De quoi le Québec est-il le nom?
C’est une question qui me revient sans cesse à l’esprit. Depuis une vingtaine d’années au Québec, le débat sur l’identité mobilise une bonne partie de notre attention et de notre énergie. On s’en souvient, la commission Bouchard-Taylor remettait son rapport en mai 2008. Elle se penchait sur des débats et des problématiques qui avaient éclaté au grand jour au cours de la décennie précédente.
Je ne veux pas vous entraîner dans tous ces dédales où nous nous sommes perdus mille fois, mais il s’agit simplement de marquer la date. Depuis toutes ces années, au gré de divers événements, la question revient sans cesse et allume les passions: mais de quoi, au juste, le Québec est-il le nom? Qu’est-ce qui nous distingue? Qu’est-ce qui nous identifie?
Avez-vous remarqué que depuis tout ce temps, alors que nous nous aventurons dans ces discussions, nous avons assez peu parlé de culture, d’agriculture, de terroir, de territoire, de savoir-faire ou de paysages? Certes, oui, on en parle, de temps en temps, mais jamais pour définir notre identité. On discute de culture sous l’angle du divertissement et de nourriture en fonction de l’alimentation. L’agriculture est perçue comme un «secteur économique» où se jouent des accords commerciaux compliqués tandis que lorsqu’on s’intéresse au paysage, c’est le plus souvent pour des questions environnementales.
Pourtant, il arrive, en voyage à l’étranger, assez loin de chez moi, qu’on me demande de parler du Québec, de raconter d’où je viens et de dire à peu près qui nous sommes. Il me vient chaque fois en tête des goûts, des odeurs, des mots, des saisons, des paysages, des sons et des images. Je chante une toune de Plume, je raconte un film de Gilles Carle, je parle de l’hiver qui dure six mois, des battures sur le fleuve, des distances incroyables, du patin sur les lacs, du hockey dans les ruelles. Je balance quelques sacres, je raconte l’espace qui nous entoure, la recette de la poutine ou du pâté chinois. Je nomme des lieux: la Gaspésie, l’Abitibi, Tadoussac, Havre-Saint-Pierre, le «bout de la route» lorsque j’étais plus jeune…
J’ai sans doute posé cette question mille fois, mais vous ne trouvez pas ça curieux que, lorsque nous tentons de nous définir collectivement, nous ne parlions presque jamais de toutes ces choses?
C’est quand même étonnant. Comme je vous disais, la question de l’identité déclenche les passions. On sent bien, à nous lire et à nous entendre dans nos débats parfois enflammés, qu’elle mobilise une grande énergie. Aucun doute, nous avons soif de raconter qui nous sommes. Mais depuis une dizaine d’années, au Québec, lorsque nous voulons nous nommer, nous parlons de quelques types qui portent un turban ou de femmes qui portent un voile. C’est devenu une obsession complètement malsaine.
D’une part, nous y voyons à tort une sorte de menace à notre identité alors que nous laissons complètement de côté, dans ces discussions, tous les attraits de notre culture.
D’autre part, et c’est important de le dire, à jouer ce jeu, nous avons creusé un immense fossé entre Montréal et le reste du Québec. Il y a là une fracture qu’il faut de toute urgence réparer.
Pensez-y un peu. Imaginez cette citoyenne de Maniwaki ou ce résident de Yamachiche qui, en ouvrant le téléviseur le soir, entend dire que le sort de notre identité collective se joue dans un quartier de Montréal où on se demande si on pourra prendre l’autobus avec une burqa, alors que jamais au grand jamais, au bulletin de nouvelles, on ne parle de ce qui se fait à Maniwaki ou à Yamachiche. Jamais, que je vous dis. Sauf s’il y a un drame ou un scandale.
Vous n’avez pas l’impression, parfois, que nous n’avons pas la bonne conversation?
Les médias ont un grand rôle à jouer dans ces discussions. Il faut nous recoudre, nous raccommoder, nous apprivoiser. Au plus sacrant.
De notre côté, il est temps de passer à l’action.
Au cours des prochaines semaines, avec mes collègues des magazines Voir et L’actualité, nous vous proposons une idée qui deviendra une nouvelle plateforme de publication. Nous lançons le projet Tour du Québec. Le titre dit tout. Nous voulons tisser des liens, aller à votre rencontre et créer, grâce à vous, un réseau qui permettra de mieux nous connaître. Posons-nous ensemble la question: de quoi le Québec est-il le nom?
Nous voulons vous lire, vous entendre et vous connaître. Nous souhaitons savoir quels sont vos endroits préférés, ce qui a du goût, ce qui sonne par chez vous, ce qui est beau, ce qui est bon, ce qui se respire, ce qui vous inspire. Un paysage, un coin de pays, un produit créé dans votre région, un lieu magnifique, un producteur, un vignoble, une artiste, une bonne idée, une personne incroyable. Allez-y sans modération, nous voulons tout savoir.
Comment faire? C’est simple. Rendez-vous sur tourduquebec.ca et suivez le guide! Vous y trouverez un formulaire pour nous envoyer vos idées et communiquer avec nous afin d’en savoir plus. Évidemment, vous pouvez aussi nous écrire, par courriel ou par la poste, comme vous voulez! On attend de vos nouvelles et très bientôt, nous partirons ensemble faire le tour du Québec!
Au plaisir de vous lire, et, surtout, souhaitons-nous bon voyage!