Alan Lake: Trop fort pour sa ligue
Alain Lake est plus qu’un simple chorégraphe. Il est aussi plasticien, réalisateur, scénographe. On a infiltré l’antre de sa plus récente création.
Avec Les caveaux, l’artiste de Québec signe une production multidisciplinaire d’envergure internationale, le genre de spectacle novateur que les cousins transatlantiques du Carrefour de théâtre pourraient programmer dans leurs festivals.
Prendre un lieu incongru et le transformer en plateau de danse surdimensionné. C’est, grosso modo, le concept de base de cette carte blanche commandée par La Rotonde, une pièce hautement ambitieuse comme il s’en fait vraiment peu à/au Québec au rayon de la danse contemporaine. Le public, des abonnés vraiment game pour la plupart, ont sauté par dizaines (au total : 92 par soir) dans le bus scolaire qui les amènerait vers l’endroit secret où Les caveaux seraient présentés.
La scénographie, même en plein jour lors de notre « visite libre », est volontairement glauque et sale. Plus étrange encore : ce décor n’en est pas vraiment un, jusqu’à certains points. La machine à peser, les peluches délavées et les charpentes en bois étaient déjà là, dans cet entrepôt désaffecté. Des voyages de terre, des branches d’arbres morts, des toiles de plastique des fusils et compresseurs à peinture ont été ajoutés au lot pour un tantinet de poésie.
Cet environnement industriel plus vrai que nature génère un sentiment très bizarre: cette impression d’assister à quelque chose de réel. Que ces liens, cette tension insoutenable entre les interprètes est authentique.
D’ailleurs, les quatre protagonistes nous livrent des instants de danse d’une grande complexité technique : des phrases chorégraphiques contemplatives qui rappellent le butō, des duos qui font chavirer avec des portées athlétiques, des mouvements de contorsion ultra précis, des gestes robotiques près du popping. C’est varié, pour faire corps avec les ambiances, les tableaux ou scènes qui le sont tout autant. À ce sujet, mention spéciale Bruno Matte. Un magicien qui relève cet important défi logistique avec brio.
Alan Lake a aussi un don pour créer des images vraiment fortes, télégéniques. Une aptitude qui témoigne de son expérience comme réalisateur de films, des courts-métrages qu’il avait l’habitude de nous présenter avant ses chorégraphies. Cette fois, il présente son travail in situ, propose des mélanges de matières, de textures, des éléments de couleurs et de trucages précisément élaborés. Comme s’il s’était fait directeur photo de l’éphémère.
Les caveaux, c’est la consécration d’un type qui est passé d’étoile montante à figure nationale établie en l’espace de cinq soirs dans un hangar caché du quartier Limoilou à Québec. Ne reste plus qu’à espérer des supplémentaires. Ce grand spectacle ne peut pas mourir aussi vite.