Koriass, tête première
Cinéma

Koriass, tête première

Hymne «à l’espoir et à la résilience», Revenir de loin de Sabrina Hammoum nous dévoile un Koriass franc, authentique et vulnérable.

D’une durée de 48 minutes, le documentaire retrace les moments importants de la vie du rappeur eustachois, de son enfance jusqu’à la création de son quatrième album, Love Suprême, en passant par son engagement envers les jeunes et sa récente dépression.

«Si c’était moi qui avais entrepris le docu, ça serait crissement bizarre et narcissique», relate Koriass, quelques minutes après la première médiatique. «Mais là, c’est différent… C’est vraiment le projet à Sabrina, sa façon très personnelle de me voir. Je crois que c’est humain et inspirant. L’approche me plaît.»

Le déclic, Sabrina Hammoum l’a eu à l’été 2014. Fan de l’œuvre du rappeur (mais pas «fanatique» comme elle tient à le rappeler), la réalisatrice écoutait Rue des Saules en voiture lorsqu’elle a compris que Koriass pouvait faire office de sujet pour son prochain documentaire. «J’ai eu un flash et j’ai dit à mon chum qu’il y avait de quoi à faire avec lui», se souvient-elle. «Ce sont des chansons très personnelles comme Montréal-Nord et Long Time No See qui m’ont amené à ce constat-là. Je voulais approfondir les sujets et raconter l’histoire de l’humain derrière le rappeur. Pas nécessairement faire un docu sur Koriass, mais bien sur Manu Dubois

photo-5
Koriass avec sa conjointe et leurs deux enfants. Crédit : Sabrina Hammoum

Premier film qu’elle réalise seule (ses précédents L’envol des aigles et Ma maison bleue avaient été coréalisés avec son copain Loïc Guyot, qui a cette fois pris les rênes de la production), Revenir de loin a été initié à l’automne 2014, puis tourné sur une période d’un an et demi, du début de l’année 2015 à la fin du printemps 2016.

Sans être totalement fermé à l’idée, Koriass avait quelques réticences lorsqu’il a reçu un premier courriel de la part de la réalisatrice. «Dans ma tête, quand tu fais un docu, faut que le gars ait une carrière de longue haleine et des accomplissements. Perso, je me voyais encore dans mes débuts. Je doutais du fait que ma vie puisse être digne d’intérêt», admet-il. «Sabrina m’a approché en me disant qu’elle avait pensé à des thèmes principaux et que mon histoire atypique pouvait, au contraire, inspirer les jeunes.»

Enfance difficile

Né à Montréal-Nord au milieu des années 1980, Koriass a été élevé par une mère monoparentale. Absent, son père a quitté le nid familial peu avant la naissance de son fils afin de rejoindre une secte en Amérique du Sud. Déterminée à briser le cycle de la pauvreté héréditaire, sa mère a tout mis en œuvre pour que son fils et sa fille ne manquent jamais de rien, notamment en déménageant dans un coin plus tranquille, à Saint-Eustache, avec son nouveau copain.

Photos de famille à l’appui, Revenir de loin s’intéresse d’emblée à cette enfance en dents de scie afin de mieux mettre en relief la musique et les positions sociales du rappeur. «Des histoires comme celle de Manu, il y en a plein, mais la plupart du temps, on ne les raconte pas parce qu’elles sont vécues par des nobody, des gens qu’on ne connait pas», indique la réalisatrice. «Le fait que Koriass soit un artiste, ça nous donne un prétexte pour parler de tout ça. Au-delà de toute l’histoire personnelle, je crois que c’est un film qui parle à beaucoup de monde.»

photo3
Crédit : Sabrina Hammoum

Hammoum montre Koriass à des moments épineux de sa vie. Même si le malaise n’est pas si perceptible à l’écran, la scène qui le montre en studio avec Sabrina Halde, chanteuse du groupe Groenland, dérangeait fortement le rappeur à la base. «Sabrina venait de chanter son refrain en français, et j’étais pas satisfait. Je trouvais ça trop moralisateur», admet le rappeur de 30 ans. «À ce moment-là, j’étais vraiment en tabarnak d’avoir une caméra dans face, mais en fin de compte, je suis content que ça se retrouve dans le docu. Ça montre que, dans la création, il y a beaucoup d’essais-erreurs. Le soir même, Sabrina est revenue pour faire le refrain en anglais, et c’était complètement malade.»

Sans pudeur

Autre moment difficile pour le rappeur : celui où il repasse devant son appartement de la rue des Saules à Québec, là où il a fait une grave dépression – en trame de fond de son troisième album, paru en 2013. «Ça a été très dur pour moi de ressasser tout ça», confie-t-il. «J’étais déjà passé devant la maison depuis, mais d’y aller avec ma blonde et d’en parler aussi explicitement, ça m’a ramené plein d’émotions.»

photo4
Crédit : Sabrina Hammoum

En vedette à plusieurs moments dans le film, sa copine Geneviève East-Goulet livre de touchants témoignages, notamment lorsqu’elle réagit à Natural Born Féministe, un texte viral de Koriass (Urbania, 2015) qui raconte en partie le viol qu’elle a vécu il y a plusieurs années.

«Je voulais qu’elle puisse raconter le downside de toute cette histoire-là», explique le rappeur. «Quand j’ai écrit le texte, je lui ai demandé son avis et, sur un coup de tête, on a décidé de le publier. L’affaire, c’est que sa famille n’était pas au courant de l’histoire… Ça a créé une grosse onde de choc. Ses frères étaient vraiment pas contents de l’apprendre comme ça. Looking back, on l’aurait fait différemment…»

Bref, loin de rester en surface, Revenir de loin explore en profondeur son sujet. À l’aise devant la caméra et très généreux dans ses témoignages, Koriass ose se dévoiler sans pudeur, comme jamais un rappeur québécois ne l’a fait auparavant. «Quand j’ai accepté de le faire, je suis plongé all in, tête première», dit-il. «Si c’était en surface, ça aurait été plate… Fallait que ce soit real.»

Revenir de loin – présenté à TV5 : 12 juillet 21h, 14 juillet 14h, 17 juillet 9h et 18 juillet 5h30.

[facebook]10154309447959512[/facebook]

En visionnement gratuit pour une semaine sur le site de TV5.