projet 94 leur dit quelque chose ….
(4)
La question de la securite est venu souvent. La securite a ete evoque quant au port du hidjab pour des joueuses de soccer ….
On a evoque le risque qu’un joueur puisse dans le cadre du jeu accrocher le hidjab et infliger des blessures au cou.
(5)
Si lorsqu’un incident survient on evite la discussion quant a la securite du hidjab dans x ou y contexte … ou meme qu’on deforme les fait ou les cache ….
C’est sur qu’il n’y aura rien pour s’opposer au barreau et qui revire de bord la question des gardiennes de prison et du hidjab …
On va alors dire que c’est hypothetique qu’on jamais eu de cas …
(6)
Ensuite la discussion … concernant la securite … devrait se faire aussi sur le type de vetement et la maniere ont on le porte.
Souvent on evoque un petit foulard dans les cheveux qui les couvrirait pas au complet …. mais ultimement le hidjab souvent couvre tout et vient avec des vetements qui cachent le cou, les epaules … et bouffant pour cacher les formes …
Moi si on me dit que le hidjab est securitaire sur le terrain de soccer ou pour les gardiennes de prison on me parle de quoi …
C’est désolant de constaté qu’un bête accident fassent faire du millage dans le beau monde de la polémique et encore venir nous dire qu’on est pas fins et pas fines la charte en est responsable. Demandons tous pardon au nom de la victime en signe de respect pour elle et pour ceux qui restes.Pour le reste on peu dire n’importe quoi seule et seulement la raison est signe de règlement parce que l’affrontement perpétuel n’augure jamais et je dis bien jamais de bien.Malheureusement l’histoire est là pour nous le rappelé.Je rêve du jour ou les guerres ne seront plus le barème d’écriture de cette foutue histoire.P.S:Si je dit accident c’est que à date tout semble regardé en ce sens si d’autres éléments viendraient confirmé une autre avenue je maintiendrais quand même mon commentaire qui en seras plus que pertinent.