Il faisait bon entendre et lire Dominic Champagne cette semaine alors que le Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) présentait un rapport remettant sérieusement en doute la fracturation hydraulique, l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. Le rapport entre les dommages potentiels et les éventuels bénéfices ne laisserait pas grand doute: ces projets de forages seraient un mauvais plan d’affaires, et ce qu’on appelle «l’acceptabilité sociale» ne serait jamais au rendez-vous. Il y a de petites victoires comme ça qu’il faut savoir célébrer, et Champagne, qui porte la voix des opposants depuis quelques années, ne s’est pas gêné pour se réjouir. Sur les ondes de Radio-Canada, il a partagé sa joie avec tous ceux qui ont pris la parole, en donnant notamment une bonne tape dans le dos à Gabriel Nadeau-Dubois qui a su s’affirmer comme leader positif dans la récente opération Doublons la mise afin de financer la campagne Coule pas chez nous.
Nadeau-Dubois qui a mérité pour son essai Tenir tête le Prix littéraire du Gouverneur général, assorti d’une bourse de 25 000$ qu’il a donnée, a soutenu vouloir aider ceux qui défendent le «pays réel», ces gens qui luttent pour protéger notre territoire et notre intégrité contre ce qu’il a appelé le «pétro-fédéralisme». De toute évidence, plusieurs ont répondu présent. Alors qu’il était question de doubler la mise, elle a plutôt été multipliée par 15! C’est aujourd’hui 385 330$ qui ont été amassés à la suite de son appel.
Félicitons donc ces deux batailleurs, et tous les autres aussi, moins connus et moins visibles. Je pense par exemple à un type comme Mikael Rioux qui a mené dans la région de Cacouna un réel combat de terrain. N’en doutez pas, il ne s’agit pas ici de quelques parades sur la scène du show-business et de l’engagement à la mode.
Le pays réel, donc… Il y a là une leçon qu’on devrait retenir et que certains devraient méditer longuement. Car 2014 a aussi été marquée ce printemps par la raclée électorale servie au Parti québécois qui, désormais sans chef, n’arrive même plus à jouer un rôle d’opposition face au libéraux qui jouent tout bonnement seuls sur la patinoire.
Que s’est-il donc passé? Comment se fait-il que ceux qui défendent ce fameux pays réel puissent remporter des petites victoires avec un soutien populaire manifeste, alors que le parti qui traditionnellement menait ce genre de combat multiplie les déconfitures dans le désintérêt le plus total?
Récapitulons. Revenons en juillet 2013 lors du tragique accident ferroviaire de Lac-Mégantic. Pour une des rares fois, Pauline Marois, alors chef du PQ, pouvait apercevoir une embellie dans les sondages. Sa gestion de la crise avait été, de l’avis de tous, exemplaire. Il y avait tout dans cette triste affaire pour défendre, justement, ce fameux pays réel. Un train bourré de pétrole venait de nous exploser en pleine figure. Je veux dire, côté «réel», on ne fait guère mieux. Dur réveil. Il y avait là une compagnie étrangère, sans doute plus concernée par les profits que par la sécurité, qui faisait rouler des bombes à retardement à l’insu de tout le monde, sur une voie ferrée administrée par le fédéral sans qu’on ne puisse même connaître le contenu des wagons. Plus encore, ce train précisément ne faisait que passer, pour ainsi dire, entre le Dakota du Nord et la raffinerie Irving Oil, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick. Qui faisait quoi? Qui avait autorisé quel règlement? Qui était responsable de tel ou tel segment de voie ferroviaire? Pour les intérêts de qui, au juste? Un joyeux bordel à démêler…
Certes, faire de la politique sur le dos des morts, ce n’est pas joli. Mais savoir comprendre l’indignation des vivants, en prendre la pleine mesure et accepter de prendre le combat à bras le corps, c’est un peu ce qu’on attend des politiciens. Le PQ avait tout à l’époque pour mettre la table. Qui passe sur notre territoire? Pour faire quoi? Qui va ramasser les dégâts? Et les autres? Et Anticosti? Et Cacouna? Et ces oléoducs? Est-ce qu’on est en train de se faire fourrer?
Alors que le pays réel s’inquiétait à juste titre de son intégrité territoriale et économique, on a choisi quelques semaines plus tard de mener un autre combat. Oubliez les trains, les oléoducs et tous ces cossins compliqués et salissants… Parlons turbans et hijabs, si vous le voulez bien. La vraie menace est là. C’est à peu près ce qu’on nous a dit au PQ. Oubliez le pays réel, parlons du pays imaginaire. Endormez-vous, les enfants, je vais vous lire un conte de fées: «Il était une fois, un intégriste barbu qui menaçait notre tissu social…»
Le pays réel, pendant ce temps, il a fallu que des gens mobilisés et entêtés le défendent. Et ce sont eux, qui viennent de remporter quelques victoires, qu’on doit féliciter. Notez bien que toute cette mobilisation a été possible sans utiliser de ceintures fléchées et de crucifix.
Ceux qui en ce moment se disputent la chefferie du PQ devraient bien saisir ce qui se passe sous leurs yeux depuis quelques années. C’est le vœu que je fais pour eux pour 2015. Ils sont devant un choix plutôt simple: rêver un pays imaginaire et s’endormir pour très longtemps, ou se réveiller une fois pour toutes et saisir le pays réel.
….crucifix et autre signes religieux aussi , pour être juste et prévenant.
Cela fait malheureusement des années (depuis le passage de Bouchard en fait) que la classe politique est complètement en décalage avec le pays réel. Normal, quand on s’aligne sur les lobbys financiers.
La bataille contre les gaz de schiste a démarré en 2011 par des citoyens qui ont vu débarqué les gazières et se sont informés, puis indignés et mobilisés. Mouvement purement citoyen qu’aucun parti politique n’avait vu venir. Même Québec solidaire a pris quelques temps à réagir. Et le PQ a pris le train en route avec trois semaines de retard sur QS.
C’est ainsi pour tous les grands combats des dernières années: casino, Surois, mont Orford, Cacouna, etc.
Dans le cas des pipelines, le gouvernement Marois (qui se vantait de bien s’entendre avec les financiers) a même pris fait et cause pour Enbridge, travaillant pour promouvoir le projet et diaboliser les adversaires (voir les vidéos officiels de la commission parlementaire: http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CAPERN/mandats/Mandat-24553/index.html). D’où la faiblesse de son opposition au pipeline de TransCanada, résumant le combat uniquement aux bélougas.
P.S. Couillard peut bien dire qu’il est maintenant contre les gaz de schiste…pour l’instant, cela n’engage à rien, puisque le prix du gaz naturel a chuté il y a trois ans (surexploitation aux États-Unis), rendant les nouveaux projets peu intéressants. Exactement le discours de Charest, puis de Marois, qui se donnaient un verni « écolo » en constatant simplement une situation financière.
Et je remarque qu’il n’est pas question de légiférer, ni d’imposer de moratoire (Couillard a même dit qu’il n’aimait pas le mot). Autrement dit, il est contre quand le prix est bas. Si jamais le prix devait monter, rien n’empêcherait les gazières de débarquer et de forer avant qu’on réalise ce qui se passe.
C’est pour cela que les citoyens mobilisés restent vigilants. Aucune confiance dans les gros partis, trop près des financiers.
Tout au long du débat sur la charte, j’ai eu la chance de parler avec de nombreux musulmans, je devrais même plutôt dire musulmanes, qui ont fait du combat en faveur de la laïcité le combat de leur vie.
Elles étaient très heureuses de débattre du symbole qu’est le voile et ne se sont jamais senties brimées d’aucune façon…sauf quand nos « inclusifs » laissaient entendre que ces « pauvres immigrantes » seraient incapables de comprendre qu’il y a un moment pour afficher sa foi et un autre pour la neutralité.
De constater avec quelle condescendance – et c’est un euphémisme – vous jugez de la pertinence de leur lutte doit vraiment les affliger.
Mais d’où vient cette idée qu’on ne puisse s’attaquer à plus qu’un problème en même temps?
D’où vient cette tendance de la gauche à se « jamboniser » au point de reprendre les slogans juvéniles de François Legault?
Oui nous devons travailler à nous affranchir du pétrole et oui nous devons mettre des règles claires pour encadrer la place de la religion dans un Québec de plus en plus multiethnique. En même temps. Parce que c’est ça la réalité dans notre pays réel.
Euh! Scuse! Un empêche pas l’autre. Pourquoi pays réel et pays imaginaire? Aucun rapport avec l’imaginaire. Les deux sont réels.
Encore une fois, il faut bien reconnaître les victoires du sens, GND et tutti quanti, bravo. Ce qui m’agasse et le mot est faible c’est encore cette livide tentative idioto-islamiste typique de cette clique médiatique (et dont vous faites partie mister J.) d’amalgamer le débat nécessaire (et pour l’instant raté mais inévitable) sur l’instauration d’une charte laïque à la réthorique pro-économique. Que le PQ dans toutes sa maladresse chronique ait servi ce débat à des fins électorales est une chose, que cette charte dans toute sa nécessité et son amplitude soit jugée prioritaire par la majorité (silencieuse de moins en moins!) des africains du Nord pour ne nommer qu’eux, n’effleure pas les journalistes gangrénés de bienpensance. Dommage.
Lâchez le projet Drainville. Il était mal ficelé (épargnant les symboles catholiques pour s’attaquer aux symboles non-chrétiens uniquement) et tout le débat a été mené, dès le moment où Drainvilla a coulé son avant-projet au JDM, dans un but évident de wedga politics.
Diviser les autres partis et gagner des votes du côté des nationalistes non-souverainistes (autonomistes) en écartant la souveraineté au profit du discours « identitaire ».
L’élément électoraliste est tellement criant que même Drainville a enterré sommairement son projet quelques jours après le 7 avril. « Le projet est mort » a-t-il déclaré, dans une courte et sommaire épitaphe.
Est-ce qu’on peut passer à autre chose SVP ?
Pour moi, femme, féminisme, ayant vécu les règles de notre société catholique des années 50 et 60 et ayant réussi à m’en libérer peu à peu, la signification des voiles et des hidjabs est plus réelle encore que les gaz de schiste. Si les kippas et les turbans étaient aussi nombreux dans mon environnement réel, je serais tout autant outrée (mais peut-être un peu moins étant donné qu’ils concerneraient seulement les hommes). Alors, j’attends toujours un retour du débat.
Dans mon livre INCLURE. Quelle laïcité pour le Québec ? j’ai donné la parole (pour une rare fois) à des femmes portant pour la plupart le hijab, intelligentes et modérées. Pourrait-on les écouter une fois de temps en temps ? Mais le débat sur la Charte m’a mis en contact avec un bien plus grand nombre encore de femmes musulmanes, PRATIQUANTES ET NON PRATIQUANTES, qui ne portaient pas le foulard mais qui ne voulaient rien savoir non plus du projet de Drainville. Le PQ, paternaliste, s’est entiché de quelques personnes peu représentatives de leur communauté et leur a permis de lui dicter sa politique envers les musulmans. Un peu comme les Américains ne reconnurent longtemps, comme seuls représentants de toute la Chine, que Chiang Kai Shek et sa femme (élevée aux Etats-Unis, Mme Chiang adorait ce pays, parlait l’anglais mieux que le chinois et était une fervente protestante; cela en faisait la Chinoise idéale aux yeux des Américains). On sait où cette naïveté a mené les États-Unis. Ils ont fini par en revenir, heureusement.