C’est une réplique aux galeries du Vieux Port (quelques exceptions s’appliquent) figées dans le pop art de Corno et ses émules ou le naturalisme à la manière du Groupe des sept. C’est une sculpture contemporaine qui jaillit au détour d’une rue peuplée de poseurs à selfie sticks, des installations anachroniques plantées dans un quartier d’antiquaires. Depuis trois étés, Les passages insolites d’ExMuro viennent insuffler un supplément d’âme, générer un dialogue avec l’histoire (oh oui, le jeu de mot est volontaire) dans le secteur le plus aseptisé de la ville – je sais, je me répète.
Il y a ceux qui carburent aux chocs esthétiques décadents, et follement amusants par ailleurs, puis il y a la poétique Giorgia Volpe. Une artiste qu’on invite de plus en plus dans l’espace public et qui touche les coeurs par sa proposition artistique misant sur l’artisanat, la douceur. Elle nous propose le second volet de Passage migratoire, série amorcée l’an dernier à Place Royale et dans les même circonstances, une oeuvre hypnotisante qui évoque les mouvements des populations, mais aussi la fragilité des embarcations qui les mènent ou non à bon port. Ces petits bateaux blancs résonnent si fort avec l’actualité, la peur et le danger de ces voyages qui finissent trop souvent au téléjournal en nous arrachant les larmes.
C’est un hommage à l’immigrant, oui, mais c’est également un clin d’oeil au folklorique québécois. J’y vois une belle référence à La Chasse-galerie d’Honoré Beaugrand, cette idée du canot qui flotte, défie les lois de la gravité.
L’humour prédomine dans le reste du parcours de sept stations qui sera bonifié par deux ajouts au fil de la saison. Le Torontois Robert Hengeveld règne en maître sur la cohorte de farceurs avec TTTourner: l’oeuvre la plus drôle, la plus délirante et géniale que j’ai vu à Québec depuis la dernière Manif d’art. Une intervention excessivement subtile que j’ai eu du mal à trouver, certes, mais qui m’a finalement fait rire un bon coup. Je n’en dirai pas davantage de peur de dévoiler la surprise… En tout cas, vous avez rendez-vous au coin des rues St-Pierre et St-Antoine non loin de l’Auberge homonyme ainsi que du Musée de la Civilisation.
Même si le premier arrêt de ma tournée m’a un peu déçue par son esthétique terne, alors que le Collectif Allard-Duchesneau voulait en fait transformer le laid en beau, les vidanges en trésors, le reste du corpus s’avère étonnant (Sortir son ballon), bizarroïde (Cube spatial), mignon (Quand les avions en papier ne partent plus au vent) ou engagé.
À ce sujet, j’ai beaucoup aimé imposteur du collectif les malcommodes pour son propos dénonciateur, en quelque sorte, la réflexion que cette gang de créateurs propose sur les reconstitutions historiques trompeuses et le détournement de patrimoine. C’était très pertinent, à mon sens, vu le lieu qui leur sert de cadre: La Batterie royale.
Les passages insolites seront présentés jusqu’au 15 octobre.
Pour l’itinéraire c’est par ici: passagesinsolites.com