Les trésors de l’Assemblée Nationale
J’ai cherché une traduction de book porn, mais je n’en ai pas trouvé. Vous allez devoir vous rabattre sur un vilain anglicisme libidineux.
Comble de l’exotisme : j’ai demandé une accréditation de journaliste sérieuse, puis me suis fait fouiller par la sécurité (processus normal) pour pénétrer l’antre de la politique québécoise, les coulisses du pouvoir provincial. Je suis passée devant le bureau de M. Couillard (petit frisson), mais c’est vers l’édifice Pamphile-Le May que j’ai marché, le pavillon centenaire abritant la splendide bibliothèque.
Le bâtiment, construit à l’aube de la guerre, a été inauguré en 1915 et en impose sérieusement avec son architecture style Beaux-Arts. Les livres, soigneusement rangés en rang d’oignon, complètent ce décor néo-classique parsemé de marbre et de boiseries élégantes. J’ai l’impression d’atterrir sur le plateau d’un film – genre, mettons, Breakfast at Tiffany’s avec Peppard et Hepburn.
Après pas moins de trois incendies et moult déménagements, l’institution vieille de 214 ans jouit aujourd’hui d’une réserve muséale bien garnie au sous-sol. Il y a des bouquins, oui, mais aussi d’artéfacts à faire frémir le Musée de la civilisation d’envie.
Du nombre : une flasque du début du XXe siècle retrouvée sur le chantier avoisinant le mois dernier, mais aussi cette pièce d’identité, celle saisie lors de la capture de son regretté propriétaire par les membres du FLQ. Un objet qui transporte avec lui une lourde charge émotive et historique, une carte qui a été léguée par la veuve de Pierre Laporte.
Cette pièce, qui n’avait jamais été présentée au public jusqu’ici, s’inscrit dans le corpus de l’exposition Les trésors de la Bibliothèque inaugurée il y a seulement une semaine.
Quelques éléments-clés de la Collection de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau (bibliophile et premier ministre du Québec de 1867 à 1873) ont fait leur chemin jusqu’aux présentoirs de verre, placés en bordure de la verrière de Guido Ninchéri.
Forcément, la Somme théologique du frère Thomas, reconnu de l’ordre des pêcheurs vole un peu la vedette. Il s’agit, ni plus ni moins, du document le plus ancien de la bibliothèque. Année de parution : 1473.
Ce qui m’impressionne le plus, outre l’expertise olympique des restaurateurs, c’est ces lettrines rouge sang et bleu royal qu’on retrouve tout au long de l’ouvrage et qui ont (ça dépasse l’entendement!) été tracées à la main.
L’entièreté des livres, dont le saisissant Théâtre des cités du monde, l’ancêtre de l’atlas, ont été numérisés et sont consultables en ligne.
Sinon, l’exposition est accessible du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30. Rendez-vous au 1035 rue des Parlementaires. L’entrée est gratuite, mais vous devez fournir une pièce d’identité.