On a beaucoup parlé de l’indépendance des journalistes à l’occasion du débat concernant les propriétés médiatiques de Pierre Karl Péladeau. On craindrait que ce dernier, désormais politicien actif et éventuellement chef de parti, puisse influer sur la couverture journalistique dans les médias qu’il possède.
Il a quand même été amusant de voir les chroniqueurs de l’empire – qu’il faut bien distinguer des journalistes à proprement parler – se bousculer au portillon pour déclarer leur indépendance. Moi, moi, moi, PKP ne m’a jamais dit quoi dire, je suis indépendant d’âme et d’esprit, et regardez, je vais même le critiquer! Ça vous bouche le genou, hein? Ils ne se rendaient pas compte, sans doute, qu’à répéter en chœur que le patron n’intervient pas, leur prise de position soudaine à ce sujet était justement de bout en bout influencée par la nouvelle carrière politique de PKP. Devoir affirmer dans l’urgence qu’on est un esprit libre, c’est déjà être enfermé dans un certain format.
Mais revenons aux journalistes eux-mêmes. On a beaucoup mis l’accent sur leur impartialité, sur l’importance de leur travail qui consiste à rapporter des faits et aussi sur l’information qui, dit-on, n’est pas un produit comme les autres. C’est une discussion intéressante, certes, mais qui fait trop peu de cas de l’emballage et du placement en magasin, si je peux dire les choses ainsi. Il est tout à fait possible de ne pas intervenir directement auprès d’un journaliste. Tout est dans la manière de présenter son travail: les titres en forme de slogans, les photos et la mise en page qui jouent les panneaux-réclames, la place qu’on lui accorde à la page 4 ou à la page 32. Il faudrait les lâcher un peu, les journalistes, et questionner ceux qui emballent leur travail. Est-ce que le graphiste, lui, est impartial?
Je badine un peu, mais tout de même… Pierre Karl Péladeau lui-même s’est avancé sur ce terrain il y a quelques jours, ce qui est un peu passé sous le radar. Questionné par Gérald Fillion lors d’un récent passage à RDI économie, l’aspirant premier ministre a eu toutes les misères du monde à travailler dans les coins, alors qu’il avait lui-même sollicité l’entrevue pour donner la réplique à la vision économique du PLQ, qu’il juge trop dramatique. On exagérerait, selon lui, en criant sur tous les toits que tout va mal et qu’il y a péril en la demeure. On a donc parlé économie, un peu comme les couleuvres parlent de randonnée pédestre, en rampant pour contourner les obstacles. Or curieusement, au hasard de la conversation, la discussion a pris un tournant médiatique.
[Gérald Fillion] Est-ce que le Québec est dans le rouge?
[PKP] Je sais que c’est la formule qu’on utilise fréquemment, pis euh…
[Gérald Fillion] Au Journal de Montréal, au réseau TVA, sous votre gouverne, on parle du Québec dans le rouge. Je vous pose la question: est-ce que le Québec est dans le rouge?…
[PKP] Ce n’est pas moi qui vais vous donner des leçons en matière de médias, alors oui, il y a des formules qui sont utilisées par un certain nombre de médias… vous voulez récupérer le plus de clientèle, le plus d’auditoire possible. Bon, y’a des formules qui sont utilisées parce qu’elles sont simples, simples à comprendre, et font en sorte de pouvoir récupérer un auditoire.
Et voilà! Un petit tour de magie venait de se produire. Ce que le politicien nous disait, en clair, c’est que le fait brut doit bien être enrobé afin de récupérer de la clientèle et le plus d’auditoire possible. Ce serait même selon lui le b.a-ba des médias. On ferait un peu d’interprétation et on pourrait même croire que les slogans publicitaires, simples à comprendre, servent plus à gagner des parts de marché qu’à dépeindre la réalité le plus fidèlement possible. Autrement dit, laissez faire son travail au journaliste, pour ce que ça vaut… Trouvez juste un slogan facile à comprendre et on va en vendre de la copie, c’est ça qui est important. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Pierre Karl Péladeau.
Vous voulez encore parler de l’information qui n’est pas un produit comme les autres? Mais regardez l’emballage!
Les actions de Québecor reposent essentiellement sur l’exploitation de cette matière première avec les grues du slogan racoleur, le cône orange sur le pupitre de la lectrice des nouvelles, le sondage machin au TVA 22 heures pour savoir si Sophie a raison et les MAJUSCULES pour être certains que vous ayez compris avant même de vous poser des questions.
Le problème qu’il faudra un jour observer consiste à savoir si, à l’heure où les partis politiques sont eux-mêmes des médias qui donnent de la même manière dans la pensée en clip et dans le slogan facile, celui qu’on présente comme le sauveur qu’on n’attendait plus au Parti québécois continuera de voir les choses ainsi.
Après tout, les électeurs ne sont peut-être que des clients, un auditoire qu’il faut récupérer.
Media as usual.
Très bonne réflexion sur l’enjeu que pose un Pierre-Karl Péladeau comme potentiel chef de parti (et peut-être premier ministre). Bien que je salue la volonté de PKP de s’impliquer directement dans l’appareil gouvernemental au lieu de faire comme bien des gens influents (d’ici et d’ailleurs, surtout au États-Unis) et tirer des ficelles de loin, sa seule présence à l’Assemblée Nationale fait de lui un sujet d’actualité, un acteur important dans le débat publique, mais aussi un patron d’une entreprise de média avec le but de vendre cette fameuse actualité, avec les responsabilités qui incombe à un tel poste.
Ma position face à l’homme politique est somme toute positive (bien que ses politiques de droite et antisyndicaliste me laisse un peu froid), il semble être bien intentionné dans sa volonté de faire du Québec un pays. Mais on ne peut malheureusement pas toujours séparer l’homme politique de l’homme personnel (ou professionnel) et l’impact d’avoir un homme comme Péladeau dans une position de pouvoirs multiples (gouvernemental, économique et médiatique) m’inquiète quand même.
C’est n’est pas tant la peur de la manipulation implicite qu’il pourrait mener dans ses organes de presse, mais bien la réaction obligatoire de certains intervenants (journalistes, éditorialistes, rédacteurs en chef, etc.) face à un acteur politique qui ne serais plus seulement un simple politicien, mais aussi un concurrent économique, et, dans le sens inverse, un propriétaire.
Comme l’article le mentionne si bien, les écrits des journalistes en tant que tel ne sont pas nécessairement sujet à l’influence d’un patron, la censure directe étant mal vue dans notre société. C’est pourquoi les médias ont évolué dans leur contrôle du message, préférant des méthodes d’influence plus subtile. Ainsi, la direction général, le choix des articles publiées, l’angle choisi pour parler d’un sujet, le titrage ainsi que les choix visuels d’un média peuvent tous être utilisé pour manipuler la perception des consommateurs de média sur un sujet en particulier.
Comme le disait si bien Marshall Macluhan « The medium is the message. » Ou dans le cas de Péladeau, « I AM the message. »
» il semble être bien intentionné dans sa volonté de faire du Québec un pays. »
Je suis pantois que tant de gens se laissent hypnotiser par son poing levé quand il s’est présenté avec Marois pour devenir député.
D’une part, sur quel angle pouvait-il entrer au PQ sans provoquer son éclatement ? Toute sa carrière est aux antipodes complets du programme du parti. Même si ce programme est mis de côté et ignoré quand le PQ est au pouvoir (depuis Bouchard), cela aurait quand même gros de présenter PKP comme un « défenseur » de la sociale-démocratie. En revanche, au PQ, on pardonne tout à qui se prétend souverainiste. C’était donc sa seule voie d’entrée.
D’autre part, on garde le souvenir de ce poing levé, parce que le PLQ a fait campagne sur ce thème, le remettant à l’avant-scène, ad nausam, pour réussir à obtenir le pouvoir majoritaire. En oubliant que la condition de cette victoire du PLQ est la retraite en désordre du champ de bataille, 2 jours après, par Marois (qui jurait ne pas vouloir tenir de référendum dans le prochain mandat) et de PKP, qui a prétendu n’être entré en politique « que » pour l’économie et a évité soigneusement toute référence à la souveraineté par la suite (même encore maintenant).
http://ici.radio-canada.ca/sujet/elections-quebec-2014/2014/03/13/005-pierre-karl-peladeau-recentre-message-economie.shtml
Mais est-il vraiment souverainiste ?
Lorsqu’il a hérité des journaux de son père, il a changé leur orientation nationaliste pour en faire un réseau de convergence médiatique en guerre contre l’État et prônant son démantèlement, ainsi que toutes les lois du travail, environnementales,etc.
C’est pourquoi je trouve sa toute récente conversion à la sociale-démocratie et à la lutte contre l’austérité (qu’il a prôné pendant toute sa carrière de financier) digne de celle de Saint-Paul. Et aussi surprenante que si l’actuel Desmarais se prétendait souverainiste, si Harper se mettait à défendre l’environnement, si Amir se mettait à vanter les mérites des pharmaceutiques et des gros financiers, si Poétie dénonçait la brutalité policière, etc.
Ensuite, il a courtisé pendant des décennies les milieux financiers « canadians » pour qu’il l’accepte comme un des leurs. Allant jusqu’à déclarer, lorsqu’il a mis la main sur Sun Media (177 journaux du ROC) que c’était un « grand jour pour le Canada ».
Il a été, avec sa femme Julie Snyder, un gros contributeur du PLQ et même à l’ADQ quand ceux-ci étaient près du pouvoir (2207), avant de changer son fusil d’épaule en 2009 quand Charest a commencé à couler:
PKP :
2005 : 1 000$ aux PLQ
2007 : 3 000 $ à l’ADQ et 1 000 $ au PLQ
2008 : 3 000$ au PLQ
2010 : 3 000$ au PQ
Julie Snyder :
2005 : 1 000$ au PLQ et 1000$ à l’ADQ
2009 : 1 000$ au PLQ, 1 000$ à l’ADQ et 1000$ au PQ
(données officielles du DGEQ)
Puis, a littéralement créé le « phénomène CAQ » en faisant la promotion gratuite et agressive de Legault, en le présentant comme un « Sauveur » dès la première conférence de presse où lui et Sirois annonçaient qu’ils allaient, dans quelques mois, lancer des idées politiques, avec la possibilité, un jour, peut-être, éventuellement, on verra, fonder une association politique qui pourrait peut-être, un jour, éventuellement, on verra, devenir un parti politique. Alors que Legault ne faisait une sortie publique qu’une fois tous les deux ou trois mois, le réseau Québécor en parlait quotidiennement, allant même jusqu’à mettre « le futur parti de Legault » dans ses sondages (sans faire de sondage avec les seuls partis existant pour qu’on voit la différence, il fallait qu’on consiodère que « le parti de Legault » faisait partie du paysage alors même que l’OSBL n’existait pas encore).
Retourner voir les archives de TVA et du JdM: Ils tapaient sur les « veixu partis » ( PLQ et le PQ), parlaient des « alternatives » en écartant rapidement l’ADQ « qui ne décollent pas » pour foncer à fond sur le « futur parti de Legault. Et oubliait totalement de mentionner le quatrième parti représenté en chambre (Québec solidaire) qui avait un programme passablement différent des autres et qui avait réussit, malgré une faible présence médiatique, à survivre à 2 élections et à faire élire un député (le plus populaire à ce moment). POur Québécor, il n’y avait que 4 partis: deux déclinant, un qui ne décolle pas et le parti du Sauveur. Lequel n’existait pas, n’avait aucun député en chambre, n’avait même pas participé à une élection partielle, ni même de programme.
Sans PKP et Québécor, la CAQ serait morte des mois avant d’exister.
Le seul média qu’il ait fondé, c’est Sun News ! Création personnelle de PKP qui s’en est encore vanté pendant la campagne électorale. Parce qu’il montre son « sens des affaires »: Il a repéré un créneau inexploité au ROC et s,y est lancé Quel créneau ? L’hyper-conservatisme de Harper et le Quebec bashing. Il a personnellement a engagé l’ancien directeur de presse de Harper comme PDG de Sun News et fait de ce poste de télé l’organe de propagande agressif de Harper.
Et est-ce uniquement pour faire de l’argent ? Ce poste perd un million par an et il le maintient ouvert. La seule raison pour maintenir ouvert un média qui perd autant d’argent est de garder de bonnes relations avec Harper. Ou d’être masochiste.
Il faut beaucoup de bonne volonté (naïveté) pour y voir le parcours d’un souverainiste convaincu.
A la lumière de tout ce parcours, qui me donne l’impression d’être celui d’un financier arriviste (excusez le pléonasme), le seul point qui peut faire croire un instant qu’il est souverainiste est une seule et unique déclaration en levant le poing. Déclaration reniée deux jours plus tard. Cela me semble bien peu pour être convaincu.
Comme plusieurs autres avant lui, M. Péladeau vise sa préséance personnelle avant tout autre chose.
Peu importe le pays, l’époque, ou la couleur des rideaux…
Ce qui est le plus navrant avec tout ça, c’est de savoir que des personnes appuieront et applaudiront sans même se rendre compte que le «sauveur» ne sauvera en bout de ligne personne.
Il ne fera que se «sauver» lui-même. Avec une petite gloriole ajoutée à son bagage.
Espérons, pour le bien commun, qu’il finira par rentrer dans ses terres.
Pendant que l’on ergote sur une évidence (Imaginez les réactions si l’un des Desmarais se présentait comme Premier ministre…), notre dette québécoise augmente à une vitesse folle.
Voulons-nous vraiment d’un autre Berlusconi au Québec?
En tout cas, en se comparant, on se console, la dette du Québec augmente à une vitesse moins folle que la majorité des pays! Pratiquement seul les pays plus avancés que nous ont une vitesse moins « folle » que nous…
Des gens comme Yves Boisvert et Patrick Lagacé admettre eux-même que les journalistes et plus encore les chroniquers et éditorialistes de sont pas censuré mais savent s’autocensurer!!!
Pour Péladeau, une autre formule choc: « Ce qui est bon pour le Québec est bon pour Québécor…. et vice versa! »